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"Mineurs étrangers : le fichier antifraude bientôt imposé à tous les départements"

Publié le 7-07-2021

Source : Médiapart

Autrice : Nejma Brahim

Extraits :

« (...) Depuis 2019, le gouvernement invite les départements, sur la base du volontariat, à renvoyer les jeunes se présentant comme mineurs vers la préfecture, où un certain nombre de données personnelles (prise d’empreintes digitales, photos, adresse de domiciliation, numéro de téléphone...) sont alors collectées et enregistrées. Ces dernières sont ensuite comparées au fichier dit « Visabio », qui répertorie les demandes de visa formulées depuis l’étranger et peut biaiser les déclarations des jeunes se présentant comme mineurs, puisque certains d’entre eux tentent d’abord une demande de visa en se déclarant majeurs, dans le but de s’éviter la traversée par la mer.

« Certains départements ne prennent même plus la peine de faire l’évaluation pour un jeune si la préfecture dit qu’il se trouve dans Visabio », souligne Jean-François Martini, juriste au Gisti. Selon le Groupe d’information et de soutien des immigrés, 77 départements ainsi que la métropole de Lyon auraient déjà recours au fichier AEM permettant la collecte d’informations. Pourtant, jusqu’à présent, impossible de mesurer l’éventuelle « fraude » à laquelle pourraient s’adonner les jeunes migrants en recherche de protection en France.

Aucun chiffre, aucun bilan, rappelle Camille Boittiaux, référente MNA chez Médecins du monde, ne permettent d’« objectiver le phénomène de “nomadisme” ». « Rien ne justifie l’utilisation de ce fichier. Les arguments avancés par le gouvernement ne sont pas convaincants. Les MNA sont encore une fois considérés comme des migrants, de potentiels fraudeurs, avant d’être vus comme des enfants. »

Pourquoi donc vouloir rendre obligatoire un fichier biométrique controversé, auquel même la Défenseure des droits a manifesté son opposition, dans un avis critique adressé à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale fin juin, pointant un texte « pas à la hauteur des besoins que l’on note en protection de l’enfance », rappelant, au passage, que le droit des MNA de refuser de transmettre leurs informations personnelles « n’est plus considéré ni prévu » ?

Pour les associations d’aide aux migrants et aux MNA, comme pour le député Guillaume Chiche, la réponse est simple : il s’agit de faire de la protection de l’enfance un « outil de lutte contre l’immigration irrégulière ». « On passe du champ de la protection de l’enfance à un système policier, et le fichier AEM en est le premier pont », prévient Jean-François Martini. Dans un communiqué interassociatif rassemblant le Gisti, La Cimade, Infomie, Médecins du monde et le Secours catholique, ces organisations dénoncent un « fichage policier systématique » et la « nocivité » de ce fichier. « Depuis sa mise en œuvre par la plupart des départements métropolitains, c’est une catastrophe pour les jeunes à tous points de vue », poursuit le juriste auprès de Mediapart. (...)

Un mélange des genres « intolérable » pour le Gisti. « On ne peut pas à la fois faire de la protection de l’enfance et mettre en œuvre des mesures elles-mêmes affichées comme de la lutte contre l’immigration irrégulière, estime Jean-François Martini. Le résultat de l’évaluation finit entre les mains d’une préfecture qui peut en tirer un argument pour prononcer une mesure d’éloignement, on organise une collaboration objective entre professionnels de la protection de l’enfance et services des préfectures. » (...)

Le projet de loi prévoit par ailleurs d’interdire le placement des mineurs à l’hôtel, mais introduit tout de même un caractère d’urgence, avec une durée maximale de deux mois, qui laisse planer le doute : « Deux mois, c’est déjà énorme ! Il y a entre 7 500 et 10 000 enfants placés à l’hôtel, et cela répond quasiment tout le temps à des situations d’urgence et de mise à l’abri. Donc cela ne va rien changer », alerte Guillaume Chiche, ajoutant qu’une majorité des enfants placés à l’hôtel sont des MNA. « Quand j’ai interpellé le ministre [Adrien Taquet] en commission, il a répondu que la durée de deux mois correspondait au temps qu’il fallait aux départements pour évaluer la minorité. Il y a donc un droit d’exception pour les MNA, et il est criminel d’organiser le tri entre les enfants. » (...)

Rien concernant ces jeunes reconnus mineurs par un département, puis réévalués majeurs dans un second département en raison du système de répartition imposé. Rien, enfin, concernant ces ex-MNA qui, à leur majorité et malgré une formation en apprentissage, parfois avec le soutien d’un employeur, sont menacés d’expulsion, révélant toutes les incohérences de l’État (...) »

Voir en ligne : https://www.mediapart.fr/journal/fr...