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Cour administrative d’appel de Bordeaux - Arrêt n°21BX03924 du 22 mars 2022

Publié le : vendredi 13 mai 2022

Résumé :

L’enregistrement dans le fichier du traitement d’antécédents judiciaires, en l’absence d’explications précises sur les circonstances des faits et alors que ces derniers sont contestés par l’intéressé qui n’a fait l’objet d’aucune condamnation, ajouté au caractère isolé desdits faits, n’est pas de nature à fonder un refus de séjour tiré de la menace à l’ordre public.

Par ailleurs, le motif de l’absence de caractère réel et sérieux de la formation opposé à l’intéressé est infondé (en dépit d’un accès à une classe d’alphabétisation, les résultats globaux obtenus sont satisfaisants et l’absentéisme constaté sur une période de l’année est en partie expliqué par sa situation économique précaire).


Extraits des considérants :

"(...) 3. Il ressort des pièces du dossier que M. A a conclu avec l’entreprise GSF Athena un contrat d’apprentissage à compter du 21 octobre 2019 et jusqu’au 31 août 2021 et a suivi, en alternance, une formation au sein de l’institut national de l’hygiène et du nettoyage industriel (INHNI), à Pessac, pour l’obtention d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) en qualité d’agent de propreté et d’hygiène. Pour rejeter la demande de titre de séjour de l’intéressé, le préfet de la Charente-Maritime a estimé que son comportement constituait une menace pour l’ordre public et, par ailleurs, que le suivi de sa formation ne présentait par un caractère réel et sérieux.

4. Toutefois et d’une part, le préfet se borne à indiquer que M. A a fait l’objet d’une mention du 23 novembre 2020 dans le fichier du traitement d’antécédents judiciaires pour des faits de violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique et rébellion sans expliciter, au sein de l’arrêté attaqué ou dans ses écritures en défense de première instance, les circonstances de fait précises qui ont prévalu à cette mention, alors que la matérialité des faits en cause est contestée par le requérant et qu’il est constant qu’ils ne lui ont valu aucune condamnation pénale. Au demeurant, à les supposer avérés, ces faits apparaîtraient comme isolés. Dès lors, le requérant est fondé à soutenir que le premier motif qui lui a été opposé par le préfet, tiré de la menace pour l’ordre public que représenterait son comportement, n’est pas de nature à fonder légalement le refus de titre de séjour qui lui a été notifié.

5. D’autre part, M. A produit, pour la première fois en appel, un rapport de situation du 3 mai 2021 établi par la cheffe du service des mineurs non accompagnés de la direction de l’enfance et de la famille du département de la Charente-Maritime qui, s’il est postérieur à la date de l’arrêté attaqué, est de nature, en l’espèce, à révéler une situation antérieure. Il ressort des termes de ce rapport que M. A est arrivé en France analphabète et n’a pu bénéficier, lors de son arrivée au sein de la structure associative qui l’a accueilli à Rochefort, de la classe d’alphabétisation, à défaut de places disponibles. Si cette situation l’a fortement pénalisé dans le cadre de la formation suivie à l’INHNI, ainsi qu’il en résulte des appréciations portées par ses formateurs sur ses bulletins semestriels des années 2019/2020 et 2020/2021, l’intéressé a malgré tout obtenu des résultats globaux satisfaisants, proches de la moyenne, et s’est notamment distingué dans les matières scientifiques pour lesquelles la maîtrise de la lecture et de l’écriture de la langue française est moins prépondérante. Il ressort par ailleurs des termes de ce rapport que, jusqu’en juillet 2020, date à laquelle M. A s’est vu délivrer un récépissé de demande de titre de séjour et a pu ouvrir un compte bancaire, l’intéressé se trouvait dans une situation économique précaire, compliquant l’organisation des trajets de son domicile, situé dans le département de la Charente-Maritime, vers le lieu de sa formation théorique et expliquant, pour partie, son fort absentéisme constaté au cours du premier semestre 2019/2020, de l’ordre de 141h30. Cette situation s’est ensuite nettement améliorée puisqu’au titre du deuxième semestre 2019/2020 et du premier semestre 2020/2021, le volume horaire des absences injustifiées s’est élevé respectivement à 21h30 et à 29h. Enfin, il ressort de ce rapport que, depuis la fin de l’année 2020, M. A a pu accéder à la location, se rend de manière assidue au centre de formation, et est présent à tous les regroupements. Dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c’est à tort que, pour lui refuser la délivrance d’un titre de séjour, le préfet lui a également opposé le motif de l’absence de caractère réel et sérieux de sa formation.

6. Enfin, il ressort des éléments versés au dossier que, dans les différents lieux d’accueil au sein desquels il a été pris en charge depuis son arrivée sur le territoire, M. A n’a posé aucun problème de comportement ni avec ses pairs ni dans son rapport au cadre éducatif et que, nonobstant des difficultés persistantes, il réalise des progrès importants dans la maitrise de la langue française écrite et lue. Par ailleurs, son engagement professionnel au sein de l’entreprise GSF Athena est souligné dans le rapport du 3 mai 2021. Dans ces conditions, malgré la présence de sa mère au Mali, compte tenu de la situation de l’intéressé prise dans sa globalité, en particulier, des éléments relatifs à son intégration dans la société française et au caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, le préfet de la Charente-Maritime a entaché son refus de titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’une erreur manifeste d’appréciation (...)"

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

"8. Eu égard à l’évolution de la situation de l’intéressé, dont la formation en alternance devait s’achever au 31 août 2021, l’exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen de la situation de M. A. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de munir le requérant, dans l’attente, d’une autorisation provisoire de séjour, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette injonction d’une astreinte."

Décision au format PDF ci-dessous :

CAA Bordeaux N°21BX03924 du 22 mars 2022