Tribunal administratif de Marseille – Ordonnance n°2308309 du 11 septembre 2023 – Référé liberté – Egal accès à l’instruction - Absence de scolarisation d’un MIE (âgé de 16 ans) depuis la réalisation du test CASNAV – Le directeur académique des services de l’éducation nationale des Bouches-du-Rhône est enjoint de le scolariser au sein d’un établissement comprenant une classe UPE2A

Résumé :

L’intéressé, mineur isolé de 16 ans, a réalisé un test de positionnement CASNAV plus de deux mois auparavant, sans recevoir par la suite d’affectation au sein d’un établissement scolaire.

Son absence de scolarisation, malgré la rareté des dispositifs permettant un suivi adapté à sa situation, doit être regardée comme une carence des services de l’Etat constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale créant par elle-même une situation d’urgence particulière dans le contexte de son isolement.

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), enjoint donc au directeur académique des services de l’éducation nationale des Bouches-du-Rhône de le scolariser au sein d’un établissement comprenant une classe UPE2A (tel que préconisé par le CASNAV) dans un délai de 10 jours.


Voir dans le même sens :


Extraits de l’ordonnance :

« […].

2. L’égal accès à l’instruction est garanti par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère celui de la Constitution de 1958. Ce droit, confirmé par l’article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est en outre rappelé à l’article L. 111-1 du code de l’éducation, qui énonce que " le droit à l’éducation est garanti à chacun ". L’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction est mise en œuvre par les dispositions de l’article L. 131-1 du code de l’éducation, aux termes desquelles : " L’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans ", ainsi que par celles de l’article 122-2 qui prévoient : " Tout mineur non émancipé dispose du droit de poursuivre sa scolarité au-delà de l’âge de seize ans ".

3. Il résulte des principes constitutionnels, conventionnels et législatifs rappelés au point précédent que la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’isolement sur le territoire français, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire ou professionnelle adaptées, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, pouvant justifier l’intervention du juge des référés sur le fondement de cet article, sous réserve qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures. Le caractère grave et manifestement illégal d’une telle atteinte s’apprécie en tenant compte, d’une part, de l’âge de l’enfant, d’autre part, des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose.

4. Il résulte de l’instruction que M. A B, mineur non accompagné de nationalité afghane et se disant né [...] 2006, a passé, le 26 juin 2023, le test de positionnement du centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus des familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV), préalable obligatoire à l’affectation et à l’inscription en établissement scolaire, à l’issue duquel a été préconisée une orientation en classe UPE2A en lycée professionnel. Il n’est pas contesté par le recteur qu’au jour de l’audience, M. B n’a toujours pas reçu d’affectation dans un établissement scolaire. A défaut de toute prise en charge par d’autres voies, l’absence de scolarisation de M. B doit, malgré la rareté des dispositifs permettant un suivi adapté à la situation particulière du jeune homme, être regardée comme une carence des services de l’Etat constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, créant, même si le requérant a plus de seize ans, par elle-même une situation d’urgence particulière dans le contexte d’isolement de l’intéressé. Il y a lieu dès lors d’enjoindre au directeur académique des services de l’éducation nationale des Bouches-du-Rhône de scolariser M. B dans un établissement accueillant une en classe UPE2A, en lycée professionnel, dans un délai de dix jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu’il y ait lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

[…]. »


Voir l’ordonnance au format PDF :

TA Marseille – Ordonnance n°2308309 du 11 septembre 2023
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