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L’accueil des migrants mineurs non-accompagnés à Nîmes

Publié le 7-05-2019

Source : L’Eko des quartiers

Auteur : Pierre Ndjami

Extraits :

«  Ils sont « mineurs étrangers isolés » ou « mineurs non-accompagnés ». Ces jeunes guinéens, maliens, ivoiriens, généralement d’Afrique francophone, ont emprunté les chemins migratoires chaotiques de l’Algérie, du Maroc ou de la Libye, sont passés par l’Italie ou les enclaves espagnoles de Melilia ou Ceuta pour s’échouer, après encore un long périple, à Nîmes. Ils sont accueillis par le dispositif départementale de l’Aide Sociale à l’Enfance, aidés, accompagnés et hébergés, parfois, par les réseaux citoyens de solidarité, les associations caritatives… Face à l’accroissement des demandes, le dispositif de par et d’autre sature et la situation peine à se réguler.

La longue route

ils sont près de 1060 jeunes pris en charge par le département du Gard et l’Aide Sociale à L’Enfance (ASE) et une centaine dans la ville de Nîmes, accompagnés par des éducateurs et logés dans des hôtels aux Bois des Espèces, à l’Acotel, au motel de Marguerittes ou à l’Empire. Ce n’est pas « la grande invasion » que certains prétendent mais elle est suffisante pour gripper les services sociaux.

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Le samedi 13 avril à l’Esplanade, à l’initiative de RESF30 (Réseau Education Sans Frontière), a eut lieu un rassemblement qui devait prendre la forme d’un campement symbolique « Aucun enfant ne doit dormir dans la rue », voulait sonner l’alarme et une réaction à une situation devenue insupportable. L’accueil qui se veut d’urgence, dure.

Ce jour, à l’Esplanade, nous avons rencontré Idriss, accompagné de ses 2 collègues d’aventures maliens Hichem et Ibrahim. Idriss est ivoirien et celui qui maîtrise le mieux le français. Il est arrivé à Nîmes, via le Maroc, il y a 3 mois. Bien-sûr, me dit-il, il est hébergé et mange à sa faim, mais pour lui son obsession, son unique objectif est d’obtenir ce JAE (Jugement d’Assistance Éducative) qui tarde à venir et l’empêche d’intégrer un lycée professionnel. Il voudrait être électricien… La situation politique en Côte-d’Ivoire étant plutôt stable, je m’interroge sur les raisons qui l’ont poussées à prendre la route. Il répond avec philosophie : « Chacun à son histoire, ce n’est pas tous le monde qui souhaite venir, d’autres y sont obligés !… Et si un enfant quitte la maison pour aller manger chez le voisin, toi le parent, demande-toi pourquoi !… ». Pudiquement, il me fera comprendre qu’il a subi au sein de sa cellule familiale de la maltraitance et que pour échapper à « cette maltraitance, pire que la mort !… », il valait mieux risquer sa vie. La souffrance n’est pas une fatalité et tous essayent d’échapper à ce déterminisme.

Muriel est une des 5/6 bénévoles qui accueillent et accompagnent cette vingtaine de jeunes qui chaque nuit ne sont pas pris en charge par l’ASE. Elle en accueille 4 actuellement qu’elle aide à constituer leurs dossiers et régler leurs situations administratives parfois kafkaïennes.

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Un dispositif d’accueil des mineurs qui sature

C’est l’État à travers la Direction Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse sous la tutelle du Ministère de la Justice qui donne le cadre et pilote ce dispositif mis en place il y a 6 ans. Cette cellule établi les pourcentages de jeunes à accueillir pour chaque département. Pour l’année 2019, le Département du Gard est tenu de prendre en charge 1,12% de l’ensemble des demandeurs éligibles à l’accueil et la prise en charge.

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La Loi versus les Solidarités ?

Yves Carel, de RESF30, veut tempérer la description de ce parcours d’accueil idéal du jeune migrant. Il en sait quelques choses, lui qui avec d’autres, s’occupent d’héberger, nourrir et conseiller ceux, une vingtaine par soir, qui ne sont pas encore pris en charge ou qui ont reçu un rejet de leur demande. « Un temps, par manque de place le Conseil départemental rejetait des demandes, ou allongeait la procédure, filtrant les demandeurs en leur réclamant des extraits d’actes de naissance et les renvoyant à la rue si tel n’était pas le cas. Depuis, il semble être revenu à la procédure normale. »
Conscient du manque de place et de la saturation du dispositif ordinaire d’accueil, Yves Carel pense qu’il existe des solutions d’hébergement pour traiter cette urgence, « Mais là, ce n’est plus du ressort des techniciens, c’est aux politiques de prendre les décisions ! », déclare t-il.

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Devant l’urgence de la situation et pour donner un accueil décent et digne, la société civile, les citoyens se mobilisent. C’est le cas d’Ados Sans Frontières qui organise le parrainage de mineurs dans le cadre de la Mission Mineurs Non Accompagnés (MMNA). (...)

Certains se substituent à l’action publique et entreprennent des initiatives de solidarités. Le procès de Chantal Raffanel, comédienne et militante RESF, traduite, le 6 mai, devant le tribunal correctionnel d’Avignon pour avoir mentionnée être responsable légale d’un jeune migrant mineur qu’elle avait inscrit au lycée professionnel, une prérogative de l’ASE, illustre bien ce malaise, ces incompréhensions entre les services administratifs qui doivent agir dans un cadre réglementaire stricte et rigoureux et l’initiative citoyenne, motivée par la générosité et la solidarité.

« L’accueil des jeunes migrants mineurs isolés est régie par une réglementation issue du Code de l’Action Sociale et des Familles stricte et balisée. Il appartient au Département, à qui le juge a confié le mineur et l’autorité parentale, de l’accompagner dans tous ces actes civiles. Dans certains cas, une tiers-personne peut se voir délivrée l’autorité parentale par décision du juge dans le cadre du « tiers digne de confiance ». En dehors de ces dispositions, on n’est pas dans un cadre légal », précisera Daniel Eyraud.

Le cœur et la raison se disputent toujours et loin de trancher sur la question, il appartient à chacun de prendre ses responsabilités. Pour ne pas « laisser l’indignité nous gagner en livrant à la rue ces enfants ».  »

Voir en ligne : http://www.ekodesquartiers.net/2019...