Source : Cour administrative d’appel de Bordeaux, 1ère chambre
Date : arrêt du 19 décembre 2019 n°19BX02471
Extraits :
« 3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’en cas de doute sur l’authenticité ou l’exactitude d’un acte de l’état civil étranger et pour écarter la présomption d’authenticité dont bénéficie un tel acte, l’autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l’autorité étrangère compétente. L’article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l’administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l’administration française n’est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d’un autre État afin d’établir qu’un acte d’état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d’authenticité, en particulier lorsque l’acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l’administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. (...)
5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme X, le préfet de la Vienne s’est fondé sur la circonstance que l’intéressée était âgée non de 16 ans lorsqu’elle est entrée en France, mais de 27 ans, après consultation du traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Visabio prévu à l’article R. 611-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au regard de l’identité que Mme X avait présentée lorsqu’elle avait tenté initialement d’obtenir en vain un Visa le 31 mars 2014. Mme X a toutefois produit à l’instance un passeport délivré le 27 août 2017 par les autorités consulaires guinéennes et dont l’authenticité n’est pas contestée ainsi qu’un extrait du registre de l’état civil de la République de Guinée du 15 mars 2016 et un jugement supplétif du tribunal de première instance de Boké du 14 mars 2016 qui mentionnent tous une date de naissance au 6 février 2000. Dans ces conditions, la seule circonstance que Mme X ait menti lors de sa demande initiale de visa n’est pas de nature à démontrer qu’elle était majeure lors de son accueil en avril 2016 par les services de l’aide sociale à l’enfance, lesquels ont, à l’inverse, conclu à l’absence de tout doute sur sa minorité lors de son arrivée en France, laquelle a de surcroît été retenue tant par le juge des enfants que par le juge des tutelles. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme X, qui a été prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance pendant deux ans et qui a ensuite bénéficié d’un contrat jeune majeur, a poursuivi sa scolarité à l’issue de laquelle elle a obtenu, le 2 juillet 2018, le certificat d’aptitude professionnelle agricole dans la spécialité " service aux personnes et vente en espace rural " avec la mention bien, alors même qu’elle avait accouché de son premier enfant le 22 mai 2018. A la date de l’arrêté litigieux, elle était dans l’attente d’une admission à l’institut de formation des aides-soignants du centre hospitalier universitaire de Poitiers, qui a d’ailleurs postérieurement été acquise puisque, classée initialement 9ème sur la liste complémentaire d’admission avec une note finale de 12/20, Mme X a reçu en définitive une proposition d’admission à la suite d’un désistement. Dans ces conditions très particulières, compte tenu notamment des conditions d’insertion de l’intéressée en France, et alors même qu’elle a de la famille en Guinée, le préfet a, en refusant de lui délivrer un titre de séjour temporaire, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus et a, par suite, méconnu les stipulations et dispositions précitées. (...)
7. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement que le préfet de la Vienne délivre à Mme X un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d’enjoindre au préfet, en application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer un tel titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n’y a, en revanche, pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte. »
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