FONDEMENTS DE LA DEMANDE : Application combinée des articles L. 313-15 et L.313-10 1° du CESEDA
- Art. L. 313-15 CESEDA :
« A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l’article L. 313-10 portant la mention "salarié” ou la mention "travailleur temporaire” peut être délivrée, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigé. »
- Article L.313-10° CESEDA :
« Une carte de séjour temporaire, d’une durée maximale d’un an, autorisant l’exercice d’une activité professionnelle est délivrée à l’étranger :
1° Pour l’exercice d’une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l’article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ".
La carte de séjour est prolongée d’un an si l’étranger se trouve involontairement privé d’emploi. Lors du renouvellement suivant, s’il est toujours privé d’emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu’il a acquis à l’allocation d’assurance mentionnée à l’article L. 5422-1 du code du travail ;
2° Pour l’exercice d’une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l’article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d’un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " ;
3° Pour l’exercice d’une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d’existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale ".
L’étranger se voit délivrer l’une des cartes prévues aux 1° ou 2° du présent article sans que lui soit opposable la situation de l’emploi sur le fondement de l’article L. 5221-2 du code du travail lorsque sa demande concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l’autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives.
La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° du présent article est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l’emploi, à l’étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d’Etat ; »
En résumé, une carte de séjour temporaire d’une durée maximal d’un an autorisant à travailler
porte la mention "salarié" lorsque l’activité salariée est exercée sous contrat de travail à durée indéterminée, et sera renouvelée.
porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l’activité est exercée dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée, la carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail, dans la limite de 12 mois. Elle sera renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail.
CONDITIONS DE DÉLIVRANCE DU TITRE DE SÉJOUR :
- prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance entre 16 et 18 ans :
À noter : L’article L. 313-15 CESEDA ne fait référence qu’aux jeunes confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. La question se pose alors de savoir si une prise en charge par une autre structure telle que les services de la protection judiciaire de la jeunesse ou par une association ou un tiers digne de confiance à la suite d’un placement direct par le juge des enfants peut conduire à l’octroi d’un titre de séjour mention "vie privée et familiale" sur le fondement de l’art. L. 313-15 CESEDA.
- Le Gisti, dans son cahier juridique sur les mineurs isolés étrangers de juillet 2011, met en avant le fait qu’une telle distinction entre les jeunes confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance et ceux confiés à d’autres services ou à un« tiers digne de confiance » est peu cohérente. En effet, le placement des mineurs isolés étrangers ailleurs qu’à l’Aide Sociale à l’Enfance dépend souvent d’éléments aléatoires (notamment des places disponibles) qui ne justifient en rien une différence de traitement s’agissant des possibilités de régularisation à la majorité.
- formation professionnelle depuis au moins 6 mois à la date de la demande :
- Le caractère professionnalisant de la formation suivie : il peut apparaître des disparités entre les départements sur l’opportunité de l’octroi d’un titre de séjour salarié selon la nature de la formation. Ainsi, une formation en CFA ne posera pas de difficultés en ce qu’elle fait intervenir un contrat de travail entre l’apprenti et son employeur. A contrario, une formation ne faisant pas intervenir un contrat de travail ou une promesse d’embauche ne saurait enlever le caractère professionnel des formations. Ainsi, la condition de qualification professionnelle ne doit pas être interprétée uniquement pour les formations qui comprennent un apprentissage ou une alternance et qui nécessitent donc un contrat de travail (CAA Nantes, 7 avril 2015, N°14NT01749 ou encore TA Lyon, 8ème chambre, 21 janvier 2015, n°1408474).
Une demande de titre de séjour mention "salarié" qui s’appuie sur une formation initiale en lycée professionnel est en revanche parfois rejetée malgré le caractère professionnalisant de la formation.
D’autres formations ont pu être considérées comme non-éligibles au titre de la formation professionnelle. A titre d’exemple la Cour Administrative de Nantes a pu considérer que le fait d’être inscrit dans une classe de 3e « découverte professionnelle des métiers du bâtiment » dans un lycée professionnel ne peut être regardé, compte tenu de son caractère et de son objet, comme une formation destinée à apporter une « qualification professionnelle » au sens de l’article L. 313-15 du CESEDA (CAA Nantes, 4e ch., 30 nov. 2012, n° 12NT00182). - Par ailleurs, de nombreux délais sont à même de retarder l’entrée effective en formation du mineur :
- Longue période avant qu’une prise en charge pérenne par l’Aide Sociale à l’Enfance soit mise en place DONC : retarde le moment où un travail éducatif susceptible de mener à une entrée en formation pourra être entamé (Cf. Article Dispositifs spécifiques aux mineurs isolés étrangers dans la Rubrique Protection de l’enfance)
- délai pour acquérir un niveau de langue suffisant pour suivre une formation
- délai pour évaluer le niveau scolaire du jeune et si besoin pour le remettre à niveau
- Délai nécessaire pour trouver une structure qui accepte de prendre le jeune en formation
- Délai nécessaire pour obtenir une autorisation de travail auprès de la DIRECCTE
- Période nécessaire à ces jeunes pour se reconstruire après leur arrivée avant de pouvoir entamer un cycle de formation.
- etc ...
- Le caractère professionnalisant de la formation suivie : il peut apparaître des disparités entre les départements sur l’opportunité de l’octroi d’un titre de séjour salarié selon la nature de la formation. Ainsi, une formation en CFA ne posera pas de difficultés en ce qu’elle fait intervenir un contrat de travail entre l’apprenti et son employeur. A contrario, une formation ne faisant pas intervenir un contrat de travail ou une promesse d’embauche ne saurait enlever le caractère professionnel des formations. Ainsi, la condition de qualification professionnelle ne doit pas être interprétée uniquement pour les formations qui comprennent un apprentissage ou une alternance et qui nécessitent donc un contrat de travail (CAA Nantes, 7 avril 2015, N°14NT01749 ou encore TA Lyon, 8ème chambre, 21 janvier 2015, n°1408474).
DONC : Ces délais doivent inciter à effectuer les démarches pour le jeune le plus rapidement possible afin qu’au cours de l’année de son dix-huitième anniversaire il puisse justifier d’au moins 6 mois de formation professionnelle.
- faiblesse des liens avec la famille restée dans le pays d’origine :
- La Circulaire du 28 novembre 2012 sur les conditions d’admission au séjour des étrangers en situation irrégulière (NOR INTK1229185C) a toutefois précisé que « le critère de la nature des liens familiaux ne devait pas être systématiquement opposé si ces liens sont inexistants, ténus ou profondément dégradés. »
- Une appréciation stricte des juges a cependant pu conduire à une jurisprudence estimant que des contacts avec la famille durant la minorité afin d’obtenir un document d’identité pouvaient faire obstacle à l’octroi d’un titre de séjour sur le fondement de l’Art. L. 313-15 CESEDA : CAA Lyon, 24 janv. 2013, M. B., req. no 12LY01579 : « la circonstance, révélée par un rapport rédigé par des éducateurs de son foyer d’accueil et versé au dossier, que M. B...ait réussi à obtenir, en 2011, sa carte d’identité albanaise après que ses éducateurs lui ont demandé de prendre contact avec un membre de sa famille resté en Albanie afin de recevoir un document d’identité officiel, suffit à établir que l’intéressé a conservé des liens avec sa famille restée dans son pays d’origine »
ATTENTION : Cette jurisprudence ne reflète pas nécessairement l’état du droit. Une demande sur le fondement de l’Art. L. 313-15 CESEDA ne doit pas être exclue uniquement par crainte d’un rejet sur le fondement de cette jurisprudence. Toutefois, il faut anticiper l’éventualité d’un tel refus et effectuer une demande subsidiaire sur un autre fondement ("vie privée et familiale" et/ou "étudiant") afin d’augmenter les chances de régularisation du jeune.
Conseil d’Etat, 2ème et 7ème chambres réunies, décision du 11 décembre 2019 n°424336. MIE guinéen s’est vu refuser la délivrance de son titre de séjour (L.313-15 du Ceseda) au motif qu’il n’établissait pas, malgré le décès de ses parents, être isolé dans son pays d’origine. "En statuant ainsi pour caractériser l’absence d’erreur manifeste d’appréciation commise par le préfet, la cour a fait du critère de l’isolement familial un critère prépondérant pour l’octroi du titre de séjour mentionné à l’article L. 313-15 précité, alors, d’une part, que les dispositions de cet article n’exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine et, d’autre part, que la délivrance du titre doit procéder, d’une appréciation globale sur la situation de la personne concernée au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, des liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française. Elle a par suite commis une erreur de droit". Il est enjoint au préfet de réexaminer la situation de M.X sous un mois.
- insertion dans la société française (avis de la structure d’accueil) : La loi exige un simple avis sur l’insertion dans la société française du jeune. Il s’agit principalement de mettre en avant le parcours éducatif et scolaire de l’intéressé. Tout autre élément qui témoigne de la volonté d’intégration devra également être mentionné dans cet avis qui accompagnera la demande de titre de séjour du jeune (activités pratiquées, relations sociales ou professionnelles, etc. ..)
ATTENTION : L’avis demandé à la structure d’accueil doit se limiter aux éléments nécessaires à l’appréciation de l’insertion du jeune dans la société française. Tout élément qui n’aurait pas pour objet de témoigner de cette insertion n’a pas à être communiqué à la Préfecture.
ATTENTION :
Le Conseil d’Etat a estimé dans sa décision N°441736 du 1er juin 2022 que les jeunes éligibles à ce titre de séjour (L. 435-3, anciennement L. 313-15 du CESEDA) étaient tenus de présenter un titre dans les deux mois qui suivent leur 18ème anniversaire au titre de l’article R.431-5 du CESEDA. Cet article prévoit que l’étranger séjournant déjà en France et ne remplissant pas les conditions de délivrance des titres de séjour mentionnés au 2° de ce même article, doit présenter sa demande au plus tard deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire.
« Si l’étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants :
[…]
2° Au plus tard la veille de son dix-neuvième anniversaire, pour l’étranger mentionné aux articles L. 421-22, L. 421-23, L. 421-26 à L. 421-29, L. 421-30 à L. 421-33, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-24 ou L. 426-1 ;
3° Au plus tard, deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, s’il ne remplit pas les conditions de délivrance de l’un des titres de séjour mentionnés au 2°.
[…] ».
MODÈLE RÉDIGÉ D’UNE DEMANDE DE TITRE DE SÉJOUR :
Retrouvez un modèle rédigé d’une demande de titre de séjour "salarié" ou "travailleur temporaire" ici.
A NOTER : En vertu de l’article R.5221-22 du Code du travail, la situation de l’emploi n’est pas opposable à une demande d’autorisation de travail en vue d’obtenir la carte de séjour prévue à l’article L.310 du CESEDA, dès lors que le demandeur satisfait aux conditions de l’article L.313-15 du CESEDA.
À noter : Le titre de séjour délivré sur le fondement de l’article L.313-15 CESEDA constitue une admission exceptionnelle au séjour.
DONC : l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui lui permet de refuser l’octroi du titre de séjour bien que les conditions requises soient remplies par le demandeur. Par ailleurs, le juge opère un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation.
MAIS : La Circulaire du 28 novembre 2012 sur les conditions d’admission au séjour des étrangers en situation irrégulière (NOR INTK1229185C) prévoit qu’il devra être fait « un usage bienveillant de ces dispositions, dès lors que le mineur isolé étranger a satisfait à l’ensemble des conditions prévues par cet article et que la qualité de son parcours de formation est de nature à lui permettre une insertion durable dans la société française »
Sur la délivrance d’un titre de séjour "salarié" aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance entre 16 et 18 ans : Voir Annexe 5 de la Circulaire du 21 novembre 2011 relative aux modalités d’application du décret n° 2011-1049 du 6 septembre 2011 pris pour l’application de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, l’intégration et la nationalité et relatif aux titres de séjour