Conseil d’Etat, Ordonnance du 27 juin 2018 n°421338, octroi APJM, pouvoir d’appréciation du PCD soumis au contrôle du juge, en fait et en droit, art. L221-1 CASF, date de la fin d’année scolaire : veille de la rentrée de l’année suivante

Si le PCD n’est pas tenu d’accorder ou de maintenir la PEC "d’un jeune de moins de 21 ans éprouvant des difficultés d’insertion, il lui incombe en revanche d’assurer l’accompagnement vers l’autonomie des mineurs pris en charge par ce service lorsqu’ils parviennent à la majorité et notamment, à ce titre, de proposer à ceux d’entre eux qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale, faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants, toute mesure adaptée à leurs besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources, propre à leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée"

Source : Conseil d’Etat

Date : Ordonnance du 27 juin 2018 N° 421338

Lecture du mercredi 27 juin 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

M. A… B… a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au président du conseil départemental de Seine-et-Marne de lui assurer une solution d’hébergement comportant le logement dans une structure adaptée à sa situation et la prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires jusqu’à la fin de l’année scolaire, le 2 septembre 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1804195 du 28 mai 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a, d’une part, enjoint au président du conseil départemental de Seine-et-Marne de proposer à M. B… un accompagnement comportant l’accès à une solution de logement adaptée et de prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires afin de lui permettre la poursuite de sa scolarité, au moins jusqu’au 2 septembre 2018, et ce, avant le 1er juin 2018 et, d’autre part, prononcé une astreinte de 50 euros par jour à l’encontre du conseil départemental de Seine-et-Marne s’il n’était pas justifié de l’exécution de l’ordonnance dans ce délai.

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 11, 15 et 18 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le département de Seine-et-Marne demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler cette ordonnance  ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B… devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun  ;

3°) de confirmer la décision du 2 mai 2018 du président du conseil départemental de Seine-et-Marne portant refus de renouveler la prise en charge de M. B…  ;

4°) de mettre à la charge de M. B… la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

5°) de confirmer ou d’infirmer l’applicabilité de l’article 2 de l’arrêté du 16 avril 2015 fixant le calendrier de l’année scolaire 2017/2018 dans le cadre d’une prise en charge des jeunes par les services sociaux du département.

Il soutient que :
 – la saisine du juge des référés au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative est irrecevable dès lors que la demande de prise en charge de M. B… a fait l’objet d’un examen attentif avant d’être écartée par une décision discrétionnaire du président du conseil général  ;
 – c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Melun a regardé la condition d’urgence comme remplie alors que M. B…, qui a bénéficié de prestations d’aide sociale pendant sa minorité, a obtenu de très bons résultats scolaires, est très autonome et ne présente pas de difficultés d’insertion  ;
 – c’est à tort que le juge des référés a considéré qu’il était porté une atteinte grave et manifestement illégale d’une part, au droit à l’hébergement de M. B… qui ne démontre pas être dans une situation de détresse physique, sociale ou médicale et, d’autre part, à son droit à l’éducation dès lors le que refus d’octroyer un contrat jeune majeur n’implique pas nécessairement une désinscription du cursus scolaire ni ne contraint M. B… à ne plus suivre ses cours  ;
 – compte tenu de l’afflux de mineurs étrangers isolés, le département ne dispose pas de ressources suffisantes pour prendre en charge les jeunes majeurs, le relais devant être pris par l’Etat  ;
 – le département ne devrait pas être contraint de verser des aides pendant la période des vacances scolaires alors qu’aucun accompagnement socio-éducatif n’est requis.

Vu les autres pièces du dossier  ;

Vu :
 – le code de l’action sociale et des familles  ;
 – le code de l’éducation  ;
 – la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016
 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991  ;
 – le code de justice administrative  ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures "  ; qu’en vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée  ; qu’à cet égard, il appartient au juge d’appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu’il a diligentée  ;

2. Considérant qu’en vertu de l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles, " Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs (…) confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre (…) "  ; que l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles détermine les personnes relevant, sur décision du président du conseil départemental, d’une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance, parmi lesquelles les mineurs mentionnés aux 1° à 3° de cet article  ; qu’en vertu du sixième alinéa de ce même article, cette prise en charge peut être ouverte, à titre temporaire, en faveur de " majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants "  ; qu’aux termes du septième alinéa de ce même article : " Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs, mentionnés à l’avant dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée "  ; que, par ailleurs, l’article L. 222-5-1 du même code prévoit qu’ " un entretien est organisé par le président du conseil départemental avec tout mineur accueilli au titre des 1°, 2° ou 3° de l’article L. 222-5, un an avant sa majorité, pour faire un bilan de son parcours et envisager les conditions de son accompagnement vers l’autonomie. (…) "  ;

3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que si le président du conseil départemental dispose, sous le contrôle du juge, d’un pouvoir d’appréciation pour décider de la prise en charge par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, qu’il n’est pas tenu d’accorder ou de maintenir, d’un jeune majeur de moins de vingt et un ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale, il lui incombe en revanche d’assurer l’accompagnement vers l’autonomie des mineurs pris en charge par ce service lorsqu’ils parviennent à la majorité et notamment, à ce titre, de proposer à ceux d’entre eux qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale, faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants, toute mesure adaptée à leurs besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources, propre à leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée  ;

4. Considérant que le département de Seine-et-Marne relève appel de l’ordonnance du 28 mai 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, saisi d’une demande présentée par M. A… B… sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lui a enjoint de proposer à l’intéressé un accompagnement comportant l’accès à une solution de logement adaptée et de prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires afin de lui permettre la poursuite de sa scolarité jusqu’au 2 septembre 2018  ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Melun que M. A… B…, né le 1er juin 2000 en République de Guinée-Conakry, entré en France en août 2016, a fait l’objet d’une mesure de placement au service de l’aide sociale à l’enfance de Seine-et-Marne le 19 août 2016  ; qu’à l’approche de sa majorité, l’intéressé, dépourvu d’attaches familiales en France et ne disposant que de ressources très limitées, qui se préparait à passer, dans le courant des mois de mai et juin 2018, les épreuves du certificat d’aptitudes professionnelles " Maintenance des bâtiments de collectivités " a demandé à bénéficier d’un accueil provisoire jeune majeur  ; que par une décision du 2 mai 2018, notifiée le 14 mai 2018, le département de Seine-et-Marne a rejeté sa demande et lui a indiqué que son accueil au sein du dispositif de l’aide sociale à l’enfance prendrait fin le 1er juin 2018  ;

6. Considérant qu’en se bornant à faire valoir de manière générale le pouvoir d’appréciation dont il dispose pour accorder aux jeunes majeurs le bénéfice d’une prise en charge, les capacités limitées du service de l’aide sociale à l’enfance, et enfin la circonstance que M. B… serait bien inséré dès lors qu’il aurait bien réussi dans son parcours scolaire et bénéficierait d’une potentielle proposition d’embauche de la part de l’un de ses maîtres de stage , le département de Seine-et-Marne ne conteste pas utilement l’existence d’une situation d’urgence alors que la décision litigieuse a pour effet de mettre fin brutalement à la prise en charge dont bénéficiait l’intéressé depuis le mois d’août 2016 et d’entraîner immédiatement pour lui de très graves difficultés susceptibles de compromettre notamment l’obtention du diplôme de certificat d’aptitudes professionnelles qu’il a préparé pendant sa scolarité  ;

7. Considérant qu’il résulte également de l’instruction, notamment du rapport de l’assistante sociale du service de l’aide sociale à l’enfance, que M. B… arrivé seul en France il y a deux ans, décrit comme un jeune homme respectueux, motivé, volontaire, sérieux et considéré comme autonome, maîtrisant la langue française et le paysage institutionnel français a suivi avec succès un parcours scolaire qui était sur le point de s’achever  ; qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il demeure dépourvu d’attache familiale sur le territoire français et ne dispose que de ressources très limitées  ; que dans ces conditions, M. B… est au nombre des jeunes majeurs antérieurement pris en charge par le service de l’aide à l’enfance auxquels il incombait au président du conseil départemental de proposer, au-delà du terme de sa prise en charge par ce service, un accompagnement adapté à ses besoins et propre à lui permettre de terminer l’année scolaire engagée  ; que si le département de Seine-et-Marne développe dans ses écritures des considérations générales sur les difficultés auxquelles il est confronté compte tenu de l’afflux de jeunes mineurs étrangers isolés, il n’a apporté aucune précision sur la situation particulière de M. B… et l’impossibilité dans laquelle il se trouverait de l’accompagner pendant trois mois, jusqu’au terme de l’année scolaire  ; que, s’il soutient qu’un accompagnement ne serait pas utile pendant la période des vacances scolaires d’été, il ressort des termes mêmes du code de l’action sociale et des familles que l’accompagnement doit se poursuivre jusqu’à la fin de l’année scolaire, laquelle a été fixée, en application des dispositions de l’article L. 521-1 du code de l’éducation, par l’arrêté du ministre de l’éducation nationale du 16 avril 2015 pour l’année scolaire 2017/2018, à la veille de la rentrée de l’année suivante  ; que, dans ces conditions, il est manifeste que le département requérant n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Melun a jugé que, dans les circonstances de l’espèce, sa carence caractérisée portait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant qu’il soit enjoint eu président du Conseil général de proposer à M. B… un accompagnement comportant l’accès à une solution de logement adaptée et de prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires afin de lui permettre la poursuite de sa scolarité jusqu’à la fin de l’année scolaire  ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il est manifeste que l’appel du département de Seine-et-Marne ne peut être accueilli  ; qu’il y a donc lieu de rejeter sa requête selon la procédure prévue à l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions portées au titres des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative  ;

O R D O N N E :


Article 1er : La requête du Département de Seine-et-Marne est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Département de Seine-et-Marne.
Copie en sera adressée à M. A… B….

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