Source : Médecins sans frontières
Date : 06 février 2019
Présentation :
« La frontière franco-espagnole est devenue l’un des principaux points de passage des personnes migrantes en Europe : que ce soit pour rejoindre la France ou pour continuer leur route vers d’autres pays. Les équipes de Médecins Sans Frontières se rendent régulièrement dans les zones frontalières françaises pour documenter la situation sur place et apporter un appui ponctuel aux acteurs locaux. C’est dans le cadre de ces activités auprès des personnes migrantes, que MSF s’est rendue à Bayonne, Irun et Hendaye en décembre 2018.
Près de 1 000 kilomètres séparent la frontière franco-espagnole située dans le pays basque, de la frontière italienne et pourtant les pratiques des forces de l’ordre et les violations des droits sont identiques.
Les ponts qui relient la France à l’Espagne sont quotidiennement le théâtre de refoulement par les forces de l’ordre qui renvoient les demandeurs d’asile de l’autre côté de la frontière. « Une fois refoulées de France, les personnes migrantes sont remises à la police espagnole qui après un court contrôle d’identité les relâche souvent au pied du pont qui sépare Irun et Hendaye, à quelques mètres à peine de la frontière », indique Corinne Torre, cheffe de mission MSF pour la France.
Les personnes migrantes sont prises dans un jeu de « ping-pong » incessant. Sans repères, elles se retrouvent plus facilement à la merci des réseaux de passeurs pour entrer sur le territoire français et faire valoir leurs droits.
« Je suis arrivé à Irun pour aller en France. J’ai pris le train pour arriver jusqu’à Bordeaux. Quand je suis arrivé à la gare, j’ai été pris par la police française. Elle m’a demandé mes papiers mais je n’en avais pas. Ils m’ont alors demandé mon âge. Je suis né en 2002, le 19 février 2002. Après, ils m’ont dit qu’il fallait que je monte dans la voiture avec eux et ils m’ont ramené à Irun en voiture. En tant que mineur, je ne m’attendais pas à ça, on doit être protégé », explique Nana, un Guinéen âgé de 16 ans qui aurait dû être pris en charge en France au titre de la protection de l’enfance.
Sur place, la société civile s’est organisée pour se substituer à des services de l’État défaillants. C’est le cas du collectif citoyen basé à Irun, qui accueille les migrants venant du sud de l’Espagne ou refoulés depuis la France, ou des associations Diakité et Atherbea, installées dans la ville de Bayonne, qui gèrent un centre de transit de 200 places, constamment plein.
Les équipes de MSF sont venues en soutien à la société civile et aux bénévoles à travers des donations de kits d’hygiène et de couvertures. Les autorités municipales participent également à la prise en charge des personnes migrantes, à l’instar de celles de Bayonne.
« Lorsque je me suis retrouvé avec mon adjointe en charge de la Solidarité sur cette place des Basques [à Bayonne, NDLR] où les migrants se retrouvaient, voyant leur dénuement, le fait qu’ils n’avaient pas mangé depuis quelque temps, qu’ils n’avaient pas pu se doucher depuis fort longtemps, moi je ne suis pas posé beaucoup de questions pour savoir s’il fallait venir ou pas en aide à ces personnes. Pour moi, c’est une obligation morale et quelle que soit notre philosophie ou notre religion, quelle que soit l’éthique dont on se revendique, il y a quelque chose qui relève tout simplement de la réaction humanitaire », explique Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne.
Cette situation de « ping-pong » incessant entre les forces de l’ordre de françaises et espagnoles est intolérable. Les personnes n’ont pas la possibilité de déposer une demande d’asile en France et les mineurs sont régulièrement renvoyés en Espagne alors qu’ils devraient être protégés par les autorités françaises. »