L’article 44 de la loi n°2024-42 du 24 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration introduit une exclusion des bénéficiaires de l’aide sociale obligatoire. En effet, les majeurs de moins de vingt et un ans, qui ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) pendant leur minorité, ne bénéficient plus du droit à la prise en charge de l’aide sociale à l’enfance lorsqu’ils font l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français. Parallèlement, il n’y a pas d’obligation pour l’aide sociale à l’enfance de prendre en charge ces jeunes majeurs.
Cependant, il demeure la possibilité pour l’aide sociale à l’enfance de prendre en charge les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français.
Cette possibilité existe que les jeunes majeur.es aient été confiés ou non à l’aide sociale à l’enfance pendant leur minorité.
S’agissant de l’obligation pour l’aide sociale à l’enfance de proposer un accompagnement aux jeunes majeur.e.s, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire, elle demeure inchangée. Les départements doivent proposer un accompagnement aux mineur.es devant majeur.es ou aux jeunes majeurs au terme de la mesure de prise en charge dans cette hypothèse.
A la suite de la loi immigration du 24 janvier 2024, l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé (seules les dispositions de cet article intéressant les jeunes majeur.e.s sont ici reproduites) :
(…)
5° Les majeurs âgés de moins de vingt et un ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, y compris lorsqu’ils ne bénéficient plus d’aucune prise en charge par l’aide sociale à l’enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa du présent article, et à l’exclusion de ceux faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Peuvent être également pris en charge à titre temporaire, par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.
Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés au 5° et à l’avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée. »
Il résulte de ce texte que :
- Il n’y a plus d’obligation pour l’ASE de prendre en charge les jeunes majeur.es faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français.
- Les jeunes majeur.es de moins de 21 ans peuvent bénéficier d’un accueil provisoire jeune majeur même s’ils font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français :
- Cela concerne les jeunes majeur.es qui n’ont pas été confiés à l’aide sociale à l’enfance durant leur minorité. Il n’y a pas de changement par rapport à la situation antérieure.
- Cela concerne les jeunes majeur.es qui ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance durant leur minorité.
Il existe alors une condition légale : les jeunes ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.
Pour accorder ou non le bénéfice d’une prise en charge dans ce cas, le Président du conseil départemental exerce son pouvoir d’appréciation.
Dans cette hypothèse, on peut donc se référer à la situation antérieure à la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants.
En effet, avant l’entrée en vigueur de cette loi, la prise en charge des jeunes majeur.es de moins de vingt et un ans qui avaient été confié.es à l’ASE durant leur minorité n’était pas de droit. Les départements disposaient d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou refuser une prise en charge pour les jeunes majeur.e.s.
(Rappelons qu’ils étaient tenus, en revanche, de proposer un accompagnement pour terminer l’année scolaire ou universitaire aux mineur.es devant majeur.es ou aux jeunes majeur.es de moins de vingt et un ans au terme de la mesure de prise en charge).
Il est donc rappelé ici des éléments de jurisprudence antérieure à la loi du 7 février 2022 et relatifs à l’appréciation faite par le Département.
- Conseil d’Etat, 15 mars 2019, n°422488 : Le président du conseil départemental peut prendre en considération les perspectives d’insertion et notamment la situation au regard du droit au séjour et au travail. Dans cette espèce, il s’agissait d’un jeune majeur ayant fait l’objet d’une décision de refus de séjour qu’il avait contesté devant le tribunal administratif et la requête avait été rejetée. La décision de fin de prise en charge est intervenue après la décision du tribunal administratif validant la décision de refus de séjour.
- Conseil d’Etat, 29 mai 2019, département du Bas-Rhin, n°417406 : "En l’absence de conditions ou montants précisément fixés par les lois et décrets, si le règlement départemental d’aide sociale peut préciser les critères au vu desquels il doit être procédé à l’évaluation de la situation des demandeurs, il ne peut fixer de condition nouvelle conduisant à écarter par principe du bénéfice des prestations des personnes qui entrent dans le champ des dispositions législatives applicables. Enfin, pour les prestations d’aide sociale qu’il crée de sa propre initiative, le département définit, par le règlement départemental d’aide sociale, les règles selon lesquelles ces prestations sont accordées."
- Conseil d’Etat, Juge des référés, 28 décembre 2017, n°416390 : c’est à bon droit que le tribunal administratif a enjoint à la prise en charge d’une jeune majeure qui vient de s’inscrire dans une classe adaptée aux élèves « non scolarisés antérieurement » et qui doit bénéficier de la « possibilité de bâtir, avec l’aide [du service] un projet de vie pouvant lui permettre de conclure un contrat de jeune majeur »
- Conseil d’Etat, Juge des référés, 1er mars 2019, n°427278 : situation d’un jeune majeur qui n’a pas été scolarisé compte tenu de son état de santé, qui a demandé l’asile mais qui n’est pas hébergé à ce titre au moment de sa majorité. C’est à bon droit que le tribunal administratif a enjoint au président du conseil départemental de proposer à l’intéressé un accompagnement comportant l’accès à une solution de logement et de prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires ainsi qu’un suivi éducatif.
- Conseil d’Etat, 22 juillet 2020, n°435974 : Le tribunal administratif est juge de plein contentieux lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision refusant ou mettant fin à une prise en charge par l’ASE. Le tribunal examine la situation de l’intéressé à la date à laquelle il statue. Il tient compte de l’ensemble des circonstances de fait du dossier.
D’autres jurisprudences peuvent être retrouvées dans le cahier juridique "Quelles aides pour les jeunes majeurs" et son addendum corédigés avec l’AADJAM et le GISTI. ATTENTION, ces publications ne sont pas à jour de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Sur l’exclusion prévue à l’article 44 de cette loi, voir également : Décision du Défenseur des droits n°2024-001 du 12 janvier 2024