Bien que l’examen anticipé soit une pratique relativement récente et que son efficacité ne puisse être pleinement évaluée à ce stade, le principal argument en faveur de cette pratique, notamment celui avancé par le gouvernement, est de prévenir les interruptions de parcours à l’âge de la majorité.
En effet, l’examen anticipé du droit au séjour permet aux jeunes étranger.ère.s pri.e.s en charge par l’ASE d’éviter une rupture de droits à leur majorité s’iels sont engagé.e.s dans un parcours professionnel et de poursuivre leur parcours professionnel sans interruption. En effet, les mineur.e.s étranger.ère.s isolé.e.s peuvent poursuivre un parcours professionnel même sans détenir un titre de séjour, à condition d’avoir une autorisation de travail. Cependant, à leur majorité, iels doivent détenir un titre de séjour, comme le dispose l’article L411-1 du CESEDA.
Néanmoins, l’examen anticipé du droit au séjour n’est pas sans risques, notamment en ce qu’il peut remettre en cause la validité des documents d’état-civil. Il peut également entraîner une moindre implication du Conseil Départemental dans la situation d’un.e jeune qui ne bénéficierait pas d’un titre de séjour à ses 18 ans. De plus, l’examen anticipé du droit au séjour peut avoir une incidence sur le projet professionnel du.de la jeune, en remettant en question les formations qui ne seraient pas suffisamment professionnalisantes. Le motif de refus lié à une "formation qui ne serait pas assez professionnalisante" peut amener un.e élève d’une filière généraliste à se voir contraint de rejoindre une filière professionnalisante. Enfin, la perspective de devoir quitter le territoire en cas de refus peut grandement impacter l’investissement du.de la jeune dans sa formation, ainsi que sa motivation à poursuivre ses études.
Il est donc essentiel de prendre en compte ces désavantages avant de formuler une demande d’examen anticipé de titre de séjour, sachant que cette démarche reste facultative, en particulier le risque que le.la jeune soit soumis à un refus de séjour assorti d’une OQTF à sa majorité.
CONDITIONS DE LA DEMANDE ANTICIPÉE :
Les mineur·es étranger·es (isolé·es ou non) présent·es sur le territoire français n’ont pas à justifier de la régularité de leur séjour.
CEPENDANT, il leur est permis de soumettre une demande de titre de séjour en vue d’un examen anticipé, s’ils entrent dans les conditions de l’article 421-35 du CESEDA.
EN EFFET : L’article 421-35 du CESEDA dispose que « Les étrangers âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle se voient délivrer l’un des titres de séjour suivants [...] »
DONC, les bénéficiaires de l’examen anticipé des demandes de titres de séjour sont exclusivement les mineur·es étranger·es âgé·es de 16 à 18 ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle.
Depuis, la réforme du 1er avril 2021 (voir le décret n° 2021-360 du 31 mars 2021 relatif à l’emploi d’un salarié étranger), la validation du contrat d’apprentissage pendant la minorité du.de la jeune par l’OPCO vaut autorisation de travail, comme précisé par la circulaire du 12 juillet 2021, ainsi que par l’article R.5221-22 du Code du travail. Il n’est donc plus en principe nécessaire de demander une autorisation de travail en parallèle de la signature du contrat par l’OPCO.
La circulaire du 12 juillet 2021 n’a pas été publiée au Journal Officiel de la République, ce qui fait obstacle à son opposabilité. Toutefois, elle est en pratique largement appliquée aujourd’hui.
Cette même circulaire précise également que si le.la jeune devient majeur·e pendant l’exécution de son contrat d’apprentissage signé lors de sa minorité, iel n’a pas à solliciter d’autorisation de travail, la validation du contrat par l’OPCO valant autorisation de travail pour toute la durée du contrat.
Extrait de la circulaire du 12 juillet 2021 :
« Le contrat signé, et visé par un organisme compétent (Opérateur de Compétences), suffit. Il autorise à travailler pour toute sa durée y compris lorsque le jeune bénéficiaire de ce contrat devient majeur (il n’est pas nécessaire de solliciter une autorisation de travail pour le jeune devenu majeur alors que l’employeur et la nature du contrat restent les mêmes). »
DÉMARCHES
La possibilité de solliciter l’examen de son titre de séjour de manière anticipée devrait être proposée au jeune par la préfecture, dans la réalité elle devra être sollicitée par le.la jeune iel-même.
Si la demande anticipée de titre de séjour existe, elle reste uniquement une possibilité. En effet, les mineur·e·s n’ont pas l’obligation de détenir un titre de séjour, en vertu de l’article L411-1 du CESEDA.
L’ensemble des éléments d’instruction relatifs à l’instruction des demandes de titre de séjour anticipées, sont détaillés dans l’instruction n°INTV2012657J du 21 septembre 2020 relative relative à l’examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
▶ La procédure d’examen de la demande de titre de séjour anticipée se déroule en deux phases :
Lors de la première phase, la préfecture procède à la vérification des documents d’état-civil, la vérification des documents justificatifs du domicile, ainsi qu’à la vérification de l’âge de placement du ou de la jeune à l’Aide sociale à l’Enfance (ASE).
La préfecture enregistre la demande dans AGDREF, interroge Visabio et réalise un contrôle documentaire. Elle peut saisir la police des frontières (PAF) en cas de doute sur l’authenticité des documents d’état civil.
À l’issue de cette première phase, la préfecture indique au Conseil départemental si elle envisage un refus de délivrance du titre de séjour à la majorité, sous réserve des critères qui seront étudiés pendant la seconde phase, détaillée ci-après.
Lors de la seconde phase (qui se déroule 6 mois après le dépôt de la demande), la préfecture vérifie (Cf. Article Le titre de séjour mention "salarié" ou "travailleur temporaire" dans la Rubrique https://www.infomie.net/spip.php?rubrique237) :
- l’absence de menace pour l’ordre public,
- la nature des liens avec le pays d’origine,
- le degré d’insertion de l’intéressé.e dans la société française,
- la vérification des conditions tenant au suivi de la formation (le caractère réel et sérieux du suivi).
À nouveau, à l’issue de cette seconde phase, la préfecture indique au Conseil départemental s’il envisage un refus de délivrance du titre de séjour à la majorité du ou de la jeune..
DÉLIVRANCE D’UN TITRE DE SÉJOUR A L’ISSUE DE L’EXAMEN ANTICIPÉ
Lorsque qu’à l’issue des deux phases, la préfecture estime que les conditions sont réunies pour la délivrance d’un titre de séjour, il existe deux cas de figures, selon que le.la jeune a été placé à l’aide sociale à l’enfance avant ou après ses 16 ans.
En effet, lorsque le.la mineur.e a été confié à l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de 16 ans et qu’iel remplit, selon la préfecture, les conditions de délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale » issue de l’article L.423-22 du CESEDA, la délivrance du titre de séjour se fait sans attendre sa majorité.
Tandis que lorsque le.la mineur.e a été confié à l’aide sociale à l’enfance après l’âge de 16 ans, et qu’il remplit les conditions de délivrance de la carte de séjour avec la mention « salarié.e » ou « travailleur.se temporaire » prévue à l’article L. 435-3 du CESEDA, la délivrance du titre de séjour se fera à sa majorité.
Le refus de la délivrance du titre de séjour lors de l’examen anticipée, ne doit pas conduire à prendre un refus de séjour assorti ou non d’une obligation de quitter le territoire français (articles L. 611-3et L.631-4 du CESEDA), car le.la mineur.e est encore placé.e à l’aide sociale à l’enfance en tant que mineur.e donc dispensé.e de l’obligation de détenir un titre de séjour et bénéficie d’une protection contre l’éloignement.
LISTE DES PIÈCES À FOURNIR
En vertu de l’instruction n°INTV2012657J du 21 septembre 2020 relative relative à l’examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l’aide sociale à l’enfance, les pièces à fournir sont les suivantes :
- Lors de la première phase d’examen :
un acte d’état civil (copie intégrale d’acte de naissance, extrait d’acte de naissance avec filiation, à défaut jugement supplétif ou déclaratif) ;
un acte de nationalité (passeport en cours de validité, à défaut passeport périmé, carte consulaire, attestation consulaire mentionnant sa nationalité, etc.) ;
un document de domicile (attestation de l’aide sociale à l’enfance) ;ainsi que 3 photographies d’identité.
- Lors de la seconde phase d’examen :
les documents permettant d’apprécier le caractère réel et sérieux du suivi de la formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle (certificat de scolarité en classe générale ou en classe professionnelle, contrat d’apprentissage , contrat de professionnalisation, ensemble des certificats de scolarité, ensemble des bulletins scolaires, attestations professeurs suivi réel et sérieux de la formation, attestation de soutien de la demande de l’employeur / maître de stage, ... ),
À noter :
concernant la nature des liens familiaux conservés dans son pays d’origine (les seuls renseignements seront obtenus à l’aide de l’avis de l’ASE sur l’insertion dans la société française ainsi que dans le cas d’obtention des documents d’état civil par l’intermédiaire de la famille),
un avis de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) en cas de prise en charge éducative par la PJJ sera fourni par la PJJ.
Instruction relative à l’examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l’aide sociale à l’enfance disponible : ici