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Tribunal administratif de Bordeaux – Ordonnance N°2205110 du 27 septembre 2022 – Le département de la Gironde est enjoint de reprendre l’accueil provisoire d’urgence d’un mineur non accompagné – Appréciation manifestement erronée sur l’absence de minorité – Présentation d’une taskira en format papier sans mention du nom de famille et sans photographie récente – La validité du document n’est pas utilement remise en cause

Publié le : mardi 7 février 2023

Résumé :

Le juge des référés du TA de Bordeaux enjoint au département de la Gironde de reprendre l’accueil provisoire d’urgence de l’intéressé (qui a fait l’objet d’un refus de prise en charge à l’ASE suite à une évaluation socio-éducative concluant à un avis négatif quant à sa minorité) et de pourvoir à ses besoins élémentaires dans un délai de vingt-quatre heures.

Il retient que le département a porté une appréciation manifestement erronée sur l’absence de minorité de l’intéressé et a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
En effet, ce dernier a présenté l’original d’une taskira en format papier pour laquelle, contrairement à ce que fait valoir le département, la mention du nom de famille n’est pas obligatoire, et qui n’a pas à être électronique (le développement de la e-taskira n’ayant débuté qu’en mai 2018 avant de se heurter à d’importants problèmes logistiques). Si le département soulève également que la photographie présente sur ce document est bien antérieure à sa délivrance, il est opposé qu’il n’est pas d’usage de mettre une photographie récente sur les takiras. Ainsi, la validité de l’acte d’état civil produit n’est pas utilement contestée et la taskira présentée atteste de sa minorité.

Enfin, compte tenu de la vulnérabilité liée à son âge et de sa situation de dénuement (sans hébergement ni ressource, l’audience devant le juge des enfants intervenant dans plusieurs semaines), l’intéressé est considéré comme étant confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité.


Extraits de l’ordonnance :

« […].

8. Il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2, lorsqu’il lui apparaît que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire.

[…].

10. [...] le service d’accueil et d’évaluation des mineurs non accompagnés du département de la Gironde, après avoir mené les investigations prévues par l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles précité a émis un avis défavorable quant à la minorité de l’intéressé, relevant notamment la grande maturité de l’intéressé, ses attitudes et son apparence physique qui seraient celles d’une personne majeure. M. B produit l’original de sa taskira, datée du 31 mai 2021, qui mentionne qu’il était âgé de 16 ans en 2021. Le département fait valoir que ce document ne mentionne pas son nom de famille et que, eu égard à l’absence de fiabilité des documents d’état civil afghans, le gouvernement afghan a mis en place dès 2018 une taskira électronique, faisant seule fois. Toutefois, il ressort du document " Focus Afghanistan " du secrétariat aux migrations de la confédération suisse du 19 mars 2019, produit à l’instance, d’une part, que le nom de famille, au sens où il est compris en Occident, n’a pas d’équivalent en Afghanistan et n’est pas obligatoire sur les taskiras en papier, et, d’autre part, que le développement de la e-taskira n’a débuter qu’en mai 2018 avant de se heurter à d’importantes difficultés logistiques. Si le département fait également valoir que la photographie de l’intéressé ne date pas de 2021, mais est bien antérieure, l’avocate de M. B explique sans être contredite qu’il n’est pas d’usage de mettre une photographie récente sur les taskiras. Ainsi, le département, qui ne conteste pas utilement la validité de l’acte d’état civil produit par M. B, lequel acte atteste de sa minorité, a porté sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé une appréciation manifestement erronée et porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

11. Par ailleurs, M. B est sans hébergement ni ressources, et que la date d’audience devant le juge des enfants, en application de l’article 375 du code civil, est fixée au 20 octobre 2022 [...]. Compte tenu de son dénuement et de la vulnérabilité liée à son jeune âge, M. B doit être regardé comme confronté à un risque immédiat de mise en en danger de sa santé ou de sa sécurité.

[…]. »