Source : Cour administrative d’appel de Bordeaux 4ème chambre - formation à 3
Date : Arrêt du 9 février 2018 N° 17BX03485
Extraits :
« 1. M. ressortissant malien, né le 14 avril 1997, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 13 mars 2013. Il a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance en qualité de mineur isolé. Une carte de séjour temporaire en qualité d’étudiant lui a été délivrée pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016. Le 25 août 2016, il a notamment sollicité la délivrance d’un titre de séjour portant la mention salarié sur le fondement des dispositions de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par arrêté du 18 mai 2017, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à ladite obligation. Par jugement du 4 octobre 2017, dont M. relève régulièrement appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. Aux termes de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l’article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigé ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. n’a sollicité un titre de séjour que le 25 août 2016 alors qu’il avait dix-neuf ans révolus. Dès lors, il ne réunissait pas les conditions dans lesquelles l’administration peut, à titre exceptionnel, délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations des services sociaux, que M. arrivé en France en 2013 alors qu’il était âgé de 16 ans, a été contraint, après le décès de son père survenu alors qu’il était âgé de neuf ans, à quitter sa famille qui était sans ressource afin de trouver du travail. Il a voyagé de village en village au gré de ses emplois, est ensuite parti en Libye et a rejoint l’Italie en bateau puis atteint la France après un séjour dans un camp de réfugiés. Après plusieurs mois d’errance en France, M. a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. A sa majorité, il a bénéficié d’un contrat jeune majeur en application de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, renouvelé à deux reprises. Il a suivi une scolarité au lycée professionnel de Chardeuil en Dordogne et obtenu en 2015 un CAP mention plâtrier plaquiste puis en 2016, un CAP peinture en bâtiment. Ses bulletins scolaires ainsi que les attestations de ses éducateurs témoignent de son sérieux, de sa motivation ainsi que de sa parfaite intégration scolaire et sociale. M. a témoigné de sa volonté constante de s’insérer professionnellement par plusieurs missions temporaires au sein d’entreprises du bâtiment. Par ailleurs, le centre de formation pour adultes de Saint-Denis a retenu en mai 2017 sa candidature pour une formation au CAP de maçon sous réserve de la délivrance d’un titre de séjour l’autorisant à travailler. Ainsi, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et notamment de l’insertion de M. dans la société française, la décision portant refus de titre de séjour prise à son encontre est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
5. Il résulte de ce qui précède que M. est fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant au refus du titre de séjour qui lui a été opposé et, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
[...]
7. Eu égard au motif d’annulation retenu, il y a lieu d’enjoindre au préfet de la Dordogne de délivrer à M. dans un délai d’un mois suivant la notification du présent arrêt un titre de séjour " vie privée et familiale ". »
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