Source : Tribunal administratif de Besançon, juge des référés
Date : ordonnance du 31 mars 2020 n°2000570
Extraits :
« 2. Aux termes de l’article L.521-2 du code de justice administrative : "Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures."
3. Il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en oeuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale. Une obligation particulière pèse, en ce domaine, sur les autorités du département en faveur de tout mineur dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger. Une carence caractérisée dans l’accomplissement de ces obligations peut faire apparaître une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d’apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.
4. Il résulte de l’instruction que M.X, détient des documents d’état civil le présentant comme âgé de 17 ans. Il est constant que, depuis son entrée en France, l’intéressé est seul, sans famille connue et dépourvu de toute ressource. S’il a pu être hébergé par un bénévole, il affirme que ce n’est plus le cas aujourd’hui alors qu’en sa qualité de mineur, il n’est recevable ni à déposer une demande d’asile, ni à faire appel au "115" - service téléphonique de coordination de l’hébergement d’urgence.
5. En se bornant à tirer les conséquences de l’enregistrement du requérant dans le fichier relatif aux étrangers sollicitant la délivrance d’un visa dit "VISABIO", pour mettre fin à sa prise en charge, la présidente du conseil départemental a méconnu l’étendue de sa compétence pour évaluer, sur la base d’un faisceau d’indices, la situation de l’intéressé, notamment quant à son âge. La circonstance que l’Etat serait prêt à prendre en charge des mineurs non accompagnés dans le cadre de la crise sanitaire que connaît actuellement la France ne saurait priver M.X, au moins jusqu’à ce que le juge des enfants se prononce sur la majorité de l’intéressé, de la protection du service de l’aide sociale à l’enfance, particulièrement en période d’état d’urgence sanitaire nécessitant un confinement généralisé des personnes se trouvant sur le territoire français. Le département (...) a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, caractérisant également une situation d’urgence particulière.
6. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre au département (...) d’indiquer à M.X un lieu d’hébergement et de pourvoir à ses besoins, y compris médicaux, jusqu’à la décision du juge des enfants de Besançon, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de la présente ordonnance. »
***
Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :