InfoMIE.net
Informations sur les Mineurs Isolés Etrangers

Accueil > Documentation > Rapports et études > Rapports associatifs nationaux > Rapport 2022 sur les centres et locaux de rétention administrative

Rapport 2022 sur les centres et locaux de rétention administrative

Publié le mercredi 26 avril 2023 , mis à jour le mercredi 26 avril 2023

Date de publication : 26/04/2023
Source : La Cimade

Auteurs du rapport : Forum réfugiés, France terre d’asile, le Groupe SOS Solidarités – Assfam, La Cimade et Solidarité Mayotte

Voir en ligne : www.lacimade.org

Présentation (La Cimade) :

« Rapport commun sur les centres de rétention administrative : Chiffres clés, bilan et analyse de la situation des personnes enfermées dans les centres et locaux de rétention administrative (CRA et LRA).

Fortes de leur travail quotidien d’accompagnement juridique des personnes étrangères dans les centres de rétention administrative (CRA), nos cinq associations (Forum réfugiés, France terre d’asile, le Groupe SOS Solidarités – Assfam, La Cimade et Solidarité Mayotte) sont en première ligne pour constater et rendre compte des situations dans ces lieux de privation de liberté.

En 2022, 43.565 personnes ont été enfermées, au mépris de leurs droits, dans les centres de rétention de l’hexagone et d’outre-mer. »

EXTRAITS DU RAPPORT :

« En 2022, 57 familles incluant 94 mineurs, ainsi que 129 personnes se déclarant mineures ont été enfermées dans les CRA dans l’Hexagone. Parmi ces dernières, 77 % ont été libérées par le juge judiciaire, du fait de l’absence de preuve de leur majorité ou d’une erreur manifeste d’appréciation de leur situation par les autorités préfectorales.

En Outre-mer, le nombre de personnes placées en CRA reste élevé dans le cadre maintenu d’un régime dérogatoire qui écarte le contrôle effectif des juges. En 2022, ce sont 27 643 personnes qui ont été enfermées dans les quatre CRA d’Outre-mer, dont 26 020 au CRA de Mayotte. Les placements en rétention dans les centres ultra-marins représentent ainsi 63,5 % au niveau national. Ces CRA se distinguent par des taux d’expulsion élevés 74 % en 2022), particulièrement à Mayotte, ainsi que par la rapidité d’exécution de ces éloignements. Le CRA et les LRA à Mayotte connaissent toujours un placement massif d’enfants mineurs en rétention : 2 905 enfants y ont été enfermés, soit trente fois plus que dans l’Hexagone. Si le projet de loi initialement prévu pour examen au printemps 2023 prévoyait d’interdire la rétention des enfants de moins de 16 ans dans les CRA, il excluait l’Outre-mer de son champ d’application.

[...].

L’ENFERMEMENT DES ENFANTS ACCOMPAGNANT LEUR FAMILLE DANS L’HEXAGONE

[...].

Si l’interdiction de l’enfermement des enfants isolés est très clairement prévue par le Ceseda, les familles accompagnées de leurs enfants peuvent, elles, faire l’objet d’une mesure de placement en rétention, à titre exceptionnel et dans des conditions très précises.

Au moment où nous écrivons ces lignes, le projet de loi asile et immigration prévoit d’interdire le placement en centre de rétention des familles accompagnées de mineurs. Cependant, le texte circonscrit la mesure aux enfants de moins de 16 ans uniquement et n’aborde pas la question des locaux de rétention administrative. Cette limitation laisse à craindre le détournement des placements en LRA avec une augmentation du nombre de placements de mineurs de tous âges confondus. Or, comme cela a été évoqué précédemment, les droits en LRA sont bien moins protecteurs et l’assistance juridique n’y est pas présente.

Loin d’interdire l’enfermement des enfants, une telle mesure ne ferait qu’invisibiliser la situation.

De plus, le ministre de l’Intérieur a confirmé à plusieurs reprises que cette interdiction ne concernerait pas l’Outre-mer alors que le nombre d’enfants enfermés sur ces territoires y est 30 fois supérieur. Il faut également noter que le projet de loi présenté prévoit, par rapport au reste de la réforme, de différer l’entrée en vigueur de cet encadrement au 1er janvier 2025.

[...].

LA RÉTENTION EN OUTRE-MER – QUELQUES CHIFFRES

[...].

Focus

L’ENFERMEMENT DES ENFANTS AU CRA DE MAYOTTE

Le nombre d’enfants enfermés au CRA de Mayotte est plus de 30 fois supérieur à celui dans l’Hexagone.

Les enfants représentent plus de 11  % de l’ensemble des personnes enfermées et des éloignements à Mayotte.

Si le projet de loi présenté en 2023 prévoit un encadrement de l’enfermement en rétention des enfants accompagnés de leur famille, l’Outre-mer ne sera probablement pas concerné alors que la majorité des enfants sont aujourd’hui enfermés dans le CRA de Mayotte.

Le ministre de l’Intérieur a clairement déclaré que Mayotte serait exclue du périmètre de cette limitation.

[...].

CENTRES ET LOCAUX DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

[...].

COQUELLES

[...].

Encore et toujours des mineurs isolés étrangers enfermés

En 2021, 12 personnes se déclarant mineures lors de leur interpellation avaient été placées au centre de rétention administrative de Coquelles, ce nombre s’élève à 35 en 2022, dont 17 pour les seuls mois de janvier et février.

Pour rappel, le Défenseur des Droits dénonçait dans un rapport de février 2021 la pratique des "fonctionnaires de police [consistant à] arbitrairement décidé de leur attribuer une fausse date de naissance induisant leur majorité"3 [Décision du Défenseur des droits n° 2021-029 du 09/02/2021] sans évaluation aucune. Bien que le nombre de mineurs placés en rétention ait fortement décru depuis les faits ayant conduit à ce rapport, cette pratique perdure dans le Pas-de-Calais.

Sur les 35 mineurs placés au centre de rétention de Coquelles en 2022, 13 avaient une copie d’une pièce d’identité indiquant leur âge. Alors que le doute sur la minorité devrait profiter à la personne se déclarant mineure, les décisions de justice démontrent une suspicion quant aux déclarations des jeunes et une présomption de présentation de faux documents. Ainsi, moins de la moitié d’entre eux ont été remis en liberté par une décision de justice appliquant la présomption de minorité.

La préfecture du Pas-de-Calais a finalement abrogé sa décision de placement pour deux jeunes et l’un d’entre eux a été privé de liberté jusqu’à l’expiration du délai légal maximum de rétention (soit 90 jours). En outre, deux jeunes ont été éloignés vers l’Allemagne et les Pays-Bas en toute illégalité sans qu’ils n’aient pu bénéficier d’une évaluation de leur minorité.

[...].

RENNES

[...].

Focus

DE PLUS EN PLUS DE MINEURS ENFERMÉS

La préfecture ne peut légalement ni délivrer d’OQTF, ni enfermer en CRA des mineurs isolés. Pourtant, au CRA de Rennes en 2022, sept personnes se déclarant mineures ont été enfermées. Ces jeunes, considérés comme majeurs par l’administration, ne bénéficient d’aucune protection ni prise en charge, malgré leur vulnérabilité évidente liée à leur âge et à leur isolement.

Pour l’un de ces jeunes passés par le CRA de Rennes, l’administration n’avait même pas pris la peine d’évaluer sa minorité, malgré ses déclarations constantes sur son âge. Un autre de ces jeunes, dont la minorité avait été contestée, a pu se procurer l’original de son acte de naissance ; nouveau document prouvant sa minorité. Malgré ce document d’état civil porté à la connaissance des juridictions, aucun tribunal n’a libéré ce jeune homme. Il a finalement été libéré après 75 jours de rétention car l’administration n’était pas parvenue à l’expulser.

Un peu plus tôt dans l’année, c’est une jeune femme de 16 ans, victime d’un réseau de délinquance forcée, qui avait été enfermée au CRA de Rennes. Interpellée en possession du pass sanitaire d’un homme majeur, l’administration a utilisé cette identité masculine lors de son placement au CRA. Pourtant, elle avait indiqué qu’elle était mineure à chacune de ses auditions. Elle n’avait jamais fait l’objet d’évaluation de minorité et n’avait jamais eu de document d’identité. Après avoir saisi le juge des enfants, ce dernier a considéré qu’elle était majeure en s’appuyant sur la décision du JLD qui ne l’avait pas considérée mineure, alors même que ce dernier est incompétent pour évaluer la minorité. Elle a été libérée au bout de 30 jours d’enfermement au motif que la préfecture n’avait entamé aucune démarche pour vérifier son identité.

L’enfermement des mineurs au CRA est une violation des droits des enfants. La présomption de minorité doit primer sur l’enfermement à tout prix.

[...].

ROUEN - OISSEL

[...].

Accroissement des placements des MNA

Historiquement, les mineurs déclarés placés au CRA arrivaient du Calaisis, n’avaient généralement pas bénéficié d’une évaluation et étaient arbitrairement déclarés majeurs. 2022 a vu arriver plusieurs jeunes pris en charge par l’ASE en attente d’une évaluation, voire même placés sous la protection de l’ASE.

En 2022, 9 personnes se déclarant mineures, mais considérées comme majeures par la préfecture, ont été signalées au conseil départemental de la Seine-Maritime ainsi qu’au procureur de la République de Rouen. Aucune suite n’a été donnée à ces signalements.

Témoignage

Monsieur H. est un ressortissant algérien qui devait, à sa sortie de prison, faire l’objet d’une mesure de placement dans un centre d’hébergement pour mineurs sur décision du juge des enfants. Faisant fi de cette dernière, l’administration a retenu une date de naissance arbitraire le rendant majeur pour le faire conduire au CRA.
Or, le principe de séparation des pouvoirs interdit à l’administration de remettre en cause une décision judiciaire.

Saisi par la préfecture, le JLD a accordé une prolongation de 28 jours. De ce fait, le juge rouennais a sapé l’autorité du juge des enfants. Heureusement, la CA était bien présente pour faire respecter la séparation des pouvoirs et ordonna ainsi la libération du jeune.

[...]. »


Voir le rapport au format PDF :

Rapport 2022 sur les centres et locaux de rétention administrative