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Regroupement familial : la Cour de Justice de l’UE élargit les droits des jeunes

Publié le 4-08-2022

Date de la publication : 04/08/2022
Source : InfoMigrants
Autrice : Maïa Courtois

« Une série de décisions, rendue publique début août par la Cour de justice de l’Union européenne, a étendu les conditions d’accès au regroupement familial en Europe. Parmi les nouveautés : un État-membre ne pourra plus refuser le regroupement familial à un jeune au motif que celui-ci a atteint l’âge de 18 ans durant le traitement de sa demande.

Des avancées importantes et concrètes dans les droits des jeunes exilés ont été consacrées par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Quatre décisions, rendues publiques le 1er août, étendent les conditions d’accès au regroupement familial ainsi qu’à la demande d’asile pour des jeunes exilés, et ce qu’ils soient mineurs non-accompagnés ou devenus récemment majeurs.

Ces décisions vont harmoniser les règles en vigueur dans les divers pays de l’UE.

Passage en revue des trois conclusions principales de la Cour et de leur impact sur l’avenir des jeunes.

Recours contre un refus de regroupement familial via Dublin : "une avancée majeure"

L’une de ces décisions concerne les voies de recours dans le cas où un État-membre refuse de prendre en charge un mineur non-accompagné (MNA) dans le cadre du regroupement familial prévu par le règlement Dublin III. Si ce règlement propose bien une procédure de réunification, certains État-membres opposent des refus de transfert, empêchant les MNA de rejoindre leur famille par ce biais.

La question adressée à la CJUE était la suivante : peut-on faire appel de ces refus, auprès d’un tribunal ? "Le règlement Dublin III n’était pas clair sur la question", retrace Lucie Bichet, juriste de Safe Passage. Cette ONG spécialisée dans les voies légales de migration pour les mineurs intervient dans plusieurs pays. Ses équipes se sont plusieurs fois retrouvées face à une "interprétation très variée d’un pays à l’autre. La France fait partie des pays qui considéraient qu’il n’existait pas de recours possible. De même que les Pays-Bas, la Suède et l’Autriche", expose la juriste.

La CJUE avait été saisie du cas d’un demandeur d’asile égyptien de 17 ans. En 2019, le jeune homme, arrivé en Grèce, souhaite être réuni avec son oncle, réfugié aux Pays-Bas. La Grèce dépose donc une demande de transfert auprès des Pays-Bas, au nom de la procédure de regroupement familial prévue par le règlement Dublin. Mais les Pays-Bas refusent le transfert. "Les autorités grecques ont tenté de faire appel, mais ont été repoussées par les Pays-Bas, qui ont déclaré que la législation européenne en matière d’asile ne permettait pas à un autre pays de contester de telles décisions", relate le site spécialisé Court House News.

Aujourd’hui, la CJUE a tranché : la possibilité de contester en justice ces refus est indiscutable. Les tribunaux néerlandais, comme français, suédois ou autrichiens, devront donc s’y plier. Il s’agit là d’"une avancée majeure", aux yeux de Lucie Bichet.

Devenir majeur au cours de la demande d’asile des parents : plus un obstacle au regroupement familial

L’autre dénouement important concerne l’âge des jeunes demandant un regroupement familial. La directive européenne de 2003, qui régit ce droit, comportait là aussi quelques flous.

L’affaire dont a été saisie la CJUE concerne une jeune Syrienne et son père. Lorsque le père rejoint l’Allemagne et y dépose une demande d’asile, en 2016, la fille est mineure. Le temps qu’il obtienne son statut de réfugié en 2017 - ce qui permet d’enclencher une demande de regroupement familial, dans un délai de trois mois -, sa fille a déjà 18 ans.

Dans sa conclusion, la CJUE affirme que la date à prendre en compte, pour juger si la demande de réunification est valable, est celle de l’introduction de la demande d’asile par le parent. L’adolescente était mineure lorsque son père a demandé l’asile. L’Allemagne n’a donc pas le droit de refuser la demande de réunification au motif que la jeune femme est aujourd’hui majeure.

"Cela met sur un pied d’égalité tous les mineurs souhaitant rejoindre leurs parents, peu importe la durée de traitement de la demande d’asile de ces derniers...", commente Lucie Bichet. "Ne pas harmoniser revenait à dépendre de la rapidité des procédures dans chaque pays."

Certains pays avaient défini leurs propres seuils. En France par exemple, il était possible de déposer une demande de regroupement familial jusqu’à la veille de ses 19 ans. "Désormais, si on imagine une situation où la procédure d’asile des proches dure tellement longtemps que le jeune dépasse 19 ans, il pourra toujours faire cette demande", se satisfait Lucie Bichet.

L’Allemagne était, quant à elle, dotée d’une législation nationale restrictive. On le comprend dans la troisième affaire examinée par la CJUE : l’Allemagne a refusé des visas de regroupement familial à deux adolescents syriens dont les familles avaient obtenu l’asile en 2015. Et ce, au motif que les deux garçons étaient devenus, entre-temps, majeurs. Les administrations et tribunaux allemands devront donc désormais assouplir leurs décisions, et la législation nationale se réadapter.

Droit de demander l’asile dans un pays différent de celui où les parents sont réfugiés

Le quatrième et dernier dossier sur lequel la CJUE s’est prononcée touche au droit d’asile en tant que tel. Il concerne une famille tchétchène, groupe minoritaire musulman subissant des discriminations en Russie. Le couple parental, ainsi que leurs cinq enfants, ont obtenu l’asile en Pologne en 2013. Puis, tous ont déménagé en Allemagne. C’est là que naît leur dernière fille. Alors qu’elle est âgée de 7 ans, une demande d’asile est déposée pour elle en Allemagne. Mais les autorités berlinoises la rejettent au nom du règlement Dublin III : la famille ayant déjà obtenu l’asile dans un autre pays de l’UE, la Pologne, c’est ce pays qui est à leurs yeux responsable de la demande d’asile de la fillette.

La CJUE contredit les autorités allemandes. Elle estime qu’il y a une mauvaise interprétation du droit européen : la fillette a bel et bien le droit de demander l’asile en Allemagne. Cette résolution pourrait concerner à l’avenir bien d’autres familles, en Allemagne comme ailleurs. »


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