Défenseur des droits | Rappel à la loi - RAL N°2025-014 du 27 mars 2025 relatif à l’orientation scolaire d’un mineur non accompagné placé sous tutelle de l’aide sociale à l’enfance

Source : Défenseur des droits

Publication : 27.03.2025

Voir en ligne : www.juridique.defenseurdesdroits.fr

Texte :

« Le Défenseur des droits a été saisi des difficultés rencontrées par un mineur non accompagné (MNA), placé sous tutelle de l’aide sociale à l’enfance, dans son orientation scolaire.

Le jeune, alors scolarisé en classe de troisième, souhaitait être orienté en seconde générale à la fin de son année scolaire. Compte tenu de ses bons résultats, l’équipe éducative de son collège s’était dite favorable à cette orientation. Cela étant, le département s’y est opposé en sa qualité de tuteur. Le jeune aurait alors été fortement encouragé à privilégier la voie professionnelle.

Dans un premier temps, le Défenseur des droits a fait une tentative de médiation auprès des services départementaux et, dans ce cadre, a pu échanger avec la responsable de la section MNA. Eu égard aux éléments transmis et au refus du conseil départemental de rentrer dans une démarche de règlement amiable, une instruction a été menée auprès de ce dernier.

Au terme de son intervention, le Défenseur des droits a conclu que le refus opposé par le conseil départemental au souhait du jeune d’intégrer une seconde générale a porté une atteinte à son intérêt supérieur ainsi qu’une atteinte discriminatoire à son droit à l’éducation, en raison de sa situation de famille (confié à l’aide sociale à l’enfance), son origine (étranger en situation administrative précaire) et sa particulière vulnérabilité liée à sa situation économique (sans soutien de famille et en situation économique précaire).

Sur ces critères, le Défenseur des droits a constaté que le conseil départemental a introduit un traitement différencié moins favorable, en ne prenant pas en compte les souhaits et capacités de l’élève.

Le conseil départemental ayant indiqué s’être opposé à l’orientation du jeune en filière générale en tenant compte de la nécessité de sécuriser son parcours à sa majorité, notamment en termes de séjour et d’autonomie financière, le Défenseur des droits a rappelé que, si la sécurisation du parcours d’un jeune à sa majorité peut constituer un but légitime, les moyens pour y parvenir doivent être nécessaires et appropriés.

À cet égard, le Défenseur des droits a relevé que plusieurs options sécurisantes s’offraient au conseil départemental afin de sécuriser administrativement la présence du jeune sur le territoire français et qu’un contrat jeune majeur pouvait être conclu entre le département et le jeune à sa majorité, lui permettant de bénéficier d’une prise en charge éducative et d’une allocation financière jusqu’à ce qu’il soit autonome dans la limite de ses 21 ans. D’autres solutions auraient également pu être recherchées pour sécuriser le parcours de l’élève, tout en prenant en considération son niveau scolaire et ses souhaits.

En conséquence, le Défenseur des droits a considéré que le refus d’orientation en filière générale opposé par le conseil départemental était disproportionné au regard du but recherché.

En outre, le département indique avoir pris en compte les souhaits du jeune dans la construction de son projet professionnel en lui proposant un cursus professionnel dans la gestion administrative étant donné que le jeune souhaitait s’orienter in fine vers des études en sciences politiques.

Or, le Défenseur relève que si le jeune souhaitait bien s’orienter, à terme, dans les sciences politiques, son souhait restait celui de faire, dans un premier temps, une filière générale. S’il a fini par accepter une orientation en filière professionnelle, il indique ne pas avoir eu le choix et qu’il s’agissait en aucun cas de son souhait.

Ainsi, le Défenseur des droits constate que, si le département a tenté de construire un parcours professionnel pour le jeune en prenant en compte le choix de carrière de ce dernier, le postulat de départ de ce projet selon lequel son parcours devait être "sécurisé" empêchant toute poursuite d’études générales apparaît largement erroné, sans que le département ne démontre ce qui faisait réellement obstacle à ce choix de filière.

En l’état de ces éléments, le Défenseur des droits a invité le département à accompagner dans leur orientation les mineurs non accompagnés dont il a la charge au regard de leur projet, de leurs souhaits, et de leurs capacités, sans discrimination.

L’examen de cette situation a conduit le Défenseur des droits à attirer plus largement l’attention du département sur un risque de systématisation d’une pratique qui tendrait à orienter par principe les mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance vers des filières courtes pour leur garantir rapidement une autonomie et ressources financières autonomes et titre de séjour. »

Retour en haut de page