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« A Marseille, l’appel à l’aide de travailleurs du social »

Publié le 28-09-2020

Source :La Marseillaise

Auteur : Jolan ZAPARTY

Extraits :

« L’Association d’Aide aux Jeunes travailleurs (AAJT) accompagne des mineurs isolés à Marseille. Des salariés racontent leurs conditions de travail qui selon eux, se dégradent sous les impératifs économiques d’un secteur qui accueille toujours plus de jeunes mais rogne sur leur accompagnement.

Comme l’ensemble des Maisons d’enfants à caractère social (MECS), l’AAJT est financée par l’aide sociale à l’enfance au niveau départemental. Parce que la somme allouée à chaque association dépend du nombre de jeunes pris en charge selon des négociations avec le département, la CGT de l’aide sociale à l’enfance parle d’« un secteur du social devenu un marché ». En septembre 2019, un appel d’offres était lancé pour répondre au besoin de placement en MECS de 500 mineurs non accompagnés dans les Bouches-du-Rhône. L’AAJT fait partie des associations ayant remporté l’appel d’offres.

(...) Créé en 1954, ce foyer, à l’origine de jeunes travailleurs, est aujourd’hui l’une des nombreuses structures à Marseille qui encadrent des mineurs non accompagnés.

(...) Or, depuis les années 80, face au nombre croissant d’arrivées en France de mineurs isolés migrants, l’AAJT s’est « spécialisée » dans l’accueil de ce nouveau public, en même temps qu’explosaient les demandes de l’ASE. Le nombre de mineurs pris en charge par l’association a quasiment quadruplé en deux ans, passant d’une trentaine en 2018 à 114 aujourd’hui.

L’antenne principale de l’AAJT est située rue Palestro, non loin de la gare Saint-Charles où arrivent ces mineurs isolés venus de Guinée, du Mali, de Côte d’Ivoire... Au sein d’un pôle dit collectif, la structure héberge une cinquantaine de jeunes en chambres simples ou doubles. 64 autres sont logés dans de petits studios ou en colocation dans le pôle « Diffus » de l’AAJT, rue de Crimée.

Gestion à flux tendu

Si le directeur de l’AAJT, Frédéric De Sousa Santos, avance un taux d’encadrement « dans la moyenne du secteur, de un adulte pour huit jeunes », il ne dit rien du turn-over dénoncé au sein des équipes. Ancienne de l’AAJT, Christelle* a constaté, impuissante, les départs à la chaîne de collègues épuisés. D’autant plus que selon elle, les recrutements ne ciblent plus de personnes formées au métier d’éducateur. « (...) »

Recrutée il y a sept ans à l’AAJT, Samia*, a quant à elle vu son poste d’éducatrice scindé en deux en 2018. Aujourd’hui, elle fait chaque jour l’aller-retour entre la rue Palestro et le Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) que gère aussi l’AAJT à la Rose. « Je suis référente de 6 ou 7 jeunes mais je n’ai plus le temps de les suivre correctement, alors je fais surtout le taxi quand il faut les conduire, par exemple à un rendez-vous médical ». À leur entrée à l’AAJT, les mineurs isolés étrangers ont en moyenne 16 ans et demi. En clair, les équipes ont un an et demi jusqu’à leur majorité pour leur trouver des papiers, les scolariser, les orienter vers une formation...

Si la cheffe de service des MECS, Fanny Duperret, évoque un bon taux d’encadrement avec « 90% de nos jeunes qui sortent avec un emploi et un toit », l’association n’a toujours qu’un seul poste dédié à l’insertion professionnelle pour 114 jeunes. Au pôle juridique, on compte une salariée et un poste à mi-temps, épaulés par un service civique. Même si la direction s’en défend, ces jeunes en formation peuvent alors vite devenir essentiels. Selon Thomas*, arrivé en service civique il y a six mois, les jeunes ne se sentent plus écoutés, faute de pouvoir investir un éducateur sur la durée. « Certains restent dans leur déprime, dans leur violence et à un moment donné, ça explose. On en a vu casser des vitres, s’exploser entre eux la gueule. Ils se perdent, quoi. »

(...)

Un sentiment d’impuissance

Dans le social, ce sentiment d’impuissance et de perte de sens du métier n’est pas propre à l’AAJT. Monté à l’été 2018, le collectif Le Social Brûle réunit des travailleurs du secteur qui rencontraient tous peu ou prou les mêmes difficultés dans leurs structures. Sur le turn-over de contrats précaires dénoncé à l’AAJT, Julie, membre du collectif, parle d’une pratique devenue monnaie courante dans le social, « parce que les financements associatifs reposent maintenant principalement sur des appels à projet. Qui dit appel à projet dit financement court, qui dit financement court dit aucune visibilité à long terme et des directions d’associations qui ont recours à des CDD, voire de l’intérim beaucoup plus fréquemment ». (...) ».

(...)
* Tous les prénoms ont été modifiés. »

Voir en ligne : https://www.lamarseillaise.fr/socia...