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Proposition de loi visant à protéger les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés

Publié le : lundi 19 décembre 2022

Voir en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr

Source : Assemblée Nationale

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2022.

Texte :

«  EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Les mineurs non accompagnés sont des enfants.

Ils sont des enfants porteurs d’histoires lourdes, jalonnées de drames humains. Ils ont dans bien des cas été victimes de traite et témoins de violences. Ils ont traversé de nombreux pays, parfois la mer, les montagnes, pour rejoindre la France.

Les mineurs non accompagnés sont des enfants.

Ils doivent être traités et protégés comme tels. N’en déplaise aux réactionnaires qui attaquent cyniquement ces enfants, les insultant tantôt de délinquants, tantôt de menteurs.

Au‑delà de notre humanité la plus basique nous invitant à secourir naturellement un enfant en danger, protéger les mineurs non accompagnés relève de notre droit national et international. L’article 20 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), ratifiée par la France en 1990, dispose que « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciale de l’État ». En France, la loi prévoit que « la protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge ». Ces enfants doivent être considérés comme des mineurs en danger au titre de l’article 375 du Code Civil.

Pourtant en France, de trop nombreuses pratiques méprisent les droits de l’enfant. Entre 2019 et 2020, le Défenseur des droits a enregistré des saisines dans 60 départements. Toutes ces saisines étaient fondées sur une atteinte au droit de mineurs non accompagnés dans leur accès à la protection, à l’éducation et aux soins.

La procédure d’évaluation de la minorité conduite par les Conseils départementaux peut en fonction des départements être à l’origine de manquements aux droits fondamentaux des mineurs non accompagnés. Par manque de moyens, parfois par motivations politiques, les évaluations sociales sont bien trop souvent faites à la hâte, au mépris de l’article 221‑2‑4 du Code de l’action sociale et des familles qui préconise pourtant la tenue d’entretiens engagés dans une « approche pluridisciplinaire et se déroulant dans une langue comprise par l’intéressé ». Il conviendrait plutôt de laisser à la fois au mineur et aux services, le temps et les moyens de reconstituer leur identité. Ce « temps de répit » encadré par la loi, serait conforme aux dispositions de l’article 8 de la CIDE, protégeant le droit à l’identité des enfants.

Par ailleurs, la méthode de l’expertise osseuse aux fins de détermination de l’âge des mineurs non accompagnés est une pratique très contestée par la communauté scientifique. Il n’existe en effet aucun procédé médical permettant d’affirmer avec certitude l’âge d’un individu. Les tests de maturation osseuse, dentaire ou pubertaire ne peuvent qu’établir l’évolution du développement et non un âge physiologique. Il en va de même pour la nouvelle pratique dite « irradiante » analysant la clavicule qui est actuellement réalisée en lieu et place des tests osseux. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme et le Défenseur des droits se sont opposés à l’utilisation de ces examens médicaux jugés à la fois inadaptés et inefficaces. Ils sont contraires aux droits de l’enfant. De nombreux pays ont abandonné les tests osseux au profit d’une évaluation de l’âge strictement psychosociale. La France s’honorerait à faire de même.

D’autre part, souvent parfaitement intégrés socialement et professionnellement, les mineurs non accompagnés devenus majeurs demeurent dans l’incertitude permanente d’une régularisation administrative définitive. En effet, les associations d’accompagnement des jeunes majeurs étrangers constatent l’existence d’une remise en cause massive de l’identité et de l’état civil des jeunes majeurs étrangers et ceci au mépris de décisions judiciaires de placement reconnaissant leur état civil. En somme, le « procès en minorité » se rejoue à chaque étape de leur régularisation administrative. Cela les place dans une situation d’incertitude permanente concernant leur avenir et ils demeurent sous la menace constante d’obligations de quitter le territoire français (OQTF).

Les huit articles de cette proposition de loi visent à protéger le parcours et les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés sur notre territoire. Le respect de ces droits fondamentaux n’est pas que le garant de notre humanisme, il est aussi celui de notre humanité. Il est par ailleurs une condition essentielle pour bien vivre ensemble.

L’article 1er réécrit l’article 388 du Code civil. Cette réécriture vise à supprimer le recours aux examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge. Il vise également à poser le principe de présomption de minorité. La présomption de minorité permet qu’une personne se présentant comme mineure soit considérée comme telle. Pour l’heure, la présomption de minorité est uniquement énoncée dans des textes infra‑législatifs. Cet article vise à donner force de loi au principe de présomption de minorité.

L’article 2 vise à préciser la durée du « temps de répit » donné au mineur mis à l’abri avant le début des investigations nécessaires à l’établissement de l’évaluation de la minorité. Il vise également à ce que le début de la phase d’évaluation de la minorité soit déterminé sur avis d’une équipe médicale pluridisciplinaire composée d’un médecin généraliste, d’un infirmier, d’un psychologue et de médiateurs.

L’article 3 vise à proposer un accompagnement de l’aide sociale à l’enfance au mineur étranger devenu majeur, jusqu’au terme du cursus universitaire ou scolaire qu’il a engagé. Cela réduirait les sorties « sèches » des dispositifs d’aide sociale à l’enfance. Le droit actuel permet l’accompagnement du jeune majeur jusqu’au terme de son année scolaire engagée. Cet article étend ce dispositif jusqu’à la fin de son cursus scolaire ou universitaire.

L’article 4 vise à généraliser l’obtention de cartes de séjour « vie privée et familiale » pour tous les mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Actuellement, les mineurs non accompagnés pris en charge avant 15 ans obtiennent une admission au séjour de plein droit. Les mineurs pris en charge après 15 ans peuvent prétendre uniquement à une admission exceptionnelle au séjour. Cette inégalité de traitement entre les mineurs pris en charge avant ou après 15 ans est contraire à la Convention internationale des droits des enfants (décision CJUE, arrêt du 14 janvier 2021, Affaire C‑441/19).

L’article supprime également la mention de « liens avec la famille restée dans le pays d’origine ». Cette condition aberrante est trop peu précise et est interprétée différemment selon les préfectures. Elle est contraire à l’article 16 de la Convention internationale des droits de l’enfant et représente une rupture d’égalité vis‑à‑vis des autres mineurs de nationalité française auxquels on ne demande pas de rompre les liens familiaux.

L’article 5 vise à prolonger la durée de validité du titre de travail octroyé au mineur non accompagné jusqu’à la fin de son cursus universitaire ou scolaire. Cette disposition sécurisera l’accès au séjour et évitera les ruptures de formation.

L’article 6 vise à rendre la prise en charge obligatoire pour les jeunes majeurs de moins de 21 ans. Aujourd’hui, les contrats jeunes majeurs restent l’exception et sont souvent signés pour une durée inférieure à 6 mois. Cette mesure, qui s’appliquera à l’ensemble des jeunes de l’aide sociale à l’enfance, vise à sécuriser le parcours des jeunes majeurs en leur permettant de construire un projet dans la durée avec l’aide des services sociaux.

L’article 7 impose aux personnels de la protection de l’enfance une formation dédiée à l’accompagnement des mineurs non accompagnés dans leur démarche de régularisation administrative. Les mineurs non accompagnés sont pris en charge par la protection de l’enfance et encadrés par des éducateurs. Ces derniers sont les premiers contacts et référents des mineurs jusqu’à leur majorité. Ce sont vers eux que les mineurs non accompagnés se tournent lorsqu’ils entament les démarches juridiques et administratives liées à leur régularisation. Il est donc indispensable qu’ils possèdent de solides connaissances en la matière pour les accompagner au mieux.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 388 du code civil est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’individu se déclarant mineur bénéficie d’une présomption de minorité. » ;

2° Les deuxième et avant‑dernier alinéas sont supprimés ;

3° Le dernier alinéa est complété par les mots : « ou à partir d’un examen radiologique de maturité osseuse ou dentaire ».

Article 2

La présence d’un conseil est obligatoire dès la première audition du mineur, des parents, du tuteur ou de la personne ou du représentant du service à qui l’enfant a été confié.

Article 3

À l’article L. 221‑2‑4 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « répit », sont insérés les mots : « entre cinq et huit jours, après avis d’une équipe médicale pluridisciplinaire composée d’un médecin généraliste, d’un infirmier, d’un psychologue et de médiateurs ».

Article 4

Le dernier alinéa de l’article L. 222‑5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Les mots : « au 5° et » sont supprimés ;

2° À la fin, les mots : « l’année scolaire ou universitaire engagée » est remplacée par les mots : « le cursus scolaire ou universitaire engagé »

Article 5

L’article L. 423‑22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « au plus tard le jour de ses seize ans » sont supprimés ;

2° Au second alinéa, les mots : « , de la nature des liens de l’étranger avec sa famille restée dans son pays d’origine » sont supprimés.

Article 6

Le deuxième alinéa de l’article L. 5221‑5 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette autorisation est valide jusqu’à la fin du cursus scolaire engagé. »

Article 7

L’article L. 222‑5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Les mineurs émancipés ou les jeunes majeurs ayant bénéficié d’une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance ou par les services de la protection judiciaire de la jeunesse avant leur majorité, en situation de rupture familiale ou qui ne bénéficient pas d’un soutien matériel et moral de la famille ou qui ne disposent ni de ressources financières, ni d’un logement ou d’un hébergement sécurisant.

« Une prise en charge leur est obligatoirement proposée par les services de l’aide sociale à l’enfance pendant au moins vingt‑quatre mois après leur majorité. Cette prise en charge vise notamment à aider le jeune majeur à préserver du lien social et à accéder aux droits, notamment au logement, au travail, à la santé, à des ressources financières ainsi qu’à des régularisations de la situation administrative. » ;

2° L’avant‑dernier alinéa est supprimé.

Article 8

Les éducateurs et éducatrices en protection de l’enfance reçoivent une formation obligatoire sur les droits des enfants isolés en migration ainsi que les procédures de régularisation et de demande d’asile des mineurs non accompagnés.

Article 9

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre

III du code des impositions sur les biens et services. »