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Défenseur des droits - Rapport 2022 | La vie privée : un droit pour l’enfant

Publié le mercredi 23 novembre 2022 , mis à jour le mercredi 23 novembre 2022

Source : Défenseur des droits

Date : 2022

Rapport à retrouver en ligne ici ou ci-dessous au format PDF :

Défenseur des droits - rapport 2022 | La vie privée : un droit pour l’enfant


Extraits du rapport :

« Le sujet de la vie privée des enfants est rarement identifié en tant que tel par les personnes qui s’adressent au Défenseur des droits, mais il est souvent en arrière-plan des réclamations les concernant. Les atteintes à la vie privée des enfants apparaissent, en effet, souvent au travers de situations dans lesquelles d’autres droits sont mis à mal.
Par exemple, en matière de droit à la santé, les questions liées au secret médical ou à l’estimation de la capacité de discernement des enfants peuvent affecter le droit au respect de leur vie privée. De même, les atteintes au droit à une identité dans le cadre de l’évaluation de minorité d’un mineur non accompagné peuvent violer sa vie privée, par la remise en cause de ses documents d’états civils, de son parcours de vie ou à travers la pratique de tests osseux, particulièrement intrusifs. [...].

2.2. L’exploitation du corps des enfants

Les enfants victimes de traite

Sanctionnée pénalement, la traite des êtres humains est plus sévèrement punie lorsque les victimes sont mineures. Les enfants constituent, du fait de leur vulnérabilité, des proies faciles pour toutes sortes de trafics. Certains enfants sont encore plus particulièrement exposés à ces phénomènes d’exploitation. C’est le cas des mineurs non accompagnés, contraints à commettre des délits, tels que le vol à la tire ou le pickpocketting, sous l’emprise de réseaux ou d’adultes. Difficilement identifiés et pris en charge, ces enfants sont avant tout considérés comme auteurs de faits de délinquance, plutôt que victimes de traite des êtres humains.
Le manque de connaissances liées aux différentes formes d’exploitation, et plus spécifiquement à la contrainte à commettre des délits, mène à un défaut de repérage et à l’absence de reconnaissance de leur statut de victime, voire à des poursuites pénales pouvant conduire à l’incarcération des mineurs concernés alors même qu’ils sont en danger et doivent bénéficier de mesures de protection.
Le Défenseur des droits constate que la prise en charge de ces jeunes n’est souvent envisagée que sous l’angle répressif et que les dispositifs de protection de l’enfance ne sont pas adaptés à la situation de ces jeunes traumatisés, ancrés dans la délinquance, souffrant d’addictions multiples, victimes d’abus de toutes sortes, y compris sexuels, qui n’ont plus guère de tolérance au cadre et aux règles. Dans le cadre d’observations en justice concernant la situation d’un mineur non accompagné, le Défenseur des droits a souligné l’importance de proposer une réponse rapide et adaptée aux mineurs se trouvant dans ce type de situation de particulière vulnérabilité afin de leur permettre d’adhérer à leur prise en charge. Par ailleurs, de fait, les mineurs non accompagnés en conflit avec la loi subissent l’incarcération de façon plus systématique que les autres adolescents ayant commis des délits, dans la mesure où, faute de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance pour la plupart, ils n’ont aucune garantie de représentation. Le Défenseur des droits appelle, depuis plusieurs années, à la création de dispositifs de prise en charge innovants, en protection de l’enfance, permettant de tenir compte de la situation spécifique de ces adolescents et intégrant la dimension du soin pour ces enfants dont l’état de santé est très souvent préoccupant.

[...].

  • RECOMMANDATION 7

Développer les dispositifs adaptés aux mineurs en situation de rue non demandeurs d’une prise en charge classique, des maraudes aux centres sécurisés et sécurisants avec ou sans hébergement, et former de manière adaptée les travailleurs sociaux au repérage et à l’accompagnement des mineurs victimes de traite des êtres humains.

[...].

Le droit des enfants à la préservation de leur identité

4·1· Le droit des mineurs à la reconnaissance de leur identité

Les exigences liées à l’établissement de l’état civil des enfants

Le droit de l’enfant à une identité, composante de sa vie privée, a été consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant qui précise que, lorsqu’ « un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d’entre eux, les États doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible ». Le Défenseur des droits est pourtant régulièrement saisi de difficultés relatives à l’établissement ou à la reconnaissance de l’état civil d’enfants étrangers par les autorités françaises. Le Défenseur des droits rappelle qu’un intérêt d’ordre public s’attache à ce que toute personne vivant habituellement en France, même si elle est née à l’étranger et possède une nationalité étrangère, soit pourvue d’un état civil. Il a ainsi considéré que le manque de diligence du conseil départemental dans l’obligation qui lui incombe de mettre en œuvre toutes les démarches nécessaires pour reconstituer l’état civil d’un enfant, trouvé dans l’espace public et confié à l’aide sociale à l’enfance du département de Mayotte et laissé sans identité pendant plusieurs années, constitue une atteinte grave à son droit fondamental à l’identité et à son intérêt supérieur. De même, le Défenseur des droits a pu rappeler qu’il appartient à l’autorité judiciaire, lorsqu’elle est informée de la situation d’un enfant sans identité, d’initier les procédures adéquates avec la plus grande célérité.

Le Défenseur des droits ne peut que constater avec préoccupation l’ampleur des atteintes au droit à l’identité des mineurs non accompagnés, aussi bien durant la période d’évaluation de leur minorité qu’au cours de leur placement à l’aide sociale à l’enfance, alors même que ce droit, consacré à l’article 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant, a été reconnu d’applicabilité directe en droit interne. Ces difficultés ont fait l’objet d’un rapport dédié, publié en février.
Lors de la période d’évaluation de leur minorité et de leur isolement, ils sont bien souvent confrontés à des processus d’évaluation peu respectueux de leurs droits, à la remise en question de leur état civil, de leur identité, de leurs parcours et leurs histoires, et à des réévaluations multiples de leur situation qui constituent autant d’atteintes à leur droit à la vie privée. Le Défenseur des droits a ainsi régulièrement connaissance de pratiques d’évaluation qui traduisent un manque d’objectivité, ou du caractère expéditif de l’évaluation, les jeunes gens y étant accusés de « mentir » ou de « dissimuler » des éléments de leur histoire. Par ailleurs, dans les faits, et en contradiction avec les garanties prévues par les textes, la présomption l’authenticité des documents d’état civil présentés, pourtant consacrée par les dispositions du code civil, est fréquemment remise en cause sans vérification auprès des autorités consulaires étrangères.

La procédure de détermination de l’âge des mineurs non accompagnés et les pratiques mettant en cause leur identité.

Les parcours des mineurs non accompagnés sont marqués par la suspicion et la remise en cause des éléments constitutifs de leur identité.
Pour bénéficier d’une protection, ces enfants doivent subir des pratiques parfois humiliantes à travers la recherche constante d’une vérité extérieure à leur parole. Le Défenseur des droits s’est, de façon constante, opposé à l’utilisation d’examens médicaux que peuvent subir les mineurs non accompagnés en vue de la détermination de leur âge. Si la loi impose le recueil du consentement du mineur, celui-ci est bien souvent faussé par les pressions subies par les jeunes qui craignent les conséquences d’un refus de leur part. De nombreuses études et rapports ont démontré que le recours aux examens radiologiques osseux est une méthode peu fiable sur le plan scientifique qui porte atteinte à la vie privée, à la dignité et l’intégrité physique de l’enfant.

La Défenseure des droits regrette à nouveau que de tels examens soient encore autorisés par la loi et constate, en outre, que des tests osseux sont réalisés en dehors des conditions posées par la loi.

Le Défenseur des droits a récemment été saisi de la situation d’un mineur non accompagné confié à l’aide sociale à l’enfance depuis deux ans et en possession de plusieurs documents d’identité dont la validité n’a jamais été remise en question par le département, pas plus que la minorité de l’intéressé. A la suite d’un problème de comportement, l’aide sociale à l’enfance a demandé à ce que le mineur soit reçu par le juge des enfants en vue d’un recadrage éducatif. Lors de l’audience, le juge aurait alors remis en question la minorité de l’intéressé et ordonné en conséquence une expertise médicale d’âge osseux. Le Défenseur des droits a présenté des observations devant la Cour d’appel, soutenant la demande du mineur à être autorisé à interjeter appel de l’ordonnance d’expertise et soulignant que, dès lors que le mineur présentait un passeport dont l’authenticité n’a pas été remise en question, le recours aux expertises médicales d’âge osseux ne pouvait être ordonné.

Le Défenseur des droits relève également que le droit français ne prévoit pas l’assistance obligatoire d’un représentant légal, ni d’un avocat ou d’un administrateur ad hoc pendant l’évaluation de la minorité et de l’isolement du jeune, alors même que cette présence est le seul moyen de veiller à la complétude et l’exactitude des éléments recueillis, compte tenu de la grande vulnérabilité de ces enfants. Il a préconisé une modification des textes, pour prévoir la désignation d’un administrateur ad hoc auprès de chaque personne se déclarant mineur non accompagné, avant toute évaluation de sa minorité et de son isolement, pour l’accompagner et l’assister dans toutes les procédures administratives et judiciaires, jusqu’à décision définitive le concernant.

Le Défenseur des droits a déjà recommandé d’inscrire dans la loi la présomption de minorité, jusqu’à décision judiciaire définitive, telle qu’elle est affirmée par le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies, en tant que principe garantissant le respect du droit à l’identité des mineurs dans toutes les procédures les concernant et de proscrire l’utilisation des examens radiologiques osseux afin de déterminer l’âge des jeunes gens se disant mineurs non accompagnés.

  • RECOMMANDATION 14

Rappeler aux départements et aux préfectures leur obligation de reconstituer l’état civil des mineurs non accompagnés dès leur accueil provisoire et dans le cadre de leur évaluation.

[...]

La présence d’enfants dans des lieux attentatoires à leur vie privée

La présence d’enfants en centre de rétention ou en zone d’attente est également extrêmement préjudiciable à leur intérêt supérieur et au respect de leur vie privée. Très régulièrement saisi en urgence de ces placements en rétention, le Défenseur des droits rappelle que ces lieux ne sont pas adaptés à la présence d’enfants, y compris quand ils disposent de zones « familles  ».

La Défenseure des droits encourage les pouvoirs publics à privilégier des mesures alternatives à la rétention, comme la présentation régulière des parents aux forces de l’ordre ou, en dernier recours, l’assignation à résidence. Dans le cas des zones d’attente, les espaces réservés aux familles et aux mineurs isolés sont rarement adaptés et ont souvent de faible capacité d’accueil. Dans les cas où le nombre de familles est trop important, les mineurs se retrouvent donc avec les adultes. C’est le cas par exemple de la zone d’attente de Roissy qui, certes, dispose d’un espace dédié à l’accueil des mineurs non accompagnés mais d’une capacité de seulement trois places, régulièrement saturées. Les mineurs non accompagnés sont de fait fréquemment hébergés en zone « adultes », ainsi que les enfants avec leur famille.

  • RECOMMANDATION 23

Proscrire, en toutes circonstances, le placement de familles avec enfants en centre de rétention administrative et interdire la présence de mineurs non accompagnés en zone d’attente.

[...]. »


Voir en ligne :
www.defenseurdesdroits.fr