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Rapport d’activité : Repérage et accompagnement vers le droit commun des mineurs étrangers en danger, isolés ou mal accompagnés - Association Hors La Rue

Année 2011

Publié le mercredi 2 mai 2012 , mis à jour le mercredi 13 août 2014

Extrait :

Edito signé Edouard Donnelly, Président de l’association HLR

En 2011, la situation des mineurs étrangers en danger dans notre pays s’est profondément dégradée.

Les jeunes sont plus nombreux - le nombre de nouveaux jeunes que nous rencontrons chaque année
a augmenté de près de 30% en 2011 ; leur situation s’aggrave avec une hausse des situations de
prostitution, de la traite et la dégradation de leurs conditions sanitaires et psychologiques ; ils sont de
plus en plus jeunes avec un âge moyen des jeunes rencontrés par nos équipes qui plonge en 2011 en
dessous de la barre alarmante de 14 ans.

Alors que cette situation extrêmement préoccupante devrait constituer une priorité absolue, les
solutions apportées par les pouvoirs publics sont quasi-nulles et les dispositifs existants de protection
de l’enfance se dégradent. L’État réduit son engagement financier et n’assume pas ses
responsabilités régaliennes tandis que les collectivités locales, de droite comme de gauche, déclarent
maintenant ouvertement que les mineurs étrangers coûtent trop cher, trouvent des moyens détournés
pour ne pas les prendre en charge et mettent en place des dispositifs d’accueil dont la première
fonction semble être le tri des enfants qui s’y présentent pour réduire le nombre de jeunes accueillis.

A Paris, cet hiver 2011-2012, tous les jours et y compris pendant les nuits les plus froides, des enfants
parfois très jeunes ont dormi dehors faute de place.

Faut-il le rappeler, le public dont nous nous occupons est constitué de mineurs, d’enfants, c’est à dire
d’êtres en construction, par définition vulnérables, dont la société doit assurer la protection et le bienêtre.
Cette obligation est éthique, juridique (au regard du droit français et international) et relève
également du simple bon sens humain, de la morale commune.

A n’en pas douter, vu leur situation, si ces mineurs étaient français, leur prise en charge serait
immédiate et les moyens déployés seraient à la hauteur. Pourtant, quand on parle d’enfants, le droit,
l’éthique et la morale devraient nous imposer de ne pas nous poser la question de la nationalité ;
aujourd’hui, c’est très loin d’être le cas.

Faut-il que nous soyons descendus si bas pour que nous soyons désormais obligés de convaincre
que la nation se doit de protéger ses enfants en danger ?

Une situation préoccupante des enfants de la communauté rom face à l’absence totale de
réponse adaptée

Une grande partie des jeunes que nous accompagnons est constituée de jeunes roumains migrants
pour la majorité appartenant à la communauté rom. Ces mineurs font directement les frais des
politiques et des discours de stigmatisation à l’encontre de cette communauté.

Le maintien de dispositions dérogatoires interdit l’accès au travail ou à la formation professionnelle
pour eux et pour leur famille (lorsqu’ils en ont) et les maintient donc dans la plus grande misère. C’est
cette situation économique qui conduit une partie d’entre eux à se mettre en danger à travers des situations d’errance, de mendicité, de prostitution, de petits larcins sans gravité, etc. La politique
d’expulsion systématique (des bidonvilles ou du territoire) réduit très souvent à néant les quelques
tentatives d’accompagnement social. Les obstacles sont innombrables ne serait-ce que pour faire
respecter le droit à la scolarisation des enfants. A cette réalité s’ajoutent les discours qui entretiennent
la peur, le rejet voire la haine.

Pour ces enfants en danger, nous sommes confrontés à une absence totale de solution, y compris
lorsque les jeunes sont demandeurs. Le placement n’est adapté que dans de rares situations ; de fait,
les institutions semblent l’avoir acté, et n’y recourent même plus. Des mesures existantes d’assistance
éducative (administratives ou judiciaires) pourraient répondre à de nombreux besoins mais elles ne
sont jamais mises en œuvre faute de services compétents.

Ces mineurs sont ainsi, faute de moyens, de dispositifs adaptés, et surtout de volonté politique,
laissés à l’abandon et dans une très grande précarité sanitaire et sociale.

Un phénomène d’exploitation et de traite des enfants en forte augmentation, sans qu’aucun
dispositif de protection adapté ne soit mis en place

La situation de ces enfants (roumains migrants) favorise les phénomènes d’exploitation et de traite
des êtres humains. Sur le terrain, le constat est alarmant. En 2011, un tiers des jeunes que nous
avons rencontré était en situation d’exploitation (vol forcé et prostitution).

Assurer la protection de ces jeunes est particulièrement difficile puisqu’il n’existe pas de dispositif de
prise en charge à même d’assurer leur protection et en particulier leur éloignement des adultes qui les
exploitent.

La pression médiatique et politique sur la question de la délinquance des mineurs roumains, son
instrumentalisation, est un obstacle majeur à la recherche de solutions. Bien que l’existence de
« réseaux d’exploitation » soit désormais souvent mise en avant par les discours politiques et parfois
même très exagérée par rapport à la réalité d’un phénomène bien plus complexe et hétérogène, cela
ne se traduit pas par une volonté de protection des victimes.

Une politique répressive contre les mineurs roumains qui conduit à des drames humains

La lutte contre les phénomènes de traite se heurte à la politique répressive mise en place par le
Gouvernement et à la communication à outrance sur ces questions. Les injonctions politiques
empêchent de mieux connaître et appréhender ces phénomènes. Les quantifier est par exemple quasi
impossible tant les chiffres communiqués en matière de délinquance mêlent des réalités différentes
allant de la mendicité à l’agression. De plus les consignes données aux policiers et la politique pénale
qui cible particulièrement ces mineurs conduit à une augmentation mécanique des chiffres les
concernant.

Il ne s’agit pas pour nous de nier la réalité – il y a une délinquance des mineurs d’Europe de l’Est qui
se développe dans le cadre de phénomènes d’exploitation. Nous nous battons d’ailleurs pour faire
connaître et reconnaître la situation de ces jeunes. Mais cela doit conduire à renforcer les politiques
de protection de ces enfants : nous sommes au contact permanent de ces jeunes, nous savons qu’un
autre avenir est possible pour eux, ils en ont la possibilité, ils en ont la volonté. Les seules politiques
répressives conduisent à une impasse, conduisent à l’aggravation de la délinquance, conduisent à
des drames humains.

Aujourd’hui, du fait des injonctions politiques contre les enfants roumains, des mineurs qui sont avant
tout victimes sont plus durement sanctionnés et subissent des peines longues qui se rapprochent de
celles appliquées à des majeurs pour les mêmes faits.

La réponse répressive qui consiste aujourd’hui à envoyer des mineurs de moins de 15 ans, exploités,
derrière les barreaux pendant plusieurs mois – jusqu’à 9 mois pour des vols de portable - n’est pas
acceptable. Elle est même inhumaine car elle constitue une violence inouïe infligée à ces enfants que
nous rencontrons en prison, et elle est contre-productive puisque la prison pour ces mineurs est bien
plus criminogène que dissuasive.

La prise en charge des mineurs isolés étrangers régresse dans notre pays

Si la situation est particulièrement difficile pour les mineurs étrangers en danger pour lesquels rien
n’est prévu, elle est à peine meilleure pour ceux qui sont pourtant tout à fait connu, demandeurs et
pour lesquels le droit impose cette prise en charge.

Il s’agit des jeunes généralement qualifiés de « mineurs isolés étrangers ».

Ces mineurs sont pour la
plupart en région parisienne, de nationalités variées, et aspirent à une protection. Ils sont
demandeurs, le plus souvent avides d’apprendre le français, de se former et de travailler. Pourtant,
leur accueil est aujourd’hui vécu comme une charge en particulier par les départements. En 2011, le
département de Seine Saint-Denis a cessé de les accueillir pendant un mois tandis que le Conseil
Général de Paris a mis en place un dispositif d’externalisation de l’accueil de ces jeunes qui limite leur
accès à une protection pour des raisons souvent obscures comme un âge « jugé trop proche de la
majorité ». Cet hiver jamais autant de mineurs n’avaient dormi dans la rue à Paris, et la situation se
poursuit voire empire.

Pour ces situations inquiétantes, nous pensons que notre travail comme celui des autres associations
qui œuvrent dans ce domaine est plus que jamais nécessaire. Nous menons un travail de longue
haleine dont les résultats ne sont pas toujours perceptibles à court terme. Il faut du temps pour qu’un
jeune « abîmé », « déstructuré » se reconstruise et puisse de nouveau s’inscrire dans un projet de vie.

La situation dans la rue justifie notre présence et notre action. Mais celle-ci ne prend réellement son
sens que si les institutions se mobilisent pour trouver les réponses adaptées à ces jeunes. Nous ne
pouvons mener un travail éducatif et les aider à s’orienter que si la société est prête à leur faire une place. Il faut une volonté politique pour passer de ce qu’il faut bien appeler une logique de rejet à une
logique d’accueil.

Inquiets mais pas découragés, nous espérons que l’année 2012 sera l’année du réveil et de la prise
de conscience collective des dérives actuelles, indignes de notre nation.
Hors la rue continuera à se mobiliser pour travailler auprès de ces jeunes dans la rue mais aussi pour
être leur porte-voix dans le débat public.

Rapport en intégralité au format pdf

RA 2011 HLR