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Cour d’appel de Rennes – Chambre spéciale des mineurs – Arrêt N°102 du 6 mars 2023 – MIE de nationalité bangladaise confié à l’ASE – Présomption de validité des actes d’état civil étrangers - Enregistrement tardif de la naissance sans incidence – La sur-légalisation n’est pas requise – La remise en cause des conditions d’obtention d’un acte de l’état-civil ne peut suffire à renverser la présomption de validité de l’acte – Evaluation portant des appréciations subjectives recueillies rapidement auprès d’un jeune ayant vécu un parcours migratoire traumatisant

Publié le : mercredi 8 mars 2023

Résumé :

La Cour d’appel infirme le jugement du Juge des enfants et confie l’intéressé, mineur et isolé sur le territoire français, à l’ASE jusqu’à sa majorité. La Cour retient en effet que le principe de présomption de validité des actes d’état civil étrangers (art. 47 du code civil), qui s’applique ici aux actes bangladais présentés, n’est pas renversé.

Tout d’abord, si l’acte de naissance a été enregistré 15 ans après la naissance du jeune, la Cour souligne que la loi bangladaise prévoit la possibilité d’enregistrer une naissance passé le délai légal et que l’enregistrement tardif est très courant à l’époque de sa naissance. En outre, le contrôle de l’acte sur le site gouvernemental bangladais (via le numéro BRIS) révèle sa présence sur les registres et confirme les informations y figurant.

De plus, si le premier juge avait reproché l’absence de sur-légalisation du document, la Cour d’appel souligne qu’au moment où elle statue, cette sur-légalisation n’est pas requise (voir CE, décision n° 48296, 448305, 454144, 455519 du 7 avril 2022 et CE, avis n°457494 du 21 juin 2022).

Par ailleurs, la Cour rappelle que les doutes quant aux conditions d’obtention d’un acte de l’état civil ne suffisent pas renverser la présomption de validité au sens de l’art. 47 du code civil (voir Cour de cassation, Arrêt du 6 juillet 2022).

Enfin, la Cour retient que l’évaluation éducative, qui relève des imprécisions dans le discours du jeune, ne peut renverser la présomption d’authenticité des actes étrangers au regard de ses appréciations subjectives et recueillies rapidement alors que l’intéressé a vécu un parcours migratoire traumatisant occasionnant des pertes de mémoire inévitables et des imprécisions ou incohérences de récit dans les entretiens.


Extraits de l’arrêt :

« Sur le grief tiré de la déclaration tardive de naissance

Par ailleurs, la loi bangladaise prévoit la possibilité d’effectuer l’enregistrement d’une naissance passé le délai légal moyennant le paiement d’une taxe. La tardiveté de la déclaration (relevée par la police aux frontières) est donc sans incidence.

Au Bangladesh, cet enregistrement tardif est courant en 2006 à l’époque de la naissance du jeune, moins de 12% des enfants de moins de cinq ans étaient enregistrés. C’est parfois au moment où il est nécessaire de justifier de son identité que la naissance est enregistrée.

Le contrôle de l’acte via le site gouvernemental Birth Registration Number grâce au numéro BRIS révèle la présence de cet acte sur les registres et confirme la cohérence et concordance des informations avec celles figurant sur le certificat de naissance.

Sur l’indifférence de la légalisation

Le premier juge a relevé l’absence de sur-légalisation privant le document de force probante.

Concernant le Bangladesh, les documents à destination d’une administration française devaient être légalisés par le Ministère bangladais des Affaires étrangères puis présentés à l’Ambassade de France à Dacca qui attestait de l’authenticité de la signature de l’officier du Ministère des Affaires Etrangères du Bangladesh ayant effectué la légalisation (surlégalisation). La décision du juge rendu en août 2022 était conforme à cet état de droit.

Mais selon avis du 21 juin 2022, le Conseil d’Etat a annulé le Décret du 10 novembre 2020 déclaré non conforme à la Constitution, les effets de l’annulation étant différés au 31 décembre 2022. Il a considéré que l’absence ou l’irrégularité de la légalisation d’un acte d’état civil soumis à l’obligation de légalisation ne fait pas obstacle à ce que les éléments qu’il contient puissent être prise en compte si cet acte présente des garanties d’authenticité.

Désormais, au moment où la cour statue, la sur-légalisation n’est pas requise.

En toute hypothèse, l’appelant justifie avoir fait procéder à la sur légalisation à PARIS [...] auprès des autorités bangladaises [...].

Le Conseil départemental conteste la compétence du signataire estimant que M. SHARHAD SHAKIL ne serait pas compétent mais alors qu’il a la charge de le prouver il n’apporte aucun élément à cette fin et qu’il convient de rappeler qu’un consul peut déléguer à un de ses fonctionnaires le soin de légaliser les documents d’état civil.

Sur le grief tiré du cachet illisible sur l’acte de naissance

Il est invoqué que l’acte litigieux comporte une vignette rouge recouverte d’un cachet sec illisible.

La cour constate que sur le second acte produit en appel [...], que le premier juge n’a pas retenu, on peut lire à l’œil nu le nom de M. Sheikh Nurul ISLAM notary public à DHAKA sur le tampon sec.

Le moyen sera donc rejeté.

La cour relève enfin que l’acte de naissance a été enregistré sur le site officiel et dans les registres de l’état civil bangladais.

Dans son rapport la police aux frontières constate que l’acte de naissance a bien été enregistré sur la base informatique officielle de l’administration bangladaise.

L’acte de naissance dont se prévaut M. A qui est exempt de fraude doit bénéficier de la présomption de validité.

La cour entend rappeler que les conditions d’obtention douteuse d’un acte de l’état civil (déduites des seuls déclarations incohérentes de l’intéressé) ne suffisent pas à écarter celui-ci comme non probant au sens de l’article 47 du code civil. (CIV 6 juillet 2022 pourvoi 22-12.506).

Aucun élément ne suffit en l’espèce à renverser cette présomption.

Les documents d’état civil de ses parents (certificats de naissance de ses parents et cartes d’identité de ses parents valables quinze ans au Bangladesh) sont cohérents avec le sien et se retrouvent sur le BRIS étant enregistrés régulièrement auprès des autorités bangladaises et présents sur les registres de l’état civil.

L’évaluation éducative (réalisée par deux personnes sans indication de leur identité ou qualifications professionnelles et non pas par une quipe pluridisciplinaire, en présence d’un interprète en langue bengali par téléphone) défavorable quant au discours imprécis n’est pas de nature à renverser la présomption d’authenticité des actes étrangers, tant les appréciations sont subjectives et recueillies rapidement alors que le jeune arrivant a vécu un parcours migratoire traumatisant occasionnant des pertes de mémoire inévitables et des imprécisions ou incohérences de récit dans les entretiens.

[...]. »


Voir l’arrêt au format PDF :

CA Rennes - Arrêt N°102 du 6 mars 2023