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Cour d’appel de Rennes – Chambre spéciale des mineurs – Arrêt N°3 du 4 janvier 2021 – Articles 179, 183 et 196 du code civil guinéen – Article 115 et 555 du code de procédure civile guinéen – Actes d’état civil probants – Absence de consentement et de la mention de la marge d’erreur dans le cadre de l’examen médical – Interprétation des propos et éléments sur apparence physique non pertinents dans le cadre du rapport d’évaluation

Publié le : lundi 10 octobre 2022

Résumé :

La Cour d’appel infirme le jugement du juge des enfants et confie l’intéressé, mineur et isolé, au conseil départemental.

  • S’agissant des actes d’état civil présentés, la Cour retient que, contrairement à ce qui est mentionné dans le rapport de la PAF, l’absence de l’âge, de la profession et du domicile des parents sur l’extrait du registre de l’état civil ne constitue pas une irrégularité au sens des articles 183 et 196 du code civil guinéen puisque le jugement supplétif ne contenait pas ces mentions. Par ailleurs, la mention du nom du représentant du ministère public sur le jugement supplétif (article 115 du code de procédure civile guinéen) n’est exigée que si ce dernier assiste à l’audience, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Enfin, la présence de la formule exécutoire (article 555 du même code) n’est pas une condition de régularité du jugement.
    Toutefois, l’âge est mentionné en chiffres sur l’extrait du registre de l’état civil, contrairement à ce qui est prévu par l’article 179 du code civil guinéen et le jugement supplétif, en plus de mentionner la date de naissance en chiffres, n’indique pas l’âge, la profession et le domicile des parents. Si la présomption de validité prévue par l’article 47 du Code civil ne pouvait alors être retenue au moment de l’examen des documents par la PAF, ces mêmes documents ont depuis été légalisés et les autorités guinéennes ont délivré à l’intéressé une carte consulaire sur la base de ces derniers. Ainsi, la Cour retient que l’intéressé a produit des actes d’état civil probants.
  • S’agissant de l’examen médical, la Cour estime que contrairement à ce qui est prévu par l’article 388 du Code civil, le consentement de l’intéressé n’est pas prouvé et la marge d’erreur n’est pas précisée (l’expression d’une probabilité étant insuffisante à caractériser cette dernière).
  • S’agissant enfin du rapport d’évaluation, la Cour considère que les propos de l’intéressé ont pu être interprétés pour retenir certaines incohérences et que les éléments relatifs à son apparence ne sont pas pertinents pour déterminer l’âge.


Extraits de l’arrêt :

« Il ressort du rapport de la Direction Zonale de la Police aux Frontières que l’extrait du registre de l’état civil contenait deux irrégularités au regard des dispositions des articles 179, 183 et 196 du code civil guinéen : la date de naissance en chiffres et l’absence de l’âge, de la profession et du domicile des parents.

L’examen des textes cités montre que seule la mention de l’age en chiffres constitue une irrégularité au sens des dispositions de l’article 179 du code civil guinéen dans sa version applicable à la date de l’examen.

L’absence de l’âge, de la profession et du domicile des parents ne constitue pas une irrégularité au regard des dispositions des articles 183 et 196 du code civil guinéen dans sa version applicable à la date de l’examen puisque le jugement supplétif, qui tient lieu d’acte de naissance, ne contenait pas ces mentions.

Il résulte de ces premiers éléments que le document examiné ne contenait qu’une seule irrégularité : la date de naissance en chiffre.

L’examen du jugement supplétif par les services de Police montre que la date de naissance est en chiffres et que ne figurent pas les l’âge, la profession et le domicile des parents.

Il montre également que le nom du représentant du ministère public ne figure pas dans le jugement contrairement aux prévisions de l’article 115 du code de procédure civile guinéen et que le jugement est dépourvu de la formule exécutoire contrairement aux dispositions de l’article 555 du code de la procédure civile guinéen.

La mention du nom du représentant du ministère public n’est prescrite que lorsqu’il assiste à l’audience. Il se déduite de la mention "le Ministère Public en ses observations" signifie que ce dernier a formulé des observations mais n’a pas assisté à l’audience.

Enfin l’apposition de la formule exécutoire, à supposer qu’elle soit prévue pour les jugements en matière gracieuse, n’est pas une condition de régularité du jugement.

Il résulte ces seconds éléments que seule subsiste l’irrégularité tenant à la mention de la date de naissance en chiffres et non en lettres et de l’âge, la profession et le domicile des parents.

A la date de l’examen par les services de police, il y avait lieu de constater que les actes qui leur étaient soumis n’étaient pas rédigés dans les formes en usage en Guinée et il ne pouvait pas leur être accordé foi au sens de l’article 47 du code civil, sans pour autant qu’ils soient qualifiés de faux.

Postérieurement à cet examen [...].
Ces documents ont été légalisés [...].

Par ailleurs, le 22 octobre 2019 l’Ambassade de Guinée en France a délivré à Monsieur A. une carte consulaire, au vu des documents d’état civil qu’il avait produits et qui avaient été examinés par les services de Police.

Il y a lieu en conséquence de juger que Monsieur A. produit des actes d’état civil probants au sens des dispositions conjuguées des articles 378 et 47 du Code Civil.

Sur l’examen médical,

La Cour constate qu’aucune pièce de la procédure ne contient consentement de Monsieur A. et qu’en outre l’examen ne précise pas la marge d’erreur. L’expression d’une probabilité de 95% n’est pas suffisante pour caractériser la marge d’erreur prévue à l’article 388 du Code Civil.

Sur le rapport d’évaluation,

C’est à tort qu’il est mentionné une incohérence relative à l’age de scolarisation. L’examen du compte-rendu d’entretiens montre en effet que si Monsieur A. a pu faire état une seule fois de l’année 2024, il s’est repris et a hésité entre 2008 et 2009, qui sont deux années cohérentes.

De même, c’est pas une interprétation des propos de Monsieur A. qu’il a été décidé que la ville importante citée par lui était Alger. L’examen du compte-rendu d’entretien précise qu’il a évoqué "Algerie ville".

Pour le surplus, il n’existe pas de réelles incohérences.

Les interprétations et appréciations subjectives sur l’apparence notamment ne sont pas des éléments pertinents permettant de déterminer l’age.

[...] »


Voir l’arrêt au format PDF :

CA Rennes – Arrêt N°3 du 4 janvier 2021