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Les jeunes étrangers sont abandonnés par les services de l’état

Publié le 28-07-2020

Source : L’Humanité

Auteure : Entretien réalisé par Eugénie Barbezat

Extraits :

« Pour ceux que la Cimade surnomme les Jedi (jeunes en danger isolés), être reconnus mineurs, donc pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, ne va pas de soi. Violaine Husson est Responsable des mineurs isolés étrangers à la Cimade.

Peut-on estimer le nombre de mineurs étrangers isolés sur le territoire français ?

Violaine Husson : (...) À la Cimade, on remarque que beaucoup de mineurs renoncent à demander cette prise en charge, car la porte d’entrée pour est désormais soit la préfecture soit le commissariat. Or, ceux qui ont été victimes de violences policières durant leur parcours migratoire ou considèrent la préfecture (parfois à raison) comme un endroit où ils sont susceptibles d’être arrêtés, ne veulent pas s’y rendre.

Comment la minorité de ces jeunes est-elle déterminée ?

Violaine Husson : Normalement, la protection de l’enfance ne fait pas de distinction entre enfant français et étranger. Néanmoins, pour être pris en charge, les jeunes étrangers doivent justifier de leur minorité et de leur isolement. L’authenticité de leurs papiers d’identité est systématiquement contestée et l’enquête les concernant est souvent menée à charge. On n’hésitera pas à déclarer un adolescent majeur au vu de sa stature, de sa capacité à se débrouiller, à parler français, etc. Enfin, les tests osseux, dont la fiabilité pour déterminer l’âge est unanimement contestée par la communauté scientifique, restent utilisés. La marge d’erreur de cet examen, qui consiste en une radiographie des os de la main, est de 6 à 18 mois. D’où leur absurdité, quand on sait qu’une proportion importante des jeunes arrive sur notre territoire entre 15 et 18 ans.

Que se passe-t-il en attendant le résultat de cette évaluation ?

(...)

Quid des « recalés » ?

Violaine Husson : Ils se retrouvent à la rue, dans des campements, des squats, à la merci de réseaux pédocriminels. Ils sont parfois hébergés par des particuliers qui les accueillent chez eux, ce qui n’est pas sans poser de problèmes. On a pu constater pas mal d’abus de la part d’hébergeurs qui considéraient ces enfants comme leurs domestiques. Même quand ils sont bienveillants, ces gens ne sont pas formés pour accueillir des adolescents qui nécessitent un suivi social, juridique et médical particulier. Beaucoup ont en effet subi de graves traumatismes lors de leur exil et peuvent « décompenser » lors de moments de répit.

Quel recours ont les jeunes qui sont déclarés majeurs ?

Violaine Husson : À la Cimade, nous avons longtemps considéré que les mineurs étaient des enfants avant d’être des Étrangers, et qu’il n’était donc pas de notre ressort de les accompagner. Mais vu le traitement qui leur est fait, nous avons constaté que ces JEDI (jeunes en danger isolés), comme nous les appelons, en référence aussi aux combattants qu’ils sont, avaient besoin de notre aide. Nous les assistons donc pour qu’ils déposent des recours auprès des juges des enfants, qui peuvent les entendre et les déclarer mineurs, obligeant ainsi l’ASE à les prendre en charge. Mais la procédure est longue et compliquée. Pour que l’audience se tienne, le juge exige parfois que le jeune ait un passeport, ce qui n’est pas toujours le cas… De ce fait, beaucoup abandonnent la procédure ou deviennent majeurs avant qu’elle n’aboutisse. Nous insistons pour qu’ils s’accrochent, même si c’est difficile, car, même s’ils sont majeurs, la loi française prévoit une protection pour tous jusqu’à 21 ans. On arrive parfois à faire du contentieux, notamment devant la Cour européenne des droits de l’homme pour que les départements soient contraints par les juges administratifs d’héberger et d’accompagner certains jeunes, très vulnérables, en attendant que le juge des enfants statue sur leur minorité.

(...) »

Voir en ligne : https://www.humanite.fr/violaine-hu...