Résumé :
Faits :
La requérante, ressortissante française, a obtenu une « délégation de puissance paternelle » sur sa nièce par un jugement du tribunal hors classe de Dakar, qui avait été accordée à la seule demande du père (le code de la famille sénégalais permettant au père de l’enfant d’un couple marié de décider de déléguer l’autorité parentale sur l’un des enfants du couple sans l’accord de la mère de l’enfant).
Elle a ensuite sollicité pour sa nièce un visa de long séjour auprès des autorités françaises à Dakar, ce qui lui a été refusé. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté son recours contre cette décision.
Décision :
Le Conseil d’Etat confirme la décision par laquelle la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif annulant la décision de cette commission.
Il retient tout d’abord que les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l’état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d’exequatur (sauf dans la mesure où ils impliquent des actes d’exécution matérielle sur des biens ou de coercition sur des personnes). Toutefois, il précise qu’il appartient à l’autorité administrative de ne pas fonder sa décision sur des éléments issus d’un jugement étranger qui révéleraient l’existence d’une fraude ou d’une situation contraire à la conception française de l’ordre public international.
Or, le Conseil d’Etat retient que le principe d’égalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale fait partie des principes relevant de la conception française de l’ordre public international (ce qui avait déjà été affirmé à plusieurs reprises par la Cour de cassation). En l’espèce, en considérant que le jugement du tribunal de Dakar révélait l’existence d’une situation contraire à la conception française de l’ordre public international dont il résulte qu’une délégation d’autorité parentale à un tiers ne peut pas être accordée par un des parents de l’enfant concerné sans l’accord de l’autre parent, le Conseil d’Etat conclut que la Cour administrative d’appel n’a pas méconnu son office ni commis d’erreur de droit.
Dès lors que l’administration était fondée à écarter la reconnaissance de la délégation de l’autorité parentale, en l’absence d’autre motif tiré de l’intérêt de l’enfant à rejoindre la requérante, la cour n’a pas méconnu l’intérêt de cet enfant.
Extraits de la décision :
« […]
3. C’est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour administrative d’appel de Nantes a estimé qu’il résultait des dispositions du code de la famille sénégalais que le père de l’enfant d’un couple marié peut décider de déléguer l’autorité parentale sur l’un des enfants du couple sans l’accord de la mère de l’enfant.
4. En deuxième lieu, d’une part, les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l’état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d’exequatur, sauf dans la mesure où ils impliquent des actes d’exécution matérielle sur des biens ou de coercition sur des personnes. Si l’autorité administrative doit tenir compte de tels jugements dans l’exercice de ses prérogatives, il lui appartient toutefois, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de ne pas fonder sa décision sur des éléments issus d’un jugement étranger qui révéleraient l’existence d’une fraude ou d’une situation contraire à la conception française de l’ordre public international.
5. D’autre part, le principe d’égalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale est au nombre des principes relevant de la conception française de l’ordre public international.
6. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour a, d’une part, relevé que le tribunal hors classe de Dakar avait, conformément aux dispositions du code de la famille sénégalais, accordé la délégation de l’autorité parentale à la seule demande du père de l’enfant et, d’autre part, estimé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que l’attestation signée par la mère de l’enfant indiquant avoir consenti à la procédure que se bornait à produire la requérante ne présentait pas un caractère probant. En déduisant de ces circonstances que le jugement du tribunal hors classe de Dakar révélait l’existence d’une situation contraire à la conception française de l’ordre public international dont il résulte qu’une délégation d’autorité parentale à un tiers ne peut pas être accordée par un des parents de l’enfant concerné sans l’accord de l’autre parent, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n’a pas méconnu son office ni commis d’erreur de droit.
7. En dernier lieu, dès lors que la cour a jugé que l’administration était fondée à écarter la reconnaissance de la délégation de l’autorité parentale dont elle se prévalait, Mme A..., qui n’invoquait aucun autre motif tiré de l’intérêt de l’enfant à la rejoindre, ne peut utilement soutenir que la cour aurait méconnu celui-ci en rejetant sa demande.
[…]. »
Décision en PDF :