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Cour d’appel de Rennes – Chambre spéciale des mineurs – Arrêt N°397 du 24 octobre 2022 – Annulation d’une décision d’incompétence du juge des enfants prononcée en dehors des cas prévus par la loi – La procédure d’assistance éducative est applicable à tous les mineurs en danger quelle que soit leur nationalité

Publié le : vendredi 28 octobre 2022

Résumé :

La Cour d’appel annule le jugement du juge des enfants par lequel il s’est déclaré incompétent au profit du juge des tutelles pour se prononcer sur le placement de l’intéressé, se disant mineur et isolé, auprès des services de la protection de l’enfance.

La Cour rappelle tout d’abord que l’accès à la justice est un droit fondamental. Elle revient sur les obligations de l’Etat afin de garantir la protection de l’enfant et notamment celle des mineurs isolés étrangers qui relèvent, comme tout enfant en danger en France, de la protection de l’enfance.

La Cour relève qu’en l’espèce, le juge des enfants s’est prononcé sans convoquer l’intéressé ni son conseil, en violation du principe du respect du contradictoire et des dispositions spécifiques de la procédure d’assistance éducative, portant ainsi atteinte aux droits de l’intéressé et au droit à un procès équitable.

Surtout, la Cour retient que le juge des enfants a relevé d’office son incompétence en dehors de cas prévus par la loi, la procédure d’assistance éducative étant applicable à tous les mineurs non émancipés sur le territoire français si leur santé, leur moralité, leur sécurité sont en danger ou si les conditions de leur éducation ou de leur développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises et ce, quelle que soit leur nationalité.

Jugeant sur le fond, la Cour conclut à la minorité et à l’isolement de l’intéressé et ordonne son placement à l’aide sociale à l’enfance du département du Finistère.


Extraits de l’arrêt :

« L’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’union Européenne et le comité des droits de l’enfant et le comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants prévoient que "l’accès à la justice est en soit un droit fondamental et une condition préalable à la protection et à la promotion de tous les autres droits de l’homme".

L’article 19 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, applicable en droit interne, dispose notamment que "Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation (…)". L’article 20.1 de la même Convention précise que "Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat."

La carence ou l’absence d’autorité parentale et le danger pour un enfant présent sur le territoire national sont de nature à provoquer la mise en place d’une mesure de protection de la part du juge des enfants. Le juge des enfants est compétent s’agissant des mineurs non accompagnés, dès lorsqu’une situation de danger peut être établie.

Les mineurs isolés étrangers ou mineurs non accompagnés enfants sans référent légal ou sans titulaire de l’autorité parentale sont des enfants vulnérables en raison de leur minorité et de leur isolement et des enfants en danger, et à ce titre ils relèvent comme tout enfant en danger sur le territoire français de la protection de l’enfance de la compétence départementale.

[…].

En l’espèce, le juge des enfants n’a pas convoqué M.A considérant, à tort, que ce dernier était sans domicile connu, ni n’a convoqué son conseil.

Il apparaît ainsi que ni le principe du respect du contradictoire, posé notamment par les articles 14 et 16 du code de procédure civile, selon lesquels, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, ni les dispositions spécifiques de la procédure d’assistance éducative n’ont été respectées.

L’inobservation de ces formalités substantielles soulevée porte atteinte aux droits de M.A , ainsi qu’au droit à un procès équitable, et cause un grief manifeste à ce dernier, qui n’a pu faire valoir ses droits et ses observations lors d’un débat contradictoire ; en conséquence, la décision déférée sera annulée.

Il résulte enfin de l’article 76 du Code de Procédure Civile que l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas et ne peut l’être qu’en ces cas.

Le juge des enfants a relevé d’office son incompétence en dehors des cas prévus par la loi alors que la procédure d’assistance éducative est applicable à tous les mineurs non émancipés qui se trouvent sur le territoire français quelque soit leur nationalité, si leur santé, leur moralité, leur sécurité sont en danger ou si les conditions de leur éducation ou de leur développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises.

[…]  ».


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CA Rennes - Arrêt N°397 - 24 octobre 2022