Cour administrative d’appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, Arrêt du 18 janvier 2018 N° 17MA01838 , MIE ghanéen, "que dans les circonstances de l’espèce, eu égard à sa durée de présence pour laquelle il n’y a pas lieu de tenir compte, ..., de la circonstance qu’il aurait résidé pendant tout ou partie de cette période sous une fausse identité, aux efforts d’intégration personnelle et professionnelle de M. depuis son arrivée, alors qu’il est orphelin et qu’il ne ressort pas ... qu’il ait de la famille dans son pays d’origine, le requérant est fondé à soutenir qu’en refusant de renouveler son titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale au motif qu’il n’avait pas fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation" injonction de délivrer TS VPF sous 2 mois

Source : Cour administrative d’appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3

Date : Arrêt du 18 janvier 2018 N° 17MA01838

« RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

M. a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du 3 mars 2016, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1606777 du 13 décembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 mai et 26 juillet 2017, M. représenté par Me demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 décembre 2016 ;

2°) d’annuler l’arrêté précité ;

3°) à titre principal, d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous une astreinte de 100 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans l’attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros TTC en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l’Etat due au titre de l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

  • sa requête d’appel est recevable ;
  • le jugement qui mentionne que le rapporteur public est dispensé de conclusions à l’audience alors que l’avis d’audience n’en faisait pas état est irrégulier ;
  • la procédure de refus de séjour est irrégulière, à défaut de consultation de la commission du titre de séjour prévue à l’article L. 312-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
  • le refus de séjour méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’article L. 313-11 7° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ;
  • la mesure d’éloignement est illégale, par voie de conséquence de l’illégalité du refus de séjour ;
  • elle est entachée d’erreur de droit alors qu’il ne se trouve pas en situation irrégulière puisqu’il répond aux conditions d’obtention d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 313-11 7° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
  • elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n’a pas produit d’observations en défense.

M. a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :

  • la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
  • le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
  • la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
  • le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

  • le rapport de Mme Gougot,
  • et les observations de Me représentant M. 

1. Considérant que, par arrêté du 3 mars 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé le renouvellement de la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 6 novembre 2015 M. , ressortissant de nationalité ghanéenne, sur le fondement de sa vie privée et familiale et a assorti cette décision d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que M. interjette appel du jugement du 13 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

2. Considérant que pour refuser le renouvellement de son titre de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône s’est fondé, d’une part, sur le fait que l’intéressé avait présenté de faux documents d’identité et, d’autre part, sur le fait qu’il ne justifiait pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux ; que toutefois, par jugement du tribunal correctionnel du 17 mars 2017 devenu définitif, l’intéressé a été relaxé des poursuites engagées du chef de détention frauduleuse de faux document administratif constatant un droit ou une identité et tentative d’obtention frauduleuse de document administratif, faits commis le 3 mars 2016 à Marseille ; qu’en outre, il ressort des pièces du dossier que l’intéressé déclare être entré en France le 26 août 2010 à l’âge de 16 ans ; qu’il a été placé auprès du service d’aide sociale à l’enfance du département des Bouches-du-Rhône le 25 mars 2011, en qualité de mineur isolé ; qu’il a suivi une formation pour apprendre le français du 18 mai 2011 au 30 janvier 2012, puis a été scolarisé au lycée professionnel de la Cabucelle en 2011-2012 où il a effectué plusieurs stages en milieu professionnel et aux termes desquels des appréciations très positives ont été formulées ; qu’il a ensuite, dans le cadre d’un contrat d’aide à un jeune majeur signé avec le département des Bouches-du-Rhône le 23 juillet 2012, suivi une formation en alternance avec l’organisme Voile Impulsion Marseille pour la préparation d’un CAP " Réparation entretien embarcations de plaisance " en 2012-2013 qu’il a échoué de peu en juin 2013 ; qu’il a alors travaillé deux années comme agent d’entretien pour l’association " Thalassante " du 19 août 2013 au 18 août 2015 et à compter du 1er janvier 2016 pour l’association Addap en qualité d’agent de service intérieur ; que les appréciations du directeur et du conseiller principal d’éducation de son lycée, de ses enseignants, des intervenants éducatifs et sociaux, maitres de stage et employeur font état de la réussite de son placement, de son assiduité et son sérieux, des progrès réalisés, du caractère exemplaire de son comportement ainsi que de sa volonté d’insertion sociale ; que dans les circonstances de l’espèce, eu égard à sa durée de présence pour laquelle il n’y a pas lieu de tenir compte, en tout état de cause, de la circonstance qu’il aurait résidé pendant tout ou partie de cette période sous une fausse identité, aux efforts d’intégration personnelle et professionnelle de M. depuis son arrivée en France, alors qu’il est orphelin et qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il ait de la famille dans son pays d’origine, le requérant est fondé à soutenir qu’en refusant de renouveler son titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale au motif qu’il n’avait pas fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation ;

3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, et sur l’ensemble des moyens de la requête, M. est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 3 mars 2016 ;

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d’un délai d’exécution. " ; qu’eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement le renouvellement pour l’intéressé de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par suite, il y a lieu d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de renouveler le titre de séjour de M. au titre de sa " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt après lui avoir délivré, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. " ; que le requérant a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle ; qu’ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ; que, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 décembre 2016 et la décision du 3 mars 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au renouvellement du titre de séjour de M. portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour et suivant les modalités précisées dans les motifs sus-indiqués.

Article 3 : L’État versera la somme de 1 500 euros à Me en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, sous réserve que Me renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État au titre de l’aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. au ministre de l’intérieur et à Me »

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