Source : www.amnesty.fr
« À l’heure où les regards se portent sur la mise en œuvre de l’accord récemment conclu entre l’Union européenne (UE) et la Turquie, la situation de plus de 46 000 personnes réfugiées et migrantes bloquées dans des conditions déplorables en Grèce continentale risque d’être oubliée, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public lundi 18 avril.
Ce rapport, intitulé Trapped in Greece : an avoidable refugee crisis, examine la situation de personnes réfugiées ou migrantes - des femmes et des enfants pour la plupart - bloquées en Grèce continentale depuis la fermeture complète de la frontière macédonienne le 7 mars.
« La décision de fermer l’itinéraire passant par l’ouest des Balkans a laissé plus de 46 000 personnes livrées à elles-mêmes dans des conditions choquantes et dans un état de peur et d’incertitude constantes », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.
« Les États de l’UE n’ont fait qu’exacerber la crise en s’abstenant d’agir de manière décisive pour aider à relocaliser des dizaines de milliers de demandeurs d’asile, dont la majorité sont des femmes et des enfants bloqués en Grèce. Si la classe politique de l’UE n’honore pas de toute urgence ses promesses en termes de relocalisation et n’améliore pas les conditions pour ces personnes livrées à elles-mêmes, elle sera confrontée à une catastrophe humanitaire qu’elle aura contribué à déclencher. »
Sur les 66 400 demandeurs et demandeuses d’asile que l’UE s’était engagée à relocaliser depuis la Grèce en septembre 2015, seuls 615 ont été transférés dans d’autres États membres, selon des informations rendues publiques par la Commission européenne le 12 avril.
Les conditions d’hébergement sont inadéquates dans un grand nombre des 31 sites provisoires. Ces sites, mis sur pied en Grèce avec l’appui considérable de l’UE, sont caractérisés par une surpopulation et une forte promiscuité, ne sont pas chauffés et ne disposent pas d’installations sanitaires en nombre suffisant.
« Les conditions ici ne sont pas bonnes et nous dormons par terre ; nos couvertures sont trempées d’eau. Il n’y a pas de salles de bain. Voilà pourquoi les gens tombent malades », a dit à Amnesty International une Syrienne enceinte de neuf mois, dans un camp de fortune à Idomeni.
« C’est n’importe quoi - il n’y a rien ici [...] Tout le monde dort à même le sol dans le vieux terminal. Nous n’avons même pas d’équipements de base. Il y a des toilettes, mais elles sont très sales. Moi, je ne dors pas là - ça sent trop mauvais », a expliqué à Amnesty International un demandeur d’asile afghan logeant au centre d’hébergement provisoire d’Elliniko, dans un aéroport désaffecté aux abords d’Athènes.
Entre 3 000 et 5 000 personnes vivent actuellement dans un camp informel dans le port du Pirée à Athènes, bénéficiant de rares services essentiels fournis par des bénévoles, quelques organisations humanitaires et les autorités portuaires.
Beaucoup des personnes réfugiées et migrantes interrogées lors de deux missions de recherche, entre le 8 février et le 13 mars 2016, espéraient continuer leur périple vers l’Europe de l’Ouest pour y retrouver des membres de leur famille. La plupart ne disposaient guère d’informations sur les solutions s’offrant à elles depuis la fermeture de la frontière macédonienne.
« Pourquoi ne nous laissent-ils pas partir ? Ils veulent qu’on meure ici ? », a demandé un couple de septagénaires originaires d’Alep, qui campaient à Idomeni. « Il fait froid et nous [vivons] les uns sur les autres. »
Outre le fait de manquer d’informations sur leurs droits en Grèce, les personnes réfugiées et migrantes particulièrement vulnérables ne sont pas repérées. Des femmes ont affirmé qu’elles ne se sentaient pas en sécurité et craignaient d’être exploitées par certains hommes dans plusieurs des sites d’hébergement. Amnesty International a également parlé à des mineurs non accompagnés détenus dans des postes de police pour des durées pouvant atteindre 15 jours, jusqu’à ce qu’ils puissent être transférés dans un foyer pour mineurs.
Amnesty International demande à la Grèce d’améliorer de toute urgence son système d’asile et de permettre à toute personne bloquée sur son territoire de bénéficier d’une véritable protection. À titre de priorité, elle doit établir un mécanisme d’information systématique et l’identification des personnes ayant des besoins spécifiques.
Si les États membres de l’UE doivent continuer à soutenir la Grèce pour qu’elle puisse accueillir de manière adéquate les demandeurs et demandeuses d’asile qui arrivent sur place, ils doivent aussi accepter de toute urgence sur leur territoire des demandeurs et demandeuses d’asile venant de Grèce. Cela doit passer par la relocalisation rapide d’un grand nombre de demandeurs et demandeuses d’asile, par le biais du programme de relocalisation d’urgence existant au sein de l’UE. »