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"Le fichage des mineurs étrangers pourrait provoquer une arrivée de 20.000 migrants à Paris"

Publié le 7-12-2018

Source : L’OBS

Auteur : Mathieu Delahousse

Extraits :

«  Dominique Versini, adjointe d’Anne Hidalgo pour l’accueil des réfugiés à Paris, tire la sonnette d’alarme sur les conséquences du décret visant à ficher les migrants mineurs, que le gouvernement prépare.

Ancienne défenseure des enfants, Dominique Versini, l’adjointe de la Ville de Paris chargée de l’accueil des réfugiés et de la protection de l’enfance, réagit à l’instauration d’un fichage des mineurs étrangers isolés. (...)

Le décret du ministère de l’Intérieur prévoit l’instauration d’un fichier nommé AEM (appui à l’évaluation de la minorité) qui devrait rassembler les noms, les photos et les empreintes des mineurs étrangers isolés. A vos yeux, est-ce choquant ou cela répond-il à une urgence pour mieux gérer l’arrivée des migrants en France et les éventuelles fraudes ?

Dominique Versini. Ce projet de décret est très inquiétant. Il est très habile dans sa rédaction mais il tend un piège parfait aux départements. Il faut savoir que Paris a, comme bon nombre de départements, à l’image de la Seine-Saint-Denis et du Nord, fait part à de nombreuses reprises de la difficulté rencontrée pour assurer la mission d’évaluation de la minorité et de l’isolement des jeunes migrants.

(...)

Quelle est la situation et quels sont les chiffres sur l’arrivée des mineurs isolés en France ?

Il existe un afflux important. Le nombre de mineurs isolés a augmenté sur Paris de 500% en trois ans. Ils sont environ 21.000 à arriver chaque année dans notre pays. Parmi eux, beaucoup viennent à Paris. Ils seront 8.000 cette année au total. Tous les jours, nous mettons à l’abri des jeunes, des familles ou des enfants. Il est vrai qu’il existe des fraudes ou du nomadisme de département en département, mais il s’agit souvent d’une question de survie. Tenter sa chance au titre de la protection de l’enfance est un phénomène que nous observons et que nous devons encadrer mais pas à n’importe quel prix !

Nous avons mis en place un dispositif d’évaluation de ces jeunes puisque cette mission revient aux départements. A Paris et en Seine-Saint-Denis, c’est la Croix Rouge française qui le gère. S’il y a un doute sur le fait que le jeune soit mineur, nous devons lancer une évaluation approfondie et prendre une décision de non-admission s’ils sont manifestement majeurs. Le jeune peut toujours formuler un recours devant le juge des enfants en cas de non-admission. Des avocats les assistent.

Aujourd’hui, 30% des jeunes évalués mineurs sont placés dans des familles d’accueil ou des établissements de l’aide sociale à l’enfance des départements. Dans 70% des cas, une décision de non-admission est prise, en raison de non-minorité. Notre système n’est pas laxiste. Il n’est peut-être pas parfait. Mais le futur décret aura des conséquences graves.

Comment le décret va-t-il bouleverser les équilibres ?

Les dispositions de ce décret vont obliger les présidents de départements à transmettre leurs décisions relatives à la minorité ou à la majorité des jeunes au ministère de l’Intérieur pour qu’il le rentre dans le fichier des mineurs. Et ce qui est très grave, c’est que les jeunes, évalués majeurs par les départements, se retrouveront automatiquement dans le fichier des étrangers en situation irrégulière et pourront être à tout moment reconduits, sans avoir le résultat de leur recours devant le juge des enfants.

Notre rôle n’est pas de transmettre des listes de jeunes en situation irrégulière. Nous voyons bien que, puisque les réfugiés parviennent à passer les frontières, le gouvernement cherche des lieux pour les capter. La première tentative était la circulaire Collomb. La seconde tentative se veut une réponse à l’alerte donnée par les départements sur l’arrivée massive de ces jeunes.

Mais les orienter vers la Préfecture de Police est une solution de facilité qui nous est éthiquement et déontologiquement impossible. Notre rôle n’est pas celui-ci. Paris, dans ses compétences départementales, ne le fera pas. Mais ce décret nous tend un piège : si Paris ne l’applique pas, une situation de crise va surgir. Les jeunes n’iront pas vers les départements qui appliqueront ce décret mais vers Paris ou en Seine-Saint-Denis où nous poursuivrons l’évaluation sociale actuellement pratiquée. Si tout se concentre sur nos deux départements, un afflux de 20.000 jeunes migrants sur Paris est à prévoir pour l’année 2019.  »

Voir en ligne : https://www.nouvelobs.com/justice/2...