Vœu présenté par Ian Brossat, Danielle Simonnet, le Groupe Communiste et élu-e-s du Parti de Gauche en séance du Conseil de Paris du 14 octobre 2013
"Considérant l’importance du dispositif d’accueil des Mineurs isolés étrangers (MIE) pour la collectivité parisienne, qui concerne un tiers de l’ensemble des MIE présents sur le territoire national après avoir fui la misère ou des pays en guerre et être venu chercher une protection en France, ainsi que leur forte augmentation numérique au cours des dernières années (1.800 placements auprès de l’Aide sociale à l’enfance aujourd’hui, contre 690 en 2007),
Considérant que le Conseil de Paris a délégué depuis septembre 2011 le premier accueil des jeunes étrangers isolés au secteur associatif qui assure une part des activités du pôle accueil du Secteur éducatif des mineurs non accompagnés (SEMNA) des services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) via la Permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers (PAOMIE), dont le rôle est d’évaluer la situation de chacun de ces jeunes « afin de s’assurer de sa minorité et de son isolement », et de fournir à celles et ceux qui sortent de cet examen avec un avis favorable une première « mise à l’abri », sous forme d’hébergement provisoire, en attendant qu’une véritable prise en charge soit, ou non, décidée,
Considérant que la loi prévoit que minorité et isolement sont synonymes de danger mais que le dispositif de PAOMIE mis en place à Paris revient à considérer systématiquement la réalité de la minorité et de l’isolement comme douteuse, voire frauduleuse, selon un entretien d’évaluation au terme duquel il serait possible d’aboutir à une « certitude intuitive »,
Considérant l’avis des associations de défense des droits de l’enfant, d’aides aux migrants et de plusieurs organisations syndicales qui considèrent que les pratiques actuelles de la PAOMIE à Paris reviennent à instaurer un filtre d’élimination de jeunes qui devraient au contraire bénéficier d’une présomption de minorité, puisque l’outil est actuellement prévu uniquement dans le sens de débusquer parmi les jeunes celles et ceux qui essaieraient de bénéficier abusivement du dispositif de protection, si bien que les « fiches d’évaluation et information préoccupante » révèlent un degré de suspicion systématique contraire aux recommandations du 19 décembre 2012 du Défenseur des droits qui insistent pour que le processus d’évaluation préalable à l’entrée dans le dispositif de protection de l’enfance « soit guidé par l’intérêt supérieur de l’enfant et soit mené de manière bienveillante, par des professionnels qualifiés »,
Considérant que Paris se doit d’être exemplaire dans l’accueil des Mineurs isolés étrangers, qui doivent avant toute chose être considérés comme des mineurs isolés en danger et non spécifiquement comme des étrangers, conformément à l’obligation prévue à l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles donnant mission aux Départements de « prendre en charge les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, sans prévoir de condition de nationalité »,
Considérant que la circulaire nationale du 31 mai 2013 modifie les modalités de prise en charge des MIE en généralisant les évaluations type « PAOMIE » et en instaurant leur répartition, et incite elle-même à une très forte suspicion en comportant des expressions tel que « s’assurer de la minorité », « doute sur les déclarations de l’intéressé », « fraude documentaire » ; qu’elle envisage, en outre, expressément le recours à l’expertise médicale de vérification de l’âge, malgré son peu de fiabilité,
Considérant que la PAOMIE et les services de l’ASE ne devraient jamais remettre en cause la minorité d’un jeune dès lors que celui-ci présente un document d’état civil qui n’a pas été sérieusement contesté ; qu’ « il n’y a pas lieu, contrairement aux pratiques parisiennes, de remettre en cause l’appartenance au mineur des documents administratifs qu’il présente et dont authenticité n’est pas contesté » ainsi que l’indique la garde de Sceaux dans sa circulaire du 31 mai 2013,
Considérant que pour les mineurs sans document d’état civil, le premier devoir de l’ASE est de les mettre en mesure de se les procurer auprès des autorités de leur pays d’origine, en prenant de soin de vérifier avant que l’intéressé ne souhaite pas déposer une demande d’asile,
Considérant que les mineurs isolés étrangers comme les politiques sociales en générale n’ont pas à faire les frais de l’austérité budgétaire menée par le Gouvernement et qui se répercutent au niveau du Département de Paris,
Sur proposition de Ian Brossat, Danielle Simonnet et du groupe Communiste et élu-e-s du Parti de Gauche, le Conseil de Paris émet le vœu que le Maire de Paris :
- rappelle aux services de l’Aide sociale à l’enfance et aux associations mandatées, leur obligation de mener leurs missions d’accueil des jeunes isolés étrangers isolés, tout comme pour les jeunes isolés français, avant toute chose avec bienveillance, selon l’intérêt supérieur de l’enfant,
- d’abandonner l’utilisation de la fiche d’entretien et d’évaluation utilisée par la PAOMIE et de mettre en œuvre un processus d’évaluation conforme aux recommandations du défenseur des enfants, sans mise en cause ou suspicion a priori portant sur les déclarations des personnes concernées,
- demande à l’Etat les moyens nécessaires pour ce faire, plutôt que de maintenir un dispositif de filtre qui organise l’exclusion abusive de la protection de l’enfance en danger, et qu’en aucun cas le nombre de mineur à accueillir ne soit un frein à l’accueil de l’intégralité des ces mineurs isolés, conformément à la loi
- demande au gouvernement que la circulaire nationale du 31 mai soit réécrite à la suite de nouvelles concertations avec l’ensemble des acteurs concernés"