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Cour d’appel de Nancy – 4ème chambre des Appels Correctionnels - Arrêt N°22/99 du 3 février 2022 – Incompétence du Tribunal correctionnel au regard de la minorité de l’intéressé

Publié le : mardi 24 mai 2022

Résumé :

La Cour d’appel annule le jugement du Tribunal correctionnel (par lequel l’intéressé avait été condamné pour falsification et usage d’une attestation d’identité falsifiée et pour avoir fourni des déclarations fausses ou incomplètes en vue d’obtenir du Conseil Départemental une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu) pour incompétence du fait de la minorité du prévenu pendant les faits.

La Cour considère en effet que si les éléments d’irrégularité et d’incohérence soulevés dans le rapport de la police aux frontières sont de nature à faire douter de l’authenticité et de la véracité des documents présentés, ils ne permettent pas de connaître l’âge réel du prévenu. De même, le rapport du conseil départemental ne permet pas de porter une appréciation réelle de son âge. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles l’examen d’âge osseux a été réalisé ne respectant pas l’article 388 du code civil, celui-ci ne peut être retenu. Enfin, l’intéressé produit un passeport indiquant sa minorité qui fait foi (en vertu de l’article 47 du code civil), dès lors qu’aucun élément ne permet d’établir qu’il est irrégulier, falsifié ou que les faits déclarés ne sont conformes à la réalité.

La Cour retient donc la minorité du prévenu et constate l’incompétence du Tribunal correctionnel.


Extraits du jugement :

« [...] indépendamment du caractère faux ou non des documents produits par le prévenu lors de son arrivée en France qui fondent les poursuites pénales, l’examen du moyen de nullité soulevé justifie de l’appréciation de l’état de minorité du prévenu pendant la période de prévention des faits par la cour, étant précisé que les décisions rendues par le juge des enfants et la chambre de mineur, qui n’ont pas pour objet d’établir l’Etat civil du prévenu, n’ont pas autorité de la chose jugée au pénal.

A cet égard :
- le rapport de la police aux frontières établit que l’attestation d’identité [..] présente des irrégularités […]. Cette attestation présente également une grave incohérence […]. Néanmoins, si ces éléments sont de nature à faire douter de l’authenticité et la véracité de ces documents, ils sont en soi indifférents pour permettre de connaître l’âge réel du prévenu ;

- le rapport du conseil départemental qui met en évidence des interrogations concernant l’extrait du registre des actes d’état civil qui ne mentionne pas la nationalité des parents et concernant la cohérence du parcours migratoire du prévenu. Là encore, ces éléments, comportant très peu d’informations sur le développement, la maturité, le récit du prévenu, ne permettent pas de porter une appréciation sur l’âge réel de celui-ci ;

- [...] les conditions dans lesquelles il y a été procédé [le rapport d’examen d’âge osseux] ne respectent pas les exigences posées à l’article 388 du code civil et établies par la loi du 14 mars 2016 […].
Dès lors, cet examen, dont, au demeurant, la valeur probante présente des incertitudes […] et qui ne peut à lui seul permettre de retenir la majorité de l’intéressé […], ne peut être retenu, au regard des conditions dans lesquelles a été réalisé et qui affectent sa validité, pour permettre d’apprécier l’âge du prévenu […].

[…] a versé aux débats la photocopie du passeport qui lui a été délivré par les autorités Ivoiriennes […] mentionnant […] comme date de naissance : 22 décembre 2001. Il a présenté l’original à la cour […] et son examen sommaire à cette occasion n’a pas permis de relever d’irrégularité ou de marque de falsification. Son authenticité n’est pas contestée. En application des dispositions de l’article 47 du code civil, cet acte fait foi dès lors que rien ne permet d’établir qu’il est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne sont pas conforme à la réalité, ce qui est le cas  : en effet, si les actes initialement fournis présentaient des irrégularités, aucun élément versé aux débats ne permet de démontrer que la date de naissance du prévenu n’est pas le 22 décembre 2001.

Dès lors, il n’apparaît pas établi que le prévenu, qui se présente comme mineur à l’époque des faits et est en possession d’un passeport qui le confirme, ait été majeur le 19 février 2018. Il s’ensuit que la juridiction correctionnelle n’était pas compétente pour le juger. »


Voir la décision au format PDF :

Cour d’appel de Nancy – Arrêt N°22/99 du 3 février 2022