Tribunal administratif de Bordeaux – Ordonnance N°2300201 du 17 janvier 2023 – Référé-liberté – Le département de la Gironde est enjoint de reprendre l’accueil provisoire d’un mineur isolé – Classement sans suite du dossier par le procureur de la République malgré une évaluation sociale concluant à la minorité – Risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité – Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale

Résumé :

Le département de la Gironde est enjoint, dans l’attente de la décision du juge des enfants, de reprendre l’accueil provisoire de l’intéressé, qui a fait l’objet d’une décision de classement sans suite par le Procureur de la République malgré une évaluation du département concluant à sa minorité.

En effet, le juge des référés souligne que le département de la Gironde ne conteste pas la minorité de l’intéressé et n’a pris sa décision de refus d’admission à l’ASE qu’au regard de la décision de classement sans suite du Procureur. Compte tenu de son dénuement (sans hébergement ni ressource et l’audience devant le juge des enfants ne devant intervenir avant plusieurs mois) et de la vulnérabilité liée à son âge, l’intéressé est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité. Le juge des référés retient que cette situation révèle une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.


Extraits de l’ordonnance :

« 1. M. A […], a été accueilli à titre provisoire B le service de l’aide sociale à l’enfance du département de la Gironde. M. A a été soumis à une évaluation socio-éducative concluant à sa minorité. Le département a saisi le procureur de la République afin que soit ordonné son placement provisoire au titre de l’aide sociale à l’enfance et que soit saisi le juge des enfants. A la suite de la décision du parquet du 28 décembre 2022 de classer sans suite cette demande, le département de la Gironde a, B une décision du 30 décembre 2022, refusé de prendre en charge M. A au titre de l’aide sociale à l’enfance. Le 13 janvier 2023, M. A a demandé au juge des enfants d’ordonner, sur le fondement des articles 375 et suivants du code civil, une mesure de placement provisoire. M.A demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 512-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au département de la Gironde de procéder à son hébergement provisoire dans une structure pour mineurs jusqu’à ce qu’à ce que l’autorité judiciaire ait statué sur son recours fondé sur les articles 375 et suivants du code civil.

[…].

9. En l’espèce néanmoins, d’une part, il résulte de l’instruction que le département de la Gironde, après avoir mené les investigations prévues B l’article R. 221-11 précité du code de l’action sociale et des familles B l’intermédiaire de la maison départemental des mineurs non accompagnés du centre départemental de l’enfance et de la famille a conclu à la minorité de M. A. Il a en conséquence émis un avis favorable à sa prise en charge. Le président du conseil départemental a effectué un signalement au procureur de la République, lequel a toutefois pris une décision de classement sans suite. Le département de la Gironde ne conteste pas la qualité de mineur de M. A, et n’a pris le 30 décembre 2022 une décision de refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance qu’au regard de cette décision de classement sans suite du parquet de Bordeaux et de l’absence de placement provisoire. M. A a saisi sur le fondement de l’article 375 du code civil le 13 décembre 2022 le juge des enfants, lequel ne s’est pas encore prononcé sur sa demande et n’a pas davantage, à ce jour, ordonné l’une des mesures prévues à l’article 375-3 du code civil.

10. D’une part, il résulte de l’instruction que M. A, est dans l’immédiat sans hébergement ni ressources. En raison de sa minorité, il ne peut accéder au dispositif d’hébergement d’urgence. En outre, selon les déclarations des parties à l’audience, le délai minimal d’examen des requêtes B le juge des enfants est de trois mois à compter de sa saisine. Compte tenu de son dénuement et de la vulnérabilité liée à son jeune âge, M. A doit être regardé comme confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité.

11. Cette situation révèle, à la date de la présente ordonnance, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. B suite, il y a lieu d’enjoindre au président du conseil départemental de la Gironde de reprendre l’accueil provisoire d’urgence de M. A dans l’attente de la décision du juge des enfants du tribunal judiciaire de Bordeaux, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance.

[…]. »


Voir l’ordonnance au format PDF :

TA Bordeaux - Ordonnance N°2300201 du 17 janvier 2023

Voir également concernant une situation similaire : TA de Bordeaux, Ordonnance N°2205326 du 7 octobre 2022.

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