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Tribunal administratif de Marseille – Jugement du 2 juin 2022 N°2204195 – Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile MIE – Articles 8 et 17 du règlement UE du 26 juin 2013

Publié le : jeudi 29 septembre 2022

Résumé :

Le TA annule l’arrêté de transfert de l’intéressée aux autorités italiennes en vue de l’examen de sa demande d’asile, et enjoint le préfet à enregistrer sa demande.

D’une part, le préfet ne pouvait prendre cette décision de transfert sans méconnaître les dispositions du 4. de l’article 8 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 (dit « Règlement Dublin III ») puisque l’intéressée (dont l’authenticité des actes d’état civil n’est pas contestée et qui a saisi le juge des enfants) avait préalablement déclaré être mineure. D’autre part, le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire tiré de l’article 17 de ce même règlement (permettant, par dérogation, qu’une demande d’asile soit examinée par la France même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le règlement), alors que l’intéressée se trouvait dans une situation de particulière vulnérabilité (mineure isolée avec un enfant en bas-âge ayant traversé le Mali, l’Algérie, la Libye et l’Italie et étant dépourvue de membre de sa famille dans un autre Etat membre).

RAPPEL - Règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 – Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile d’un⸱e mineur⸱e non accompagné⸱e.


4. de l’article 8 :
« En l’absence de membres de la famille, de frères ou sœurs ou de proches visés aux paragraphes 1 et 2, l’État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur. »

1. de l’article 17 : « 1. Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. […] ».


Extraits du jugement :

« 1. Mme A., ressortissante guinéenne, a sollicité l’asile le 18 mars 2022 auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Après consultation du fichier Eurodac, le préfet des Bouches-du-Rhône, estimant que la France n’était pas responsable de sa demande d’asile, a saisi les autorités italiennes […], lesquelles ont donné leur accord pour reprendre en charge l’intéressé […].

[…]

7. […] Mme A. est entrée sur le territoire des Etats membres par l’Italie, où elle a déposé une demande d’asile le 18 janvier 2022, ainsi qu’en atteste la fiche Eurodac, et elle a ensuite rejoint la France pour y solliciter l’asile le 11 mars 2022. L’intéressée produit un extrait du registre de transcription de naissance du 9 mai 2022, ainsi qu’un extrait d’acte de naissance aux termes desquels sa date de naissance serait […] 2005. Il ressort également des pièces du dossier que Mme A. a saisi […] le juge des enfants en vue d’une procédure d’assistance éducative et que sa demande de prise en charge en qualité de mineur non accompagné est en cours d’examen […].

8. D’une part, eu égard aux dispositions précitées des articles 7 et 8 du règlement n°604/2013, le préfet, qui ne conteste pas l’authenticité des actes d’état civil produits, ne pouvait décider de transférer Mme A. aux autorités italiennes, alors que cette dernière l’avait préalablement à l’édiction de la décision de transfert attaquée, informé de ce qu’elle n’était pas majeure, sans méconnaître les dispositions du 4. de l’article 8 précité du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.

9. D’autre part, au vu des pièces produites à l’instance, Mme A. a quitté son pays d’origine […] accompagnée de sa fille à peine âgée de dix mois et a entamé son parcours migratoire en traversant le Mali, l’Algérie, la Libye et l’Italie avant d’entrer en France […]. Aussi, l’intéressée, dont le parcours migratoire a débuté alors qu’elle était mineure et accompagnée de son enfant en bas-âge et dont il n’est ni soutenu, ni même allégué que des membres de sa famille se trouveraient sur le territoire d’un autre Etat membre, se trouve dans une situation de particulière vulnérabilité. Par suite, dans les circonstances particulières de l’espèce, Mme A. est fondée à soutenir qu’en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire dont il disposait en application des dispositions de l’article 17 du règlement n°604/2013, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.

[…] »


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TA Marseille – 2 juin 2022 N°2204195