Conseil d’Etat – 1ère chambre – Décision n° 438636 du 30 décembre 2020 – Référé-suspension – Le juge des référés commet une erreur de droit en se fondant sur le pouvoir d’appréciation du président du conseil départemental pour juger l’absence de doute sérieux quant à la légalité du refus de poursuite de prise en charge, alors que le défaut d’accompagnement risque de compromettre la poursuite de la scolarité du jeune majeur jusqu’au terme de l’année scolaire engagée

Résumé :

Pour un jeune majeur confié à l’ASE jusqu’à sa majorité, scolarisé en classe de première en vue de l’obtention d’un baccalauréat professionnel, ne disposant ni d’un soutien familial sur le territoire français ni de ressources, le refus de poursuite de prise en charge par le département risque de compromettre la poursuite de sa scolarité jusqu’au terme de l’année scolaire engagée. C’est en sens que le juge des référés a commis une erreur de droit en se fondant sur le pouvoir d’appréciation du président du conseil départemental pour juger que sa situation ne faisait pas apparaître de doute sérieux quant à la légalité, au regard des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, de ce défaut d’accompagnement.

Extraits :

« […].

4. Il résulte de ces dispositions que s’il incombe au président du conseil départemental de préparer l’accompagnement vers l’autonomie de tout mineur pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance dans l’année précédant sa majorité, il dispose, sous le contrôle du juge, d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par ce service d’un jeune majeur de moins de vingt et un ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants. Toutefois, lorsqu’une mesure de prise en charge d’un mineur parvenant à sa majorité, quel qu’en soit le fondement, arrive à son terme en cours d’année scolaire ou universitaire, il doit proposer à ce jeune un accompagnement, qui peut prendre la forme de toute mesure adaptée à ses besoins et à son âge, pour lui permettre de ne pas interrompre l’année scolaire ou universitaire engagée.

5. Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision refusant une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance ou mettant fin à une telle prise en charge, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner la situation de l’intéressé, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l’article R. 772-8 du code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il lui appartient d’annuler, s’il y a lieu, cette décision en accueillant lui-même la demande de l’intéressé s’il apparaît, à la date à laquelle il statue, eu égard à la marge d’appréciation dont dispose le président du conseil départemental dans leur mise en œuvre, qu’un défaut de prise en charge conduirait à une méconnaissance des dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à la protection de l’enfance et en renvoyant l’intéressé devant l’administration afin qu’elle précise les modalités de cette prise en charge sur la base des motifs de son jugement. Saisi d’une demande de suspension de l’exécution d’une telle décision, il appartient ainsi au juge des référés de rechercher si, à la date à laquelle il se prononce, ces éléments font apparaître, en dépit de cette marge d’appréciation, un doute sérieux quant à la légalité d’un défaut de prise en charge.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. C..., confié à l’aide sociale à l’enfance par décisions judiciaires jusqu’à sa majorité, avait commencé, à la date de son dix-huitième anniversaire, une année de scolarité en classe de première au lycée des métiers Jean Monnet, à Montrouge, en vue de l’obtention d’un baccalauréat professionnel " technicien d’études du bâtiment ", scolarité qu’il suivait de façon assidue, qu’il ne disposait ni d’un soutien familial sur le territoire français ni de ressources et que si le département de l’Essonne faisait valoir, dans les motifs de sa décision du 10 décembre 2019, la possibilité pour M. C... de bénéficier d’une bourse d’études départementale, il n’avait pas fait connaître cette possibilité à l’intéressé avant l’interruption de sa prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance, dans le cadre de l’accompagnement qu’il devait lui proposer. Dans ces conditions, alors que le défaut d’accompagnement de M. C... risquait de compromettre la poursuite de sa scolarité jusqu’au terme de l’année scolaire engagée, le juge des référés a commis une erreur de droit en se fondant sur le pouvoir d’appréciation du président du conseil départemental pour juger que sa situation ne faisait pas apparaître de doute sérieux quant à la légalité, au regard des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, de ce défaut d’accompagnement.

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Conseil d’État, 1ère chambre, 30_12_2020, 438636
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