Tribunal administratif de Montreuil, Ordonnance du 27 mai 2020 n°2004870, Mineur isolé ressortissant malien, disposant d’un document d’état civil, a fait l’objet d’un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance par le Conseil départemental (CD) de Seine Saint Denis et a saisi le juge des enfants en février 2020, mais aucune audience n’est programmée. En raison de l’état d’urgence sanitaire, le mineur est mis à l’abri par le Conseil départemental qui décide cependant de ne pas poursuivre l’accueil provisoire au-delà du 24 mai 2020. Le TA de Montreuil estime que « la décision du conseil départemental de ne pas poursuivre l’accueil provisoire d’urgence (…) n’est pas de nature à révéler par principe une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Toutefois, non seulement l’intéressé soutient sans être utilement contredit ne disposer ni d’un hébergement, ni de moyens de subsistance, mais encore et surtout, il fait valoir, à juste titre, que si le confinement a pris fin le 11 mai 2020, l’état d’urgence sanitaire a été prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 et que l’Ile-de-France est toujours classée en zone rouge. Dans les circonstances particulières de l’espèce, caractérisées en outre par la saisine pendante du tribunal pour enfants de Bobigny, il y a lieu de considérer qu’en refusant au requérant de prolonger sa prise en charge sans lui proposer une solution d’hébergement, le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamental ». Injonction au CD d’assurer l’hébergement de l’intéressé dans une structure adaptée à son âge allégué et à la prévention des risques de propagation du covid-19 et de prendre en charge ses besoins alimentaires, sanitaires et médicaux, dans un délai de 48h et ce jusqu’à ce qu’il ait été statué définitivement sur la question relative à sa minorité ou jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 si celle-ci intervient avant que le juge ne se soit définitivement prononcé.

Source : Tribunal administratif de Montreuil

Date : Ordonnance du 27 mai 2020 n°2004870

Extraits :

« 4. Il résulte de ces dispositions qu’il incombe aux autorités du département, le cas échéant dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants ou par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, de prendre en charge l’hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l’aide sociale à l’enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu’un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il incombe au juge des référés d’apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

5. Il en résulte également que, lorsqu’il est saisi par un mineur d’une demande d’admission à l’aide sociale à l’enfance, le président du conseil départemental peut seulement, au-delà de la période provisoire de cinq jours prévue par l’article L. 223-2 du code de l’action sociale et des familles, décider de saisir l’autorité judiciaire mais ne peut, en aucun cas, décider d’admettre le mineur à l’aide sociale à l’enfance sans que l’autorité judiciaire l’ait ordonné. L’article 375 du code civil autorise le mineur à solliciter lui-même le juge judiciaire pour que soient prononcées, le cas échéant, les mesures d’assistance éducative que sa situation nécessite. Lorsque le département refuse de saisir l’autorité judiciaire à l’issue de l’évaluation mentionnée au point 3, l’existence d’une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l’aide sociale rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département.

6. Enfin, l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d’état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil qui prévoit que : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Cet article pose une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l’administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en cause.

7. Le département défendeur se prévaut du résultat de deux évaluations en date des 13 février et 15 mai 2020 du pôle évaluation des mineurs isolés étrangers au terme desquelles la minorité alléguée par M. n’a pas été reconnue, tandis qu’il ressort des pièces du dossier que M. détient un document d’état-civil consistant en un extrait d’acte de naissance mentionnant une date de naissance au 1er novembre 2002.

8. Dans ces conditions, la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de ne pas poursuivre l’accueil provisoire d’urgence du requérant au-delà du 24 mai 2020 n’est pas, comme le relève le défendeur, de nature à révéler par principe une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

9. Toutefois, non seulement l’intéressé soutient sans être utilement contredit ne disposer ni d’un hébergement, ni de moyens de subsistance, mais encore et surtout, il fait valoir, à juste titre, que si le confinement a pris fin le 11 mai 2020, l’état d’urgence sanitaire a été prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 et que l’Ile-de-France est toujours classée en zone rouge. Dans les circonstances particulières de l’espèce, caractérisées en outre par la saisine pendante du tribunal pour enfants de Bobigny, il y a lieu de considérer qu’en refusant au requérant de prolonger sa prise en charge sans lui proposer une solution d’hébergement, le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

10. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis d’assurer l’hébergement de l’intéressé dans une structure adaptée à son âge allégué et à la prévention des risques de propagation du covid-19 et de prendre en charge ses besoins alimentaires, sanitaires et médicaux, dans un délai de deux jours à compter de la notification de la présente ordonnance, et ce jusqu’à ce qu’il ait été statué définitivement sur la question relative à sa minorité ou jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 si celle-ci intervient avant que le juge ne se soit définitivement prononcé. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une quelconque astreinte »

Ordonnance à retrouver en format pdf ci-dessous :

TA_Montreuil_27052020_2004870
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