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Observatoire français des drogues et des tendances addictives | Note : usages de drogues et conditions de vies des " mineurs non accompagnés"

Publié le lundi 31 octobre 2022 , mis à jour le mercredi 23 novembre 2022

Source  : Observatoire français des drogues et des tendances addictives

Date  : 24/10/2022

Auteur.rice.s : Clément Gerome, Caroline Protais et Fabrice Guilbaud

Présentation :

Cette note fait le point sur le statut administratif des mineurs non accompagnés avant de s’intéresser aux usages de drogues observés chez cette population depuis 2016.

Un risque sanitaire combinant question migratoire et vie dans la rue

Il ressort des observations du dispositif TREND que les usages de drogues de certains mineurs non accompagnés ne peuvent se comprendre que dans l’intrication biographique entre la vie dans le pays d’origine, le projet migratoire, la migration en tant que telle, et les conditions de vie dans le(s) pays de destination. Les contextes de vie accroissent les risques sanitaires, notamment ceux liés à la vie dans la rue et à des usages importants de substances psychoactives.

Un besoin de prise en charge "passerelle" et pluridisciplinaire. Plus globalement, face aux multiples problématiques qui caractérisent les mineurs non accompagnés usagers de drogues et à la relative inadaptation des réponses existantes, cette note met en relief l’importance, soulignée par de nombreux acteurs, de bénéficier de dispositifs s’appuyant sur un accompagnement pluridisciplinaire et un cadre de fonctionnement adapté servant de passerelle entre la vie dans la rue et les structures de droit commun de l’ASE.

Sommaire :

  1. Définir et quantifier les MNA
    - Etre reconnu MNA en France
    - Quantification et caractérisation sociodémographique
    - Les limites d’une catégorie administrative
  2. Les usages de drogues des "MNA" et leurs conséquences sanitaires et sociales
    - Des consommations de drogues initiées avant l’arrivée en France
    - Usages de drogues, grande précarité et automédication
    - L’accès aux soins et à l’accompagnement social : en jeu central

Extraits :

« (...) L’inadaptation de la réponse pénale à la situation des mineurs migrants usagers de drogues

En marge du système de prise en charge (réservé aux jeunes reconnus « MNA ») de l’aide sociale à l’enfance, la plupart des « MNA » usagers de drogues sont en revanche suivis par des services de protection judiciaire de la jeunesse, à la suite de la commission d’actes de délinquance donnant lieu à un passage devant la justice. Les faits les plus fréquemment constatés sont des vols à l’étalage ou à l’arraché, des cambriolages et, dans une moindre mesure, du trafic de drogue.

La réponse pénale apportée à ces faits de délinquance a fait l’objet de critiques tant par des acteurs institutionnels que des acteurs de terrain, dans un contexte où ce phénomène semble s’amplifier. En effet, s’il convient de rester très prudent en l’absence de statistiques nationales fiables et compilées, les informations fournies par certains établissements pour mineurs au Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) font état d’une hausse importante de la proportion de « MNA » dans les effectifs totaux des mineurs incarcérés.

Le traitement judiciaire des « MNA » se distingue par sa sévérité par rapport à celui réservé aux autres mineurs : le déferrement devant un juge par le procureur est plus fréquent que la convocation à une date ultérieure, tout comme le placement en détention provisoire est plus fréquemment prononcé par le juge que la remise en liberté dans l’attente du jugement, et cela pour des faits qui, généralement, « ne conduiraient pas à l’incarcération d’un enfant vivant avec sa famille » (CGLPL et Hazan, 2019). Or, l’incarcération en établissement pénitentiaire pour mineur, comme le placement en centre éducatif fermé, constitue une réponse inadaptée aux besoins des mineurs migrants usagers de drogues et semble plutôt aggraver leur situation. Ainsi, l’interdiction d’accès à leurs e-mails ou comptes personnels sur les réseaux sociaux en détention vient renforcer leur isolement – alors que certains avait réussi à maintenir un lien familial par ce biais –, auquel s’ajoute fréquemment la stigmatisation par les autres mineurs incarcérés. Surtout, les intervenants du champ sociosanitaire (personnels soignants et éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse) font part de leurs grandes difficultés à instaurer un accompagnement avec ces mineurs et insistent sur leur manque de compétence pour prendre en charge des états de santé somatiques et psychiques bien plus dégradés à leur arrivée en détention que ceux des mineurs qu’ils suivent habituellement : symptômes de sevrage suite à l’arrêt soudain de la consommation de médicaments, conduites autoagressives (notamment des mutilations) et hétéro-agressives (les « MNA » sont fréquemment impliqués dans des violences en
détention), troubles psychiatriques et symptômes dépressifs (conduisant parfois à des tentatives de suicide), etc. (Fillod-Chabaud et Touraut, 2022).

Ces difficultés sont redoublées par des obstacles d’ordre administratif. Le premier renvoie à l’absence récurrente d’interprète, qui obère les possibilités de communication avec ces mineurs et renforce leur isolement. De plus, beaucoup sont incarcérés sans représentant légal, ce qui complique largement l’accès aux soins et la mise en œuvre d’une action éducative pendant la détention, ou la mise en place au préalable d’une mesure d’assistance éducative. Ainsi, l’absence de représentant légal et de papiers d’identité diffère les soins non urgents (CNCDH, 2018) et ne permet pas aux jeunes de bénéficier de l’intervention de certains professionnels, comme le rapporte par exemple l’Observatoire international des prisons (OIP) à propos de l’intervention de conseillers à l’emploi en mission locale (OIP, 2019). Enfin, ces mineurs subissent un traitement parfois estimé discriminatoire, dans la mesure où ils font davantage l’objet que les autres détenus mineurs de transferts vers un autre établissement pénitentiaire en cas de surpopulation, ce qui vient rompre le travail de suivi éducatif mené et contribue à accroître la fragilité du mineur migrant (CNCDH, 2018).

Dans certaines situations, l’incarcération produit néanmoins des effets bénéfiques, notamment lorsqu’elle permet d’écarter le mineur migrant du groupe de pairs et, surtout, des réseaux de trafic qui les exploitent, d’entamer un travail autour des addictions et d’améliorer la santé physique et psychique (grâce à l’intervention de certains professionnels, à la mise en place de groupes de parole, etc.). Mais, bien souvent, l’absence d’accompagnement et d’hébergement adaptés à la sortie rend caducs ces bénéfices et favorise le retour à des conditions de vie identiques à celles qui préexistaient à la détention, rendant probable la dégradation de l’état de santé et la récidive. »

Des prises en charge éducatives encore inadéquates

L’incarcération n’est pas systématiquement requise pour les mineurs migrants soupçonnés ou reconnus coupables de délits, notamment lorsqu’ils sont déférés pour la première fois devant la justice. En effet, le contrôle judiciaire accompagné de mesures éducatives est privilégié, notamment lorsque le mineur a moins de 16 ans. Mais ces décisions restent inadaptées aux difficultés spécifiques rencontrées par les mineurs migrants usagers de drogues. Privés d’accompagnement et de domicile fixe, livrés à eux-mêmes, ces derniers ne sont pas en mesure de se soumettre aux obligations relatives au contrôle judiciaire (oubli des rendez-vous avec le travailleur social ou de pointer au commissariat, difficultés à s’orienter dans l’espace urbain) (Hias, 2021). De même, les mesures éducatives consistant en un placement dans un hébergement échouent généralement, les mineurs migrants fuguant rapidement de la structure où le cadre appliqué est inapproprié à leurs problématiques multiples et spécifiques (respect de contraintes horaires, obligations de participer à certaines activités, interdiction des consommations de produits psychoactifs). Dans ces structures d’hébergement comme en détention, les problématiques relatives à la barrière de la langue, à l’absence de papiers (nécessaires à l’inscription dans une formation professionnelle, par exemple), constituent autant de difficultés pour les éducateurs de l’ASE. Ces derniers disent par ailleurs se sentir largement démunis face aux consommations de substances psychoactives de ces mineurs migrants – qui se distinguent de celles des autres mineurs hébergés dans les établissements de l’ASE, souvent limitées à l’alcool et au cannabis –, ainsi qu’aux manifestations spectaculaires qu’elles engendrent et qu’ils ne savent pas ou peu gérer (les syndromes de manque, les automutilations, les violences, etc.). [...]. »

Voir en ligne : http://www.ofdt.fr/BDD/publications...