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Cour des comptes – Rapport « La protection de l’enfance »

Une politique inadaptée au temps de l’enfant

Publié le lundi 30 novembre 2020 , mis à jour le lundi 30 novembre 2020

Source : Cour des comptes

Date : 30 novembre 2020

Présentation :

« 328 000 enfants bénéficiaient d’une mesure de protection fin 2018, soit 12 % de plus qu’en 2009. Les départements ont financé 8 Md€ sur les 8,4 Md€ consacrés cette même année à la protection de l’enfance.

Le cadre législatif de cette politique a été renforcé en 2016 mais son organisation demeure complexe et son pilotage défaillant, tant au niveau national que local, ce qui aboutit à un décalage entre sa mise en œuvre et la prise en compte effective des besoins de l’enfant.

Pour y remédier, la Cour formule dix recommandations visant à repenser le parcours de l’enfant, à améliorer le pilotage national et local, et à renforcer la réactivité des acteurs locaux.

Une politique publique en décalage avec les besoins des enfants

La décision en matière de protection de l’enfance se caractérise par un empilement de délais, qui retarde le moment de la prise en charge. De plus, le parcours des enfants protégés est fréquemment marqué par une succession de ruptures, qui traduisent la difficulté à élaborer une solution adaptée à leurs besoins.
Instauré en 2007 et renforcé en 2016, le « projet pour l’enfant », censé garantir les bonnes conditions d’une mesure de protection, se heurte dans la pratique à de nombreux écueils. Son application est inégale sur le territoire, ses délais d’élaboration ne sont pas respectés et la méthodologie retenue ne prend pas en compte le moyen et long terme.
En effet, les mesures prononcées sont toujours provisoires, afin de préserver la possibilité d’un retour dans la famille, même dans les cas où les défaillances des parents sont durables. Cette situation crée une insécurité préjudiciable à l’enfant. La relation avec les parents doit donc être clarifiée.
L’avenir des enfants protégés doit également être mieux préparé. L’âge de la majorité représente souvent un couperet, ce qui limite l’investissement en termes d’études, de formation professionnelle et d’insertion. Il apparaît indispensable d’organiser un entretien systématique avant 16 ans, de favoriser les parcours de formation et d’insertion au-delà de 18 ans, et de prolonger, si besoin, la prise en charge au-delà de 21 ans.
Enfin, le devenir des jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance est très peu suivi, et donc mal connu, ce qui nuit à l’évaluation et à l’adaptation des politiques menées.

Un pilotage défaillant et des ambitions législatives non concrétisées

Si la politique de protection de l’enfance dispose d’un cadre législatif et réglementaire rénové et ambitieux, sa mise en oeuvre demeure toutefois très partielle, voire inexistante. Le pilotage est défaillant en raison de la complexité de son organisation et de la confusion des missions entre les différents acteurs : direction générale de la cohésion sociale (DGCS), conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), groupement d’intérêt public (GIP) Enfance en danger, Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.
Une simplification est nécessaire au niveau national : elle consisterait à conforter le rôle de coordonnateur interministériel de la DGCS, supprimer le CNPE, renforcer le rôle du GIP Enfance en danger sur les missions d’animation de la recherche et des réseaux, et confier à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques la mission exclusive de production de données sur la protection de l’enfance.
Au niveau local, la coordination entre le département chef de file de cette politique et les services judiciaires est trop informelle, tandis que celle des services déconcentrés de l’État est inexistante, de sorte que la complémentarité avec les politiques de santé ou d’éducation n’est pas assurée. Une coordination stratégique des services de l’Etat devrait donc être instaurée sous l’égide du préfet de département.

Une réactivité insuffisante des acteurs locaux

La mise en oeuvre opérationnelle de la politique de protection de l’enfance repose sur les services départementaux et les opérateurs publics ou privés qui accompagnent au quotidien les enfants. Or les choix d’organisation des départements en matière d’aide sociale à l’enfance sont très hétérogènes et rarement fondés sur l’analyse des besoins. Quant aux opérateurs, ils sont fréquemment fragilisés par des questions de gouvernance. Les mutations de ce secteur, majoritairement associatif, doivent être encouragées, dans le but de renforcer sa faculté d’adaptation.
Par ailleurs, la capacité des départements à contrôler et évaluer les établissements et services de leur territoire est insuffisante, ce qui représente un risque en termes de qualité des prestations. Il faut sécuriser davantage la prise en charge des mineurs protégés, en alignant la durée des autorisations de places sur les échéances de l’évaluation externe, renforçant les dispositifs de contrôle et généralisant la contractualisation pluriannuelle sur les objectifs et les moyens.
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Sommaire :

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Synthèse du rapport :

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Rapport complet :

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Extraits :

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Récapitulatifs des recommandations :

« (...)

10. Opérer la consolidation de l’état-civil des mineurs non accompagnés (MNA) pendant la période de leur prise en charge, sans attendre la demande de titre de séjour (Départements).

(...)

Le dispositif national de répartition et la mission MNA

Le dispositif national de répartition a été mis en place par circulaire en 2013 afin d’organiser la répartition des MNA sur le territoire. Il est piloté par une mission nationale « MNA » rattachée dès l’origine à la DPJJ. La loi du 14 mars 2016 et le décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 relatif à l’accueil et aux conditions d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, constituent l’assise légale de ce dispositif. La proposition d’orientation s’effectue en application d’une clé de répartition tenant compte des données démographiques et du nombre de MNA déjà pris en charge par chaque département. En 2019, ce sont près de 45 % des jeunes évalués mineurs qui ont été orientés vers un autre département que celui dans lequel ils se sont manifestés et qui avait procédé à leur évaluation.

Les avis que rend la mission MNA sur l’orientation géographique des jeunes sont largement suivis par les magistrats du parquet. Pour autant, son positionnement centralisé et son rattachement à la DPJJ ne lui confèrent qu’une influence limitée sur la définition du cadre de la prise en charge des mineurs non accompagnés. Les relations avec les juridictions sont en outre encore peu développées (en dehors de celles que le mécanisme lui-même implique), ce qui explique qu’elle n’est informée qu’a posteriori d’une partie des ordonnances de placement provisoires, notamment celles décidées par les juges des enfants.

Le rôle de la PJJ est bien plus effectif en matière d’élaboration des textes normatifs que d’animation des acteurs judiciaires de la protection de l’enfance. Cette direction souffre cependant d’une relative marginalisation concernant le volet civil de cette politique dans le réseau des juridictions judiciaires. En effet, les services de la PJJ ont redéployé leur activité vers l’action éducative en matière pénale, au cours de la période récente.

L’action d’animation de la DPJJ, en lien avec les autres directions du ministère de la justice, doit donc être renforcée sur le territoire, notamment en matière de circulation d’informations et de partage d’expériences.

(...)

2 - Une mesure imparfaite de l’activité judiciaire qui altère la connaissance des parcours des mineurs à protéger

(...)

Par ailleurs, les normes de comptabilisation des données ne sont pas homogènes : la règle établie par le ministère d’ouvrir un dossier unique pour les fratries de mêmes parents biologiques ne semble toujours pas appliquée par toutes les juridictions ; pour les mineurs non accompagnés, certains services comptabilisent uniquement les saisines directes du juge, alors que d’autres tiennent compte aussi des saisines du parquet.

(...)

Le suivi statistique des mineurs non accompagnés souffre de carences tout aussi manifestes, puisque seul le nombre de jeunes effectivement orientés vers la protection de l’enfance est connu avec une précision relative : le nombre de ceux demandant une prise en charge et faisant l’objet d’une évaluation de minorité ne peut être reconstitué, ni suivi, compte tenu des lacunes des informations communiquées par les départements et des double-comptes nombreux mais impossibles à quantifier en raison de l’absence, jusqu’à aujourd’hui, de fichier national des évaluations de minorité.

(...)

C - L’accueil et la prise en charge des jeunes se déclarant mineurs non accompagnés sont devenus des enjeux majeurs pour les départements

Les conditions d’accueil et de prise en charge des MNA sont devenues des enjeux majeurs pour les départements au cours des cinq dernières années. Elles se révèlent très hétérogènes selon les territoires et, dans plusieurs d’entre eux, ne correspondent pas aux objectifs et aux prescriptions qui s’attachent à la protection des enfants.

1 - Une grande hétérogénéité dans la phase initiale de mise à l’abri

Alors que tous les rapports administratifs et parlementaires intervenus depuis 2010 font état de carences dans la mise à l’abri des jeunes étrangers isolés dans l’attente qu’il soit statué sur leur minorité, la situation est allée en s’aggravant avec l’augmentation massive du nombre de demandeurs.

Dans plusieurs départements, cette mise à l’abri était traditionnellement effectuée dans les structures relevant de la protection de l’enfance. Depuis 2016, toutefois, les nuitées hôtelières sont de plus en plus utilisées et représentent dans bien des cas le mode quasi exclusif d’hébergement (dans la Loire et dans les Deux-Sèvres par exemple). Dans certains territoires, comme et la Seine-Maritime, le recours aux structures spécialisées au stade de la mise à l’abri est désormais réservé aux seuls jeunes particulièrement vulnérables. Enfin, de plus en plus souvent, des départements n’assurent plus la mise à l’abri, celle-ci pouvant être « différée » dans l’attente de places, comme dans les Bouches-du-Rhône, ou jusqu’à l’issue de l’évaluation. Dans ces derniers cas, il appartient au représentant de l’État d’engager devant le juge les démarches nécessaires pour prévenir ce qui constitue une rupture de droits pour des jeunes présumés mineurs et devant à ce titre être protégés.

2 - Des situations très contrastées dans la prise en charge

La prise en charge des MNA, d’une durée moyenne d’environ deux ans 76, est elle aussi très variable selon les départements.
En principe, la première étape de leur parcours devrait consister à stabiliser leur situation juridique en désignant un tuteur. Or, les pratiques judiciaires et départementales diffèrent, la procédure de tutelle étant menée, quand elle l’est 77, dans des conditions « allégées ».

En matière d’hébergement, si la grande majorité des départements se sont efforcés d’augmenter leurs capacités d’accueil face à la forte progression du nombre de MNA, cette réponse reste insuffisante. Ainsi, seuls certains départements, comme le Lot et-Garonne, n’opèrent aucune distinction entre les jeunes selon la nationalité, les MNA étant accueillis dans les mêmes structures que les autres enfants. La plupart des autres départements ont fait le choix d’une prise en charge spécifique : réservant les accueils traditionnels de type maison d’enfants à caractère social (Mecs) aux plus fragiles ou aux plus jeunes, ils font appel à des opérateurs associatifs proposant des structures dédiées.

En outre, avec l’augmentation du nombre de MNA pris en charge, certains départements ont développé le recours à des hôtels (Val-d’Oise, ou Pyrénées Orientales par exemple). Ce recours est problématique tant au regard de l’exigence légale selon laquelle les personnes en charge de l’accueil des jeunes mineurs doivent être des professionnels qualifiés, qu’au regard des missions de la protection de l’enfance 78.

L’accompagnement socio-éducatif des jeunes est lui aussi très variable, selon les territoires et les structures. Souvent minimal dans le cas d’un hébergement hôtelier et limité à une visite hebdomadaire d’un travailleur social, il peut à l’inverse être quasi-permanent et proche des besoins des jeunes en structure collective spécialisée. La grande majorité des MNA, dont la volonté d’intégration est souvent signalée par les départements, est inscrite dans des filières professionnelles courtes qui affichent des perspectives d’insertion professionnelles rapides.

(...)

E - L’évaluation de minorité et d’isolement des jeunes se déclarant MNA doit être professionnalisée

La phase d’évaluation et de mise à l’abri peut elle aussi être à l’origine de délais pour la prise en charge des mineurs non accompagnés par l’aide sociale à l’enfance. En effet, lorsqu’une personne étrangère se déclare mineure et qu’elle demande à être prise en charge au titre de l’ASE, deux éléments doivent être déterminés : la minorité du jeune et son isolement. Si ces deux points sont établis par l’évaluation pluridisciplinaire prévue par la législation, le jeune demandeur a vocation à être orienté, par le procureur de la République ou par un juge des enfants, vers le service d’aide sociale à l’enfance d’un département, qui peut être celui ayant procédé à l’évaluation ou un autre désigné à travers le dispositif national d’orientation piloté par le ministère de la justice.

L’État s’est employé à encadrer et à préciser les modalités de l’évaluation depuis 201693 et les services préfectoraux prêtent un concours croissant aux départements qui le souhaitent pour la vérification des documents d’identité et d’état civil présentés par les demandeurs : le nombre de documents examinés à ce titre par la police aux frontières a très fortement augmenté depuis 2013, passant de 1 278 à 19 859 en 2019.

Cependant, les modalités des évaluations de minorité et d’isolement restent très hétérogènes d’un département à l’autre, qu’elles soient effectuées directement par les services départementaux, comme dans les deux tiers des cas, ou par un prestataire associatif spécialisé choisi par la collectivité locale.

Ainsi, de nombreux départements ont institué sans base règlementaire une « pré-évaluation », sous la forme d’un entretien succinct qui peut se conclure par un refus de prise en charge. Lors du premier accueil, des services départementaux, comme en Loire-Atlantique, Pyrénées-Atlantiques, Loiret en 2018 face à l’afflux des demandes, et Aisne, réalisent un entretien sommaire, ce qui conduit au refus d’un examen plus approfondi pour un certain nombre de jeunes, sur la base de leur apparence physique, de leur supposée absence de vulnérabilité ou d’éventuels documents d’identité. Il est difficile d’estimer le nombre de jeunes concernés par ces procédures de pré-évaluations, souvent réalisées de façon officieuse et ne donnant pas lieu à un suivi statistique. Néanmoins, ces exemples montrent que le nombre de personnes non mises à l’abri après cette procédure est loin d’être négligeable. Or, cette pratique contrevient au principe de présomption de minorité et aux prescriptions légales.

De plus, quelques départements demandent encore fréquemment une expertise médico-légale, alors que les examens radiologiques osseux effectués sur ce fondement, jugés peu pertinents, font l’objet depuis plusieurs années de recommandations nationales visant à en restreindre l’usage.

En outre, le délai règlementaire de cinq jours pour conclure la phase d’évaluation n’est quasiment jamais respecté et la situation tend à se dégrader. Certains départements affichent plusieurs semaines, voire plusieurs mois de délais.

Enfin, la pluridisciplinarité et la collégialité de l’évaluation ne sont que très rarement respectées, notamment dans les départements où l’évaluation est réalisée en interne. En effet, il semble difficile de traiter correctement toutes les thématiques préconisées dans le référentiel national au regard du nombre de demandes de prise en charge, étant donné la durée consacrée généralement à cet entretien : en moyenne une heure à une heure trente dans les départements de Haute-Vienne, des Hautes-Alpes, d’Indre, des Deux-Sèvres, du Loiret en 2018, et de Côte-d’Or, voire moins, comme dans le département du Val-d’Oise.

Au total, si l’on constate partout une baisse du taux de reconnaissance de minorité (nombre de jeunes reconnus mineurs/nombre de jeunes demandeurs), ce dernier varie fortement d’un département à l’autre, alors même que le public évalué présente des caractéristiques similaires.

Cette hétérogénéité tant dans la réalisation des évaluations de minorité et d’isolement que dans leurs résultats, a deux conséquences :
- d’une part, certains jeunes évalués majeurs dans un département peuvent se rendre dans un autre territoire pour tenter d’obtenir une reconnaissance de minorité, sans qu’il soit possible pour l’instant de mesurer l’ampleur de ce phénomène ;
- d’autre part, de nombreux départements émettent de fortes réserves sur la manière dont sont conduites les évaluations dans d’autres territoires et donc sur la minorité réelle des jeunes qui leur sont adressés par la mission MNA. Ils procèdent alors à leur réévaluation de manière quasi-systématique (Côte-d’Or, Maine-et-Loire, par exemple). Cette situation a un coût, non seulement pour les départements, mais également pour l’État, qui contribue à hauteur de 500 € par évaluation. Pour autant, aucune donnée ni sur le nombre de réévaluations ni sur les résultats obtenus n’ont été produites par ces départements.

L’application Appui à l’évaluation de minorité (AEM), conçue et pilotée par la direction générale des étrangers en France (DGEF) et déployée par étapes depuis 2019, permet le croisement des données biométriques du jeune se déclarant mineur avec les données relatives aux visas (Visabio) et celles relatives au séjour des étrangers (Agdref). Ce dispositif devrait notamment permettre, pour la première fois, de constituer un fichier centralisé nominatif des évaluations déjà réalisées et de prévenir leur répétition. Or, si 77 départements avaient manifesté leur adhésion à l’application fin 2019, plusieurs d’entre eux, et notamment certains des principaux départements d’arrivées, s’y sont opposés publiquement.

Les récentes dispositions règlementaires modulant la participation financière de l’État au coût de l’évaluation et de la mise à l’abri en fonction de l’utilisation d’AEM devraient contribuer à faire évoluer positivement cette situation.

Pour assurer l’égalité de traitement entre les demandeurs et susciter la confiance des départements vis-à-vis de la répartition nationale, il apparaît indispensable de renforcer substantiellement la qualité et l’homogénéité de l’évaluation de minorité et d’isolement.

Cela passe notamment par une meilleure formation des évaluateurs.
La majorité d’entre eux a pour l’instant dû acquérir en autodidacte des connaissances spécifiques, notamment sur la géographie, la géopolitique et les systèmes scolaires des pays d’origine, afin de pouvoir s’assurer de la cohérence des propos des jeunes lors des entretiens.

(...)

La continuité du suivi des enfants est en outre fragilisée par le renouvellement souvent fréquent des référents. Ce phénomène pose la question de la capacité des départements à assurer la fidélisation de leurs travailleurs sociaux, qui peuvent légitimement aspirer à des mobilités ou des évolutions de carrière. Pour contourner cette difficulté et assurer un suivi plus cohérent, certains départements ou opérateurs, comme dans les Bouches-du-Rhône, mettent en place des binômes, voire des trinômes de travailleurs sociaux en charge des situations individuelles, notamment dans les situations complexes.

Il convient de noter que les mineurs non accompagnés ne bénéficient pas toujours de la désignation de référents de manière comparable aux autres enfants confiés (exemple de la Loire-Atlantique).

(...)

2 - Les mineurs non accompagnés

L’Ined, dans une étude publiée en 2018124, estimait que, parmi les jeunes placés âgés de 17 ans en 2013, 95 % des MNA avaient bénéficié d’un contrat jeune majeur.

L’augmentation du nombre de ces mineurs au cours des années 2015-2018 a toutefois conduit plusieurs départements à restreindre le nombre de contrats et à établir des priorités. Ainsi, les contrats jeune majeur sont conditionnés à plusieurs critères variant d’un département à l’autre, au risque de créer des inégalités territoriales. Des départements, comme le Val-d’Oise, l’Indre-et-Loire, ont choisi de limiter l’attribution de contrats jeunes majeurs aux mineurs ayant été pris en charge pendant au moins deux ans par l’aide sociale à l’enfance. Ce critère élimine de fait une grande partie des MNA, dont la majorité sont arrivés à plus de 16 ans. De même, le Loiret a mis fin en 2014 au dispositif des contrats pour les MNA devenus majeurs, tout en maintenant une forme d’accompagnement pour leur permettre de terminer leur année scolaire ou leur formation déjà engagée.
 »

Note d’InfoMIE :

  • Concernant la poursuite de la prise en charge pour terminer l’année scolaire ou universitaire engagée

Si les départements disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou refuser une prise en charge à un·e jeune majeur·e, ils doivent, en revanche, obligatoirement leur proposer un accompagnement dès lors qu’ils ou elles suivent une scolarité ou des études supérieures. C’est le sens du dernier alinéa de l’article L 222-5 du CASF, modification introduite par la loi du 14 mars 2016.
Il s’agit d’une obligation pour les départements depuis 2016, et non une faculté.

Pour l’application de cette disposition, le département ne dispose plus d’un pouvoir d’appréciation et est tenu de proposer un accompagnement (TA Paris, réf susp., 8 janvier 2018, n° 1718308/9).

Il est ainsi constant que «  lorsqu’une mesure de prise en charge d’un mineur parvenant à sa majorité, quel qu’en soit le fondement, arrive à son terme en cours d’année scolaire ou universitaire, [le département] doit en outre proposer à ce jeune un accompagnement » (CE réf. susp., 21 déc 2018, n° 421326, n°420393 ; CE réf. lib., 22 mai 2019, n ° 429718 ; CE réf. lib., 13 janvier 2020, n° 437102).

  • Concernant les conditions de durée de prise en charge dans l’octroi ou non d’une prise en charge temporaire à l’aide sociale à l’enfance en tant que jeune majeur

Le code de l’action sociale et des familles ne subordonne pas l’accès à une prise en charge d’un·e jeune majeur·e au fait qu’il ou elle ait été confié.e pendant sa minorité auprès des services du département. Pourtant, depuis quelques années, certains règlements départementaux d’aide sociale incluent une telle condition, avec parfois une exigence de durée minimale de prise en charge pendant la minorité.

Le Conseil d’Etat admet que l’existence et la durée de prise en charge antérieure par le service de l’ASE sont au nombre des critères d’appréciation individuels sur lesquels un département peut légalement se fonder pour accorder ou maintenir la prise en charge d’un⋅e jeune majeur de moins de vingt et un ans dans le cadre d’un examen d’une demande individuelle. En revanche, le Conseil d’Etat rappelle que le Conseil départemental ne peut fixer de condition nouvelle conduisant à écarter par principe du bénéfice des prestations sociales des personnes qui entrent dans le champ des dispositions législatives applicables, SAUF à créer des conditions PLUS favorables.

Ainsi, exclure par principe d’une protection tout.e jeune au motif qu’il ou elle ne remplit pas la condition d’une prise en charge d’un an durant la minorité est illégal car cela revient à créer une condition nouvelle restrictive, non prévue par le législateur, donc illégale. (CE, 29 mai 2019, n° 417406)

Le Conseil d’Etat a confirmé dans une décision postérieure que subordonner l’octroi d’une prise en charge à l’exigence d’un “accueil physique continu de trois ans à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité” et donc exclure par principe les jeunes ne remplissant pas celle-ci, est une condition illégale non prévue par la législation (CE, 15 juillet 2020, n° 429797).

Le Défenseur des droits, sur cette question, conclut que la limitation des possibilités d’octroi des prestations d’aide sociale à l’enfance prévues en faveur des jeunes majeur⋅es à ceux et celles pris⋅es en charge par l’aide sociale à l’enfance avant leurs seize ans constitue une discrimination indirecte fondée sur les critères de l’origine et de la non-appartenance à la nation française. En effet, si ce critère semble s’appliquer à tous les jeunes indépendamment de leur origine ou nationalité, le Défenseur des droits a démontré que les jeunes isolé⋅es subissaient les conséquences de la limitation d’accès à la prestation de façon plus importante (DDD, décision n°2018-300 du 27 décembre 2018)

Voir en ligne : https://www.ccomptes.fr/fr/publicat...


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