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"Just Kids" : l’incroyable histoire d’une équipe de foot de jeunes migrants

Publié le 7-11-2018

Source : www.lesinrocks.com

Auteur : Fanny Marlier

Extraits :

« Diffusé sur Canal+ le 7 novembre, le documentaire "Just Kids" suit le parcours bouleversant de jeunes mineurs isolés étrangers qui ont constitué une équipe de football.
Issouf, 16 ans, assis sur son lit, appelle un à un les coéquipiers de son équipe de foot, sa "famille", pour leur annoncer le verdict : la juge a, enfin, accepté de le prendre en charge. Ému, il fond en larmes devant la caméra. "Je ne sais pas comment exprimer ma joie, j’ai tellement attendu ce moment", dit-il simplement. Originaire de Côte d’Ivoire, il est arrivé seul en France il y a bientôt deux ans. Comme ses amis, Steve et Dian Malal, il est ce que l’on appelle un "MIE" : un mineur isolé étranger. Pour pouvoir rester en France et être pris en charge, tous trois doivent prouver qu’ils sont mineurs à l’aide de documents officiels et de tests osseux dont la fiabilité reste à démontrer. Alors en attendant ils se débrouillent, dorment parfois dehors et...jouent au foot. Souvent. Ces trois jeunes africains sont mis à l’honneur dans le documentaire Just Kids, réalisé par Mathias Pardo pour Canal+. Un film qui retrace le parcours de ces adolescents arrivés au péril de leur vie et pour qui le "Melting Passes" deviendra bien plus encore qu’une simple équipe de foot.

Tout commence en juin 2016. Maud, Pierre, et Léo, étudiants en droit, assistent des mineurs isolés étrangers dans leurs démarches juridiques. Ils discutent, et échangent, avec ces adolescents livrés à eux-mêmes et pour qui le temps est souvent long. Certains parlent de leur passion pour le ballon rond héritée de leur pays d’origine. Alors les trois étudiants prennent une grande initiative : créer et entraîner une équipe de foot de mineurs sans papiers. Son nom ? "Melting Passes" (en référence à la métaphore "Melting Pot" qui désigne la politique d’intégration).

Deuxième division

Seulement voilà, il est impossible pour eux d’obtenir une licence de la FFF. Qu’importe, Maud Angliviel les inscrit au championnat de la fédération héritière du mouvement ouvrier, la FSGT, Fédération Sportive et Gymnique du Travail. Petit à petit, l’équipe s’organise et lance une cagnotte en ligne. Les joueurs en sandales obtiennent de vrais crampons. Et le "Melting Passes" double son effectif allant jusqu’à compter une trentaine de footballeurs. Affrontant parfois des joueurs de deux fois leur taille ou leur âge, ces mineurs migrants vont très vite gravir les marches du championnat pour se hisser en deuxième division un an plus tard.
(...)

Comme un bol d’air dans leur quotidien, ils s’entraînent, et se donnent à fond. Mais au-delà de l’histoire de cette équipe de foot au destin singulier, se dresse le portrait de la crise migratoire. Ils ont entre 13 et 17 ans et ont tout quitté dans l’espoir d’un avenir meilleur. C’est le cas d’Issouf, qui le soir, après l’entrainement, retourne à Jaurès, dormir sous le pont du métro aérien. A Abidjan, il se rêvait joueur de foot professionnel avant qu’un recruteur ne le fasse venir en Italie, à Milan, puis ne lui donne jamais de nouvelles. "Je ne parle pas italien, je ne pouvais rien faire". Il arrive à Paris un soir d’hiver, Gare de Lyon, sans vêtement chaud et ne sachant pas où aller. "L’école ne veut pas me prendre parce que je n’ai pas la validation du juge, alors pendant ce temps je fais des va-et-vient dans le métro", raconte Issouf. Le capitaine de l’équipe, Dian Malal, est originaire du Cameroun. Âgé d’à peine 15 ans, il a dû traverser le Sénégal, la Mauritanie, puis la Libye où il est resté travailler pendant un an avant de rejoindre les côté italiennes via un bateau de fortune. "J’ai vu beaucoup de choses là bas", confie-t-il sans en dire plus, visiblement encore marqué.

Une famille

Tous attendent des réponses juridiques, des démarches administratives parfois très longues. "C’est problématique parce que, parfois, en cours de démarche ils deviennent majeur et donc ça n’a plus de sens", détaille Maud qui ajoute aussi : "Un jeune mineur qui n’a pas été pris en charge va beaucoup galérer pour avoir un titre de séjour à sa majorité." Pour Bertrand Chevalier, chef du service de pédiatrie de l’hôpital Ambroise Paré, "un âge osseux utilisé seul pour déterminer l’âge chronologique d’un enfant est une aberration (…) la marge d’erreur est tellement grande que l’on n’est incassable de savoir si un enfant a un peu moins de 18 ans ou un peu plus de 18 ans."

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Issouf et Dian Malal ont finalement obtenu un accord de prise en charge. Aujourd’hui, ils étudient à Paris, dans des écoles professionnelles. Issouf espère un jour rentrer à Abidjan pour ouvrir une entreprise logistique et embaucher des jeunes qui, comme lui, rêve d’un avenir meilleur en Europe. "Comme ça, ils souffriront moins." Dian Malal, lui, l’assure : il ne quittera pas sa nouvelle famille : son équipe de foot. »

Voir en ligne : https://www.lesinrocks.com/2018/11/...