Date de publication : 23/11/2023
Source : Hors la Rue
Voir le communiqué en ligne : www.horslarue.org
Communiqué de presse :
« En juin 2022, 7 hommes ont été mis en examen et placés en détention provisoire. Ils sont suspectés d’avoir, en 2021, forcé des enfants à commettre des délits sur le parvis du Trocadéro. Ces enfants, de nationalité algérienne et marocaine et sans référents parentaux sur le territoire, étaient âgés de 8 à 17 ans au moment des faits. Tous étaient connus de notre association via le dispositif MNA en errance Paris mené en consortium avec l’association Aurore dans le cadre d’un projet lancé par la Mairie de Paris. La juge d’instruction en charge du dossier a prononcé son renvoi devant le Tribunal correctionnel de Paris. Le procès se déroulera les 14, 15, 19 et 20 décembre.
Pour la première fois de son histoire, Hors la rue a décidé de se constituer partie civile lors de ce procès. Nous considérons que nos missions de prévention et d’accompagnement auprès de ces enfants on été entravées par l’exploitation dont ils ont été victimes. De plus, nous souhaitons apporter jusqu’au bout notre soutien aux 12 enfants parties civiles, avec lesquelles un travail important a été réalisé par notre équipe afin de les accompagner dans la reconnaissance de leurs droits et vers la conscientisation de leur statut de victime. Enfin, nous souhaitons défendre une approche consistant à les considérer d’abord comme des victimes de traite des êtres humains plutôt qu’exclusivement comme auteurs d’actes délinquants.
6 des 7 hommes sont inculpés pour "Traite d’êtres humains commise à l‘encontre d’un mineur" (Article 225-4-1 et suivants du Code Pénal), et tous pour, entre autres, avoir "Acquis, transporté, détenu, offert ou cédé de manière illicite de la prégabaline et du clonazépam" (Article L5432-2 du Code de la Santé Publique).
Cette enquête s’inscrit dans une dynamique nationale et européenne. Le nombre d’investigations sur des mineurs contraints à commettre des délits a fortement augmenté ces dernières années, notamment à Paris, à Aubervilliers, à Lyon, à Bordeaux et à Nantes.
Le dossier, dit "Trocadéro", est inédit du fait de son ampleur et de la mise en lumière du mécanisme d’emprise chimique. L’utilisation détournée de médicaments, du Rivotril (clonazépam) et du Lyrica (prégabaline), est en effet partie intégrante de l’exploitation de ces enfants en errance. En fournissant ces médicaments aux enfants, les personnes qui les exploitent incitent à la surconsommation, provoquent une dépendance et installent l’emprise : les jeunes ont besoin des cachets pour voler pour le compte d’adultes, et volent ensuite pour gagner l’argent nécessaire à l’achat de ces médicaments.
Ce dossier change également le regard porté sur ces jeunes qui ont été considérés comme victimes tout au long de l’enquête. Longtemps invisibilisée, la problématique des MNA contraints à commettre des délits était uniquement traitée comme un problème d’ordre public. Ces enfants étaient considérés comme des délinquants, auxquels n’étaient opposés que de la répression, validant ainsi les stratégies des organisations criminelles. Cette enquête démontre la pertinence d’une action publique fondée sur la protection des victimes, dont plusieurs seront partie civile lors de l’audience. »