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Cour d’appel de Bordeaux – Chambre des mineurs – Arrêt du 2 novembre 2022 – Nullité d’une ordonnance d’expertise médicale d’âge osseux – Non-respect des conditions posées par l’article 388 du code civil – Absence de remise en cause de l’authenticité des documents d’identité – Absence de consentement éclairé

Publié le : mercredi 11 janvier 2023

Résumé :

L’intéressé, pris en charge par l’ASE de la Gironde, avait demandé à la première présidente de la Cour d’appel de Bordeaux l’autorisation de relever appel de l’ordonnance d’expertise médicale d’âge osseux prise par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Bordeaux (art. 272 du Code de procédure civile)

Après que cette autorisation ait été accordée, la Cour d’appel prononce ici la nullité de l’ordonnance, retenant que les conditions (art. 388 du code civil) permettant de recourir à une telle expertise n’étaient pas réunies :

• L’authenticité des documents d’identité de l’intéressé, pris en charge par l’ASE, n’était pas remis en cause.

• L’intéressé avait été convoqué devant le juge des enfants concernant son comportement et non l’appréciation de sa minorité. L’accord donné lors de cette audience ne peut ainsi être considéré comme un accord éclairé.

Voir les observations du Défenseur des Droits présentées devant la Cour d’appel  : Décision n°2022-171 du 5 septembre 2022 de la Défenseure des droits relative à des observations en justice présentées devant une cour d’appel suite à l’autorisation accordée à un mineur non accompagné, par la première présidente, d’interjeter appel d’une ordonnance d’expertise médicale d’âge osseux.

RAPPEL – Conditions encadrant le recours aux examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge

Article 388 du code civil : « Le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis.

Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé.

Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé.

En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires. »

Le Conseil constitutionnel a également précisé dans sa Décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 que : « (…) la majorité d’une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux. »

RAPPEL – Appel contre une ordonnance d’expertise médicale d’âge osseux :

Article 272 du Code de procédure civile : «  La décision ordonnant l’expertise peut être frappée d’appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime. (...) . »

Extraits de l’arrêt :

« L’article 388 du code civil dispose que le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis.

Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé.

Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé.
En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires.

En l’espèce, X est arrivé sur le territoire français à l’été 2020 et a été pris en charge en tant que mineur non accompagné depuis cette date. Le placement auprès du département de la Gironde ordonné le 24 août 2020 a été renouvelé depuis.

Il n’apparaît pas au dossier que l’authenticité des papiers d’identité de M. X ait été suspectée. Aucune analyse de la direction de la police aux frontières ne figure au dossier. Aussi, la première condition de l’article 388 du code civil n’est pas remplie.

De plus, il ressort du dossier que M. X a été convoqué devant le juge des enfants de Bordeaux le 6 mai 2022 à la suite du rapport de l’aide sociale à l’enfance faisant état de la forte dégradation du comportement de l’adolescent et non pour une suspicion de non minorité. S’il a donné son accord lors de cette audience, il ne peut être valablement retenu qu’il a fourni un accord éclairé. La seconde condition du texte permettant le recours à des expertises médicales techniques n’est pas remplie non plus.

En conséquence, il convient de prononcer la nullité de l’ordonnance du 6 mai 2022.

[…]. »


Voir l’arrêt au format PDF :

CA Bordeaux - 2 Novembre 2022


Voir la décision d’autorisation de relever appel de l’ordonnance :

Autorisation - CA Bordeaux - 13 juillet 2022