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Fichage des mineurs non accompagnés

Publié le mardi 19 février 2019 , mis à jour le mardi 19 février 2019

Source : Dalloz, AJ Famille n°2/2019 p.62

Date : février 2019

Auteure : Valérie Avena-Robardet, Rédactrice en chef de l’AJ famille

Extraits :

« Très critiqué avant même sa parution, le décret n° 2019-57 du 30 janv. 2019 (JO du 31) modifie la procédure d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille pour renforcer le concours de l’État à l’évaluation de la minorité (...).

Fichier AEM - Surtout, il crée, en plus du récent fichier national biométrique des mineurs non accompagnés (CESEDA, art. L. 611-6-1 créé par la loi n° 2018-778 du 10 sept. 2018), un nouveau fichier « Appui à l’évaluation de la minorité » (AEM - CASF, art. R. 221-15-1). Si la finalité affichée est de mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les organisations de défense des droits des étrangers, dont le GISTI, y voient un outil « qui permettra aux départements de remettre en cause encore plus aisément la minorité des enfants qui sollicitent une protection et facilitera leur éloignement du territoire, sans égard pour le respect de leur vie privée et leur droit à une protection ». En tout cas, il est certain que la centralisation via les différents fichiers devrait dissuader les jeunes, reconnus majeurs dans un département, de tenter leur chance dans un autre département.

Information préalable du jeune - Avant-même la collecte de ses données (empreintes ; état civil complet avec filiation et références des documents d’état civil et d’identité ; adresse ; coordonnées téléphoniques et électroniques ; langues parlées ; date et conditions d’entrée en France ; données relatives à la procédure d’évaluation de la minorité, etc.), le mineur devra être informé par un formulaire dédié et rédigé dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend ou, à défaut, sous toute autre forme orale appropriée, notamment (CASF, art. R. 221-15-8) :

  • de la nature des données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier ;
  • de l’enregistrement de ses empreintes digitales dans ce fichier ;
  • si elle est de nationalité étrangère et évaluée majeure, du transfert des données la concernant vers le fichier AGDREF2 (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France - CESEDA, art. R. 611-1) qui connaît également des évolutions (v. infra) ;
  • qu’en cas de refus de communiquer toute information utile à son identification ou de refus de communiquer ses données à caractère personnel dans le fichier AEM, le président du conseil départemental compétent en est informé ; à cet égard, la CNIL, dans sa délibération n° 2018-351 du 27 nov. 2018, souligne qu’un « tel refus ne peut légalement et à lui seul, sans examen circonstancié de la situation, emporter des conséquences négatives pour la personne concernée » ;
  • si elle est de nationalité étrangère et évaluée majeure, qu’elle fera l’objet d’un examen de sa situation et, le cas échéant, d’une mesure d’éloignement. Or, l’on sait que les conditions d’évaluation, spécialement les examens radiologiques osseux de l’art. 388 c. civ., sont contestables en ce qu’elles ne permettent pas des décisions fiables, la Cour de cassation ayant du reste été saisie de plusieurs QPC (18-24.747, 18-22.738 et 18-20.480), l’une d’elles ayant déjà été jugée suffisamment sérieuse pour être renvoyée devant le Conseil constitutionnel (Civ. 1re, 21 déc. 2018, n° 18-20.480, AJDA 2019. 8).

Vérification de l’identité - La vérification de l’identité de la personne se présentant comme mineure se traduira dans un premier temps par la collecte de ses empreintes digitales, sans pour autant que celles-ci fassent l’objet d’un enregistrement, aux fins d’interrogation des bases « AGDREF 2 » et VISABIO dont les finalités se trouvent dès lors modifiées (v. infra).

Consultation du fichier - Pourront accéder à ce nouveau fichier (CASF, art. R. 221-15-3) :

  • les agents des préfectures et des sous-préfectures chargés de la mise en oeuvre de la réglementation concernant les ressortissants étrangers, individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet et, à Paris, par le préfet de police ;
  • aux fins d’administration du traitement, les agents relevant des services centraux du ministère de l’intérieur chargés de l’immigration et du séjour ainsi que des applications et des systèmes d’information relatifs aux étrangers en France, individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre de l’intérieur ;
  • à des fins exclusives d’établissement de statistiques s’agissant des informations anonymisées, les agents chargés des études et des statistiques.

Pourront être destinataires des données à caractère personnel et informations du fichier à l’exclusion de l’image numérisée des empreintes digitales (CASF, art. R. 221-15-4) :

  • le procureur de la République territorialement compétent et les personnes individuellement désignées et spécialement habilitées par ce dernier ;
  • les agents en charge de la protection de l’enfance du conseil départemental compétent, individuellement désignés et spécialement habilités par le président du conseil départemental.

Durée de conservation des données - Les données sont effacées au terme d’un délai d’un an à compter de la notification au préfet de département et, à Paris, au préfet de police de la date à laquelle l’évaluation de la personne a pris fin, que la personne soit reconnue mineure ou majeure à l’issue de la procédure d’évaluation, sinon, en l’absence d’une telle notification, 18 mois après leur enregistrement (CASF, art. R. 221-15-6).

Fichiers AGDREF2 et VISABIO - Par ailleurs, le décret ajoute aux finalités des fichiers AGDREF2 (CESEDA, art. R. 611-1) et VISABIO (CESEDA, art. R. 611-8) la détermination et la vérification de l’identité d’un étranger qui se déclare mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Dès lors, il autorise de nouvelles personnes à les consulter pour les besoins de l’évaluation de minorité : les agents chargés de la mise en oeuvre de la protection de l’enfance, individuellement désignés et spécialement habilités par le président du conseil départemental (CESEDA, art. R. 611-5 et R. 611-12), ainsi que les agents de préfecture (CESEDA, art. R. 611-4 et R. 611-12). Or, selon le GISTI, « beaucoup d’enfants tentent, avant d’entreprendre un voyage périlleux vers l’Europe, d’obtenir un visa d’entrée en Europe en se faisant passer pour des adultes. Les données issues de VISABIO sont d’ailleurs très souvent écartées par les tribunaux, qui considèrent qu’elles ne permettent pas de remettre en cause l’identité des mineur(e)s, ni d’invalider les documents qu’ils ou elles présentent à l’appui de leurs déclarations ». (...)  »

Voir en ligne : https://www.dalloz.fr/documentation...


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