Résumé :
La Cour d’appel infirme le jugement du juge des enfants et confie l’intéressé, mineur et isolé, au département.
Pour dire qu’il n’y avait pas lieu à assistance éducative, le juge des enfants s’était notamment fondé sur le fait que l’acte de naissance bangladais de l’intéressé avait été légalisé par l’ambassade du Bangladesh en France et non par les autorités françaises au Bangladesh, conformément au décret n°2024-87 du 7 février 2024 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère. A défaut de légalisation par les autorités françaises dans le pays dans lequel il a été établi, il ne pouvait produire d’effet en France sauf à être pris en compte au titre du faisceau d’indices.
Or, la Cour d’appel relève que le décret du 7 février 2024, n’est pas applicable à la présente instance, l’acte de naissance ayant été établi antérieurement à l’entrée en vigueur du décret le 1er avril 2024. Il convient donc de faire application droit antérieur, à savoir qu’en l’absence d’accord bilatéral entre la France et le Bangladesh, l’acte de naissance devait faire l’objet d’une soit légalisation soit par les autorités françaises au Bangladesh, soit par la représentation de ce pays en France, ce qui est le cas en l’espèce.
La Cour d’appel rappelle également, suite aux remarques formulées par le département sur l’acte de naissance présenté, qu’il n’appartient pas au service évaluateur de minorité d’apporter une appréciation juridique sur l’authenticité de l’acte de naissance et sa légalisation.
L’article 47 du code civil (présomption d’authenticité des actes d’état civil étrangers) trouve ainsi à s’appliquer, sans que les éléments extérieurs à l’acte qui ont été soulevés (imprécisions et incohérences dans le récit, appréciation de l’apparence physique) soient suffisants pour remettre en cause sa force probante.
Extraits de l’arrêt :
« […].
Cependant, le décret n°2024-87 du 7 février 2024 n’est pas applicable à la présence instance compte tenu de sa date d’entrée en vigueur au 1er avril 2024.
Il convient donc de faire application du droit antérieur, à savoir la coutume internationale telle que rappelée ci-avant.
En l’espèce, en l’absence d’accord bilatéral spécifique entre la France et le Bangladesh, l’acte de naissance produit par M. […] doit, pour être considéré comme probant au sens de l’article 47 du code civil, faire l’objet d’une légalisation soit par les autorités françaises dans son pays d’origine, soit par la représentation de ce pays en France, ce qui est le cas en l’espèce, l’acte ayant été légalisé par l’ambassade du Bangladesh à Paris.
Il n’appartient pas au service évaluateur de minorité d’apporter une appréciation juridique sur l’authenticité de l’acte de naissance et sa légalisation. L’acte de naissance produit n’apparaît aucunement douteux ou incohérent.
Il s’ensuit que la présomption posée par l’article 47 du code civil trouve à s’appliquer.
Les dispositions de l’article 47 du code civil permettent certes d’écarter la force probante d’un acte de l’état civil étranger régulier en la forme lorsque des éléments extérieurs à l’acte sont de nature à établir que les indications y figurant présentent un caractère mensonger.
Toutefois, les imprécisions relevées dans le parcours scolaire et la vie familiale, les invraisemblances relevées dans le récit du parcours migratoire de l’intéressé et l’appréciation qui a été faite par les évaluateurs de son apparence physique sont insuffisants pour permettre d’écarter l’état de minorité tel qu’il résulte du document d’état civil produit. Contrairement à ce que le service évaluateur a retenu, le fait de mal se repérer dans le temps n’est pas nécessairement un facteur d’invraisemblance du parcours de l’intéressé, celui-ci étant cohérent lorsqu’il déclare avoir fini sa scolarité en décembre 2021 alors même que le service écrit lui-même que l’année scolaire se termine au Bangladesh en décembre, peu importe de savoir si sa scolarité a pris fin en raison ou pas de l’épidémie du Covid ; il ne sait pas dire l’âge de son père ou de son oncle de sorte qu’il n’est pas incohérent dans ses capacités lorsqu’il se repère mal au niveau des dates de sa scolarité.
Au jour de l’audience de la cour, M. […] présente une apparence juvénile. Si l’apparence physique est un critère purement subjectif, force est de constater que rien ne permet dans l’apparence de M. […] au jour de l’audience de la cour de conclure à sa majorité ou d’exclure sa minorité.
[…]. »
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