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Proposition de loi n°1144 visant à conforter les principes du code de la justice pénale des mineurs

Publié le : jeudi 27 avril 2023

Source : Assemblée Nationale

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 avril 2023.

Voir en ligne : www.assemblee-nationale.fr

Texte :

« EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le code de la justice pénale des mineurs (ci‑après « CJPM ») est entré en vigueur le 30 septembre 2021.

Son premier objectif était d’offrir un cadre plus lisible et plus cohérent à l’ensemble des textes relatifs à la justice pénale des mineurs, tout en préservant les grands principes issus de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante. Sur le fond, les objectifs recherchés étaient également de simplifier et d’accélérer la procédure, de renforcer la prise en charge des mineurs délinquants et de mieux prendre en compte les victimes.

Le CJPM intègre ainsi plusieurs innovations importantes telles qu’une césure du procès pénal, un renforcement des conditions de la détention provisoire, des présomptions relatives au discernement ou encore une rationalisation des mesures éducatives.

Un an après son entrée en vigueur, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a décidé de créer une mission d’information en vue de procéder à une première évaluation de la mise en œuvre du CJPM. 

Le rapport de la mission d’information, présenté le 22 mars 2023, a mis en lumière une application très satisfaisante de ce nouveau code, grâce à l’implication de tous les acteurs de la justice pénale des mineurs, et des avancées importantes pour les droits des mineurs comme des victimes. Les délais de jugement et de prise en charge éducative des mineurs ont été considérablement réduits, tout comme la durée des placements en détention provisoire.

Pour conforter les objectifs de la réforme ainsi que les principes constitutionnels de la justice des mineurs (primauté de l’éducatif sur le répressif, spécialisation des juridictions et adaptation de la réponse pénale à l’âge), la mission d’information a également formulé trente recommandations dont une dizaine nécessite des adaptations législatives.

Elle a mis en évidence que plusieurs adaptations du CJPM étaient nécessaires pour traiter certaines problématiques consécutives à la césure du procès pénal, apparues lors de la mise en œuvre de la réforme. Elle a également observé que les conditions préalables à une détention provisoire avaient pu faire l’objet d’une interprétation jurisprudentielle qui n’était pas conforme à la volonté initiale du législateur et que les juges des libertés et de la détention n’avaient pas toujours, dans les faits, suivis les formations spécifiques adaptées à leurs fonctions. Elle a, en outre, relevé la subsistance d’un stock d’affaires anciennes relevant de l’ordonnance de 1945 que certaines juridictions ne sont pas en capacité de résorber compte tenu des délais imposés pour statuer sur les nouvelles affaires relevant du CJPM. S’agissant des victimes, elle a souligné que l’accélération de la procédure (qui leur profite largement en vue de leur indemnisation rapide) comporte l’inconvénient de ne pas toujours faire figurer les coordonnées de l’assureur en responsabilité civile des représentants légaux du mineur dans la procédure lors de l’audience. Enfin, elle a relevé que des contraintes importantes pesaient sur les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et que certaines d’entre‑elles pouvaient être allégées sans nuire aux droits de l’enfant.

*

La présente proposition de loi tend ainsi à modifier quelques articles du CJPM afin de traduire les recommandations à portée législative de la mission d’information.

L’article 1er précise dans la loi la spécialisation des juges des libertés et de la détention compétents pour les mineurs. Il prévoit une obligation de formation préalable sur les alternatives à l’enfermement des mineurs.

L’article 2 prévoit, avec l’accord de la juridiction saisie et sur réquisitions du procureur de la République, une possibilité de dessaisissement au profit de la juridiction dans le ressort duquel se situe la résidence du mineur poursuivi. Il permet également, dans les mêmes conditions, un dessaisissement au profit d’une autre juridiction pour juger des affaires complexes relevant de l’ordonnance de 1945. L’objectif recherché est de permettre une résorption du stock des juridictions qui connaissent des difficultés pour audiencer les derniers dossiers relevant de l’ordonnance de 1945.

L’article 3 concerne les mesures d’investigation sur la personnalité et la situation du mineur. Le permet de remplacer le recueil de renseignements socio‑éducatifs (RRSE) par une note de situation actualisée lorsque le mineur est déjà suivi par les éducateurs de la PJJ. Le prévoit que le recueil de renseignements socio‑éducatifs peut contenir, le cas échéant, les coordonnées de l’assureur en responsabilité civile des représentants légaux du mineur.

L’article 4 impose au procureur de la République de produire un rapport éducatif lorsqu’il saisit le juge des libertés et de la détention en vue du placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience prévue devant le Tribunal pour enfants. Ce faisant, l’article 4 revient sur une jurisprudence de la Cour de cassation qui a écarté cette obligation, tolérant que ce rapport ne soit fourni qu’au moment de l’audience. Le renforcement des conditions de recours à la détention provisoire est un apport important du CJPM. Il convient en conséquence de préciser la rédaction de l’article L. 322‑5 du CJPM afin d’éviter une interprétation jurisprudentielle contraire à la volonté du législateur.

L’article 5 limite les cas dans lesquels l’audience en vue de l’examen de la culpabilité peut être transformée, à l’initiative de la juridiction, en audience unique statuant également sur le prononcé de la sanction. Il prévoit à ce titre que le mineur doit donner son accord lorsqu’il n’est pas déjà connu de la justice.

L’article 6 porte sur la période de mise à l’épreuve éducative. Afin de favoriser le recours à la justice restaurative, le prévoit que le juge doit proposer aux parties au moins l’une des mesures de réparation prévues par le CJPM. Le donne la possibilité à la juridiction de ne pas prononcer de mesures dans le cadre de la période de mise à l’épreuve éducative pour les infractions les moins graves. Il ne remet pas en cause le principe de la césure du procès pénal, qui demeure utile afin, par exemple, que la juridiction puisse prendre en compte, lors du prononcé de la sanction, l’indemnisation spontanée des victimes par l’auteur des faits.

L’article 7 concerne l’appel des décisions sur la culpabilité. La césure du procès pénal peut en effet causer des difficultés lorsque la juridiction de première instance doit statuer sur la sanction alors qu’un appel est toujours pendant sur la décision ayant prononcé la culpabilité. Pour remédier à ces difficultés, le permet à la juridiction de prononcer un sursis à statuer lorsqu’elle se prononce sur la sanction dans l’attente de la décision de la cour d’appel. Le impose, quant à lui, à la cour d’appel de statuer dans un délai de quatre mois.

L’article 8 permet au juge des enfants et au tribunal pour enfants, lors de l’audience de prononcé de la sanction, de renvoyer devant la juridiction compétente une personne majeure qui s’était faussement présentée comme mineure lors de la première audience ayant statué sur la culpabilité.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le titre II du livre II du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° L’intitulé est complété par les mots : « et du juge des libertés et de la détention » ;

2° L’intitulé du chapitre unique, qui devient le chapitre Ier, est ainsi rédigé : « Du juge d’instruction » ;

3° Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Du juge des libertés et de la détention

« Art. L. 221‑3‑1. – Dans chaque tribunal judiciaire dans le ressort duquel siège un tribunal pour enfants, un ou plusieurs juges des libertés et de la détention spécialement chargés des affaires concernant les mineurs sont désignés par le premier président de la cour d’appel compétente. Les magistrats désignés doivent suivre préalablement une formation spécifique sur les alternatives à l’enfermement des mineurs. »

Article 2

Après l’article L. 231‑1 du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un article L. 231‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 231‑1‑1. – I. – Le procureur de la République peut requérir la juridiction de se dessaisir au profit de la juridiction dans le ressort duquel se situe la résidence du mineur. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations à la juridiction initialement saisie. Celle‑ci se prononce huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.

« II. – Le procureur de la République peut également, pour les affaires ayant donné lieu à une ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants antérieure au 1er janvier 2023 et portant sur des faits pour lesquels les poursuites ont été exercées ou l’information judiciaire a été ouverte avant le 30 septembre 2021, requérir la juridiction de se dessaisir au profit d’une autre juridiction qu’il désigne. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations à la juridiction initialement saisie. Celle‑ci se prononce huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis. »

Article 3

Le chapitre II du titre II du livre III du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° L’article L. 322‑2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le recueil de renseignements socio‑éducatifs, ordonné en application du premier alinéa ou requis en application de l’article L. 322‑5, peut être remplacé par une note de situation actualisée lorsque le mineur fait déjà l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative ou d’une mesure d’assistance éducative. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 322‑3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il contient, le cas échéant, les coordonnées de l’assureur en responsabilité civile des représentants légaux du mineur ».

Article 4

À l’article L. 322‑5 du code de la justice pénale des mineurs, les mots : « est obligatoire » sont remplacés par les mots : « ainsi que le rapport mentionné au a du 2° de l’article L. 423‑4 sont obligatoires ».

Article 5

L’article L. 521‑2 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi rédigé :

« Art. L. 521‑2 – I. – Par dérogation à l’article L. 521‑1, la juridiction peut, après avoir recueilli les observations des parties présentes à l’audience et par décision motivée, statuer lors d’une audience unique d’examen de la culpabilité et de prononcé de la sanction :

« 1° Lorsque le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an versé au dossier de la procédure ;

« 2° Ou, à défaut, lorsqu’elle se considère suffisamment informée sur la personnalité du mineur et n’estime pas nécessaire d’ouvrir une période de mise à l’épreuve éducative au vu des faits commis par le mineur et de sa personnalité. Le mineur, assisté de son avocat, doit alors donner son accord.

« II. – La juridiction statuant selon les modalités prévues au I ne peut prononcer une peine que dans les cas prévus au 1° du même I. »

Article 6

L’article L. 521‑9 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Elle propose aux parties l’une des mesures de réparation prévues à l’article L. 112‑8. » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le mineur a été reconnu coupable d’une contravention ou d’un délit qui n’est pas puni par une peine d’emprisonnement, le juge peut décider de ne pas statuer sur les mesures mentionnées à l’article L. 521‑14. »

Article 7

Le livre V du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° L’article L. 521‑24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’appel interjeté sur la décision de culpabilité, la juridiction peut prononcer un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour d’appel. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 531‑3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La Cour d’appel statue dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il est interjeté appel. »

Article 8

La sous‑section 2 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre V du code de la justice pénale des mineurs est complétée par un article L. 521‑23‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 521‑23‑1. – La juridiction peut renvoyer devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel compétent une personne reconnue majeure qui s’était déclarée faussement mineure et qui a été reconnue coupable d’une contravention ou d’un délit à l’issue de l’audience d’examen de la culpabilité. »


Voir la proposition de loi au format PDF :

Proposition de loi n°1144 visant à conforter les principes du code de la justice pénale des mineurs