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Tribunal administratif de Versailles – Ordonnance N°2302162 du 21 mars 2023 – Référé liberté – Le département des Yvelines est enjoint d’assurer l’APU d’un mineur isolé s’étant présenté au département sans faire l’objet d’aucune mise à l’abri ni évaluation (simple remise d’une convocation à la Préfecture) – Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale

Publié le : mercredi 10 mai 2023

Résumé :

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), enjoint au président du conseil départemental des Yvelines d’assurer l’accueil provisoire d’urgence (APU) de l’intéressé dans un délai de 48 heures.

Le requérant avait sollicité sa mise à l’abri en tant que mineur isolé auprès du département des Yvelines le 6 mars 2023. Le département lui avait alors remis une convocation pour le 26 mars 2023 auprès du service biométrique de la préfecture, sans procéder ni à sa mise à l’abri, ni à une évaluation.

Or, hormis le cas où la personne ne satisfait manifestement pas à la condition de minorité, un tel refus opposé par le département à un mineur isolé est susceptible (en fonction de la situation sanitaire et morale de l’intéressé) d’entraîner des conséquences graves caractérisant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

En l’espèce, l’intéressé, dont la minorité n’est pas contestée par le département, est livré à lui-même et dépourvu de toute ressource, sans que le département n’apporte d’élément permettant d’établir qu’il est dans l’impossibilité de respecter les obligations qui pèsent sur lui en application des art. L. 223-2 et R. 221-11 du CASF. Ainsi, en ne procédant ni à là l’APU ni à l’évaluation de l’intéressé, le département a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale qu’il y a urgence à faire cesser.

Voir dans le même sens :Tribunal administratif de Versailles – Ordonnance N°2300973 du 8 février 2023


Extraits de l’ordonnance :

« […].

5. Il résulte de ces dispositions [art. 375, 375-3, deux premiers alinéas art. 375-5 du code civil et L. 221-1, L. 222-5, L. 223-2, R. 221-11 et R. 221-12 du CASF] qu’il incombe aux autorités du département, le cas échéant dans les conditions prévues A la décision du juge des enfants ou A le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, de prendre en charge l’hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l’aide sociale à l’enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu’un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il incombe au juge des référés d’apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies A l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée et il peut inviter, le cas échéant, l’autorité de l’Etat à apporter aux services légalement compétents du département un concours dans l’accomplissement de leur mission, dès lors que le département établit formellement que les obligations qui lui sont faites auraient manifestement excédé ses capacités d’action.

6. Hormis le cas où la personne qui se présente ne satisfait manifestement pas à la condition de minorité, un refus d’accès au dispositif d’hébergement et d’évaluation mentionné ci-dessus, opposé A l’autorité départementale à une personne se disant mineur isolé, est ainsi susceptible, en fonction de la situation sanitaire et morale de l’intéressé, d’entraîner des conséquences graves caractérisant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

7. En l’espèce, il résulte de l’instruction que M. B, âgé de seize ans selon son extrait de naissance, est depuis son arrivée en Ile de France, livré à lui-même et dépourvu de toute ressource. Il n’est pas contesté, qu’avec l’aide d’une association, il s’est présenté le 6 mars auprès des services du département des Yvelines chargés d’organiser l’accueil d’urgence et l’évaluation des mineurs isolés étrangers conformément aux dispositions de l’article L. 223-2 du code de l’action sociale et des familles. Or, ces services ont seulement remis à l’intéressé une convocation pour le 26 mars 2023 au service de biométrie de la préfecture des Yvelines mais n’ont en revanche pris aucune mesure afin qu’il soit procédé à une évaluation de son éligibilité à un placement au service d’aide sociale à l’enfance et qu’il soit mis à l’abri et hébergé. Ainsi, l’accueil provisoire n’est pas effectif. Or, la minorité de M. B qui est établie A un extrait de naissance joint, n’est pas contestée A le département, faute d’avoir présenté des observations dans la présente instance. En outre, il est constant que le requérant est actuellement isolé, sans ressources, livré à lui-même et que son hébergement est aléatoire. Enfin, le département, n’apporte pas d’élément permettant d’établir qu’il est dans l’impossibilité de respecter les obligations qui pèsent sur lui en application des articles L. 223-2 et R. 221-1 du code de l’action sociale et des familles. Ainsi, en ne procédant ni à l’accueil d’urgence ni à l’évaluation de M. B, le département des Yvelines a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale qu’il y a urgence à faire cesser, eu égard aux conditions actuelles d’existence de ce jeune mineur livré à lui-même.

[…].  »