Source : www.midilibre.fr
Auteur : Arnaud Boucomont
« Le député PS héraultais, Christian Assaf, préside une mission sur les flux migratoires. Il alerte sur la situation critique des camps, après avoir rendu visite notamment au camp d’Idomeni en Grèce. Entretien.
Vous rentrez de Grèce où vous étiez en mission parlementaire. Avec votre délégation, qu’avez-vous constaté dans les quatre camps que vous avez visités ?
J’ai vu des camps avec dix douches et dix WC pour 4 000 personnes. Et le fameux camp sauvage d’Idomeni où s’entassent 10 000 migrants. Au-delà des conditions d’hygiène déplorables, vous avez 30 à 40 % de mineurs, dans leur grande majorité des enfants isolés. Le prix d’une traversée entre la Turquie et la Grèce, c’est 1 000 €. Quand vous n’êtes pas fortuné, vous sauvez d’abord vos enfants. On voit aussi énormément de femmes seules, victimes de viols.
Un médecin m’a expliqué avoir des cas de malaria, de dysenterie aiguë, de fièvres chroniques chez les enfants en bas âge, alors que les grandes chaleurs ne sont pas encore là. C’est pour ça que je veux m’adresser à l’opinion publique. Je suis élu d’une circonscription où le FN fait entre 30 et 40 %. Je sais ce que disent les gens, qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, qu’ils vont prendre notre travail.
Ou que des terroristes peuvent se glisser parmi eux...
Oui, l’opinion publique est sur la défensive. Mais je dis qu’on va au-devant d’une catastrophe sanitaire. Si les choses restent en l’état, avec l’été qui va arriver, on va vers un cimetière à ciel ouvert en Grèce, des enfants qui vont crever de dysenterie à trois heures de vol de Paris. Je veux réveiller les consciences.
Ces gens-là veulent qu’on entende qu’ils sauvent leur peau, et ils veulent être traités comme des êtres humains. J’ai vu un prof de français syrien qui m’a dit “Dites-leur aux Français que je n’aspire qu’à une chose, c’est de retourner dans mon pays”. Ces gens-là doivent être accueillis en France et en Europe, mais il faut qu’ils soient inscrits au droit d’asile.
Et vous dites qu’il faudrait aider financièrement la Grèce à les enregistrer...
La Grèce, sous le coup de sa politique d’austérité, a réduit ses effectifs. Il faut que l’Europe débloque plusieurs millions pour permettre de recruter des fonctionnaires temporaires et des moyens informatiques pour que les enregistrements se fassent dans les camps.
Que faut-il faire d’autre ?
Une fois qu’on aura résolu la question de ces 50 000 migrants actuellement en Grèce, va se poser la question des autres. Il faut empêcher les traversées de la mort par la route de la Méditerranée centrale. Il faut que nos ambassades européennes deviennent des centres d’enregistrement pour l’asile. On en a au Liban, en Turquie, en Jordanie, en Égypte. Une fois qu’on aura vérifié que ces gens sont bien des réfugiés, on organise des ferries et des vols low cost. On doit aussi composer avec l’accord turco-européen qui vient d’être mis en place. Je fais avec...
Que pensez-vous de cet accord ?
Il dénie tous les accords internationaux sur le droit d’asile. Des gens éligibles qui arrivent sur les îles grecques sont de facto reconduits en Syrie, alors qu’ils sont tenus d’être protégés.
Vous ne vous dites pas que l’objectif de 30 000 migrants pour la France d’ici fin 2017 est une goutte d’eau ?
Ces 30 000 concernent les migrants qui sont en Grèce. On peut en accueillir plus qui viendraient directement dans nos ambassades. Si je prends l’exemple des Boat people, la France en avait accueillis bien plus (130 000 personnes en 1979, NDLR). Dans un continent de 300 millions d’habitants, on a les moyens d’accueillir plusieurs centaines de milliers de réfugiés... En nous évitant cette série macabre à laquelle on va assister pendant tout l’été, dans les camps grecs et avec des bateaux bourrés jusqu’à la gueule qui nourrissent des filières mafieuses de passeurs, de prostitution, de vols et de ventes d’enfants, de drogue.
Le seul moyen de les mettre à mal et de sauver notre honneur, c’est d’ouvrir nos ambassades et d’organiser des ferries et des ponts aériens. Ça fait deux ans qu’on commémore la fin de la Première Guerre mondiale. On fait des hommages chaque année aux Républicains espagnols. Et qu’est-ce qu’on retient de tout ça ? On est face à un défi qui nous dépasse et qui peut nous faire surmonter nos peurs. Ce qui se joue dans cette affaire, oui, c’est en grande partie notre honneur. »