Source : www.parti-socialiste.fr
Auteur : Christophe Disic
« Unicef France est l’association qui représente le Fonds des Nations unies pour l’enfance sur le territoire français. Où en est-on en ce qui concerne les droits de l’enfant en France ? Juliette Chevalier, directrice du Plaidoyer et de la communication de l’UNICEF France, nous explique son rôle et les enjeux actuels de la protection des enfants au niveau national.
Reconnue à l’international, l’action de l’Unicef est un peu moins connue sur notre territoire. Pouvez-vous nous la synthétiser ?
En France, l’Unicef a pour mission de veiller au respect de la Convention relative aux droits de l’enfant et notamment de mettre l’accent sur la situation des enfants les plus vulnérables. Nous travaillons en ce sens auprès des pouvoirs publics pour les alerter sur les zones d’ombre et promouvoir la prise en compte des droits de l’enfant dans les politiques publiques. Nous menons également des actions de sensibilisation dans les écoles, auprès des enfants et des jeunes pour faire connaitre et du coup mieux appliquer ces droits. Nous nous appuyons sur un réseau de Jeunes ambassadeurs et de bénévoles sur tout le territoire national. Nous avons aussi un réseau de plus de 200 Villes amies des enfants qui s’engagent à nos cotés.
Comment analysez-vous la Loi protection de l’enfant ?
L’Unicef appelle depuis plusieurs années à l’instauration d’une réelle politique nationale de l’enfance. On ne peut pas toujours traiter ce sujet par silos, sans cohérence. La loi ne répond pas entièrement à ce besoin mais elle va dans le bon sens. L’instauration d’un conseil national chargé de la protection de l’enfance devrait sans doute contribuer à donner une impulsion à cette politique publique. Il est chargé de veiller au cap que donne la loi, à apporter de la cohérence et à réduire les disparités territoriales qui sont alarmantes. En revanche, la loi inscrit et encadre la pratique des tests osseux utilisée entre autre pour déterminer l’âge des mineurs non accompagnés avant leur prise en charge par les départements. L’Unicef France s’est engagé avec un collectif d’associations opérant sur le terrain auprès des mineurs non accompagnés, pour demander l’interdiction de ces pratiques, tout au long des discussions au Parlement. C’est une pratique condamnée par le comité des droits de l’enfant au niveau international encore cette année et qui va à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il est regrettable que nos remarques, portées par de nombreux acteurs dont l’Académie de médecine n’aient pas été prises en compte.
Récemment, la scolarisation dès deux ans a été intensifiée, quelle est l’approche de l’Unicef sur cette question ?
C’est une bonne piste pour soutenir les enfants les plus vulnérables. Nous y voyons un moyen de sortir l’enfant d’un contexte parfois difficile et qui peut contribuer à sa socialisation. C’est une des façons de lutter de manière précoce contre les inégalités.
Quelle est la situation des enfants réfugiés en France ?
Elle est extrêmement préoccupante en particulier celle des enfants non accompagnés ou séparés. Avec les associations intervenant sur le terrain, nous avons alerté à maintes reprises les pouvoirs publics, locaux et nationaux. Nous évaluons mal leur nombre mais nous savons que pour la plupart, ils ne reçoivent pas la protection immédiate que le droit international exige vis-à-vis de populations en danger. Les places qui permettent de les mettre à l’abri sont largement insuffisantes. Ils se retrouvent parfois dans des lieux d’accueil mêlant mineurs et personnes majeurs, ce qui ne permet pas de leur assurer la protection minimale due à des enfants isolés et pour beaucoup traumatisés par leur parcours. L’étude sociologique que nous menons actuellement devrait permettre de mieux les connaitre et d’identifier leurs besoins et les dangers auxquels ils sont confrontés. Elle sera présentée le 20 juin, journée mondiale des réfugiés.
Vous pointez régulièrement la pauvreté des enfants en France, où en est-on ?
On estime à 3 millions le nombre d’enfants en situation de pauvreté et privation en France. Nous avions eu un espoir lors du lancement du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Mais nous regrettons que la question de l’enfance soit finalement passée au second plan. Des travaux approfondis et accompagnés de préconisations sont régulièrement élaborés par de nombreux acteurs, comme la Cour de comptes par exemple. Des mesures ciblées sur l’enfant ont été ainsi recommandées mais ces travaux et recommandations ne sont pas suivis d’effet.
Où se situe la France sur le respect des droits des enfants par rapport aux autres pays ?
La France est un pays riche, 6e puissance mondiale. Notre rôle, c’est normal, est d’être exigeant. Nous avons plusieurs points de vigilance que le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a également relevé dans ses observations suite à l’audition de la France en janvier dernier. Le premier est l’absence d’une véritable et cohérente politique publique de l’enfance regroupant les différentes composantes de la vie des enfants et ciblant les plus vulnérables d’entre eux. Les différences territoriales sont importantes et nous ne pouvons attester d’un traitement équitable au niveau national. Notre dernier rapport* montre que les inégalités ne se réduisent pas. Enfin, outre la situation des enfants isolés réfugiés, nous sommes mobilisés sur les enfants vivant en bidonvilles et sommes très préoccupés par les situations à Mayotte et en Guyane. »