InfoMIE.net
Informations sur les Mineurs Isolés Etrangers

Accueil > Actualités MIE > Protection de l’enfance : le recours à l’intérim s’accentue

Protection de l’enfance : le recours à l’intérim s’accentue

Publié le 14-10-2022

Date de la publication : 14/10/2022
Source : Le Monde
Autrice : Solène Cordier

« Confrontées à des difficultés de recrutement, les structures d’accueil font de plus en plus appel à des intérimaires. Une évolution inquiétante, selon les professionnels, qui rappellent combien les liens d’attachement sont importants pour les enfants confiés.

Qu’ils le reconnaissent à contrecœur ou le combattent avec virulence, les acteurs de la protection de l’enfance s’entendent sur un constat : ces dernières années, le recours à l’intérim s’est largement développé dans les structures prenant en charge les enfants confiés… faute de mieux. Frappé, comme d’autres, par une crise du recrutement sans précédent aux raisons multiples (bas salaires, manque de reconnaissance, contraintes élevées) le secteur tente tant bien que mal d’assurer sa mission de protection des jeunes. Quitte à placer devant eux des professionnels non qualifiés, qu’il faut alors former, ou à faire appel, souvent dans l’urgence, à des intérimaires.

« Le recours aux intérimaires s’est accru au fil du temps, ce qui est très problématique par rapport à la qualité de la prise en charge, voire incompatible avec la continuité des parcours qu’on appelle de nos vœux pour les enfants qui nous sont confiés  », confirme Flore Capelier, directrice de l’Observatoire national de la protection de l’enfance, qui souligne l’importance des « liens d’attachement » pour ces enfants, aux parcours déjà faits de ruptures.

Une enquête menée cet été par l’Uniopss, un réseau d’associations des secteurs du sanitaire, social et médico-social, auprès de 252 établissements et services de protection de l’enfance témoigne de cette évolution inquiétante : 95 % d’entre eux rencontrent des difficultés de recrutement, et 49 % reconnaissent, dans ce contexte, avoir fait appel à l’intérim.

Certains départements, chefs de file de la protection de l’enfance, sont passés à l’étape supérieure, en déléguant directement la responsabilité d’enfants à une structure n’embauchant que des intérimaires. Parmi eux, le Calvados ou la Mayenne. En juin 2021, ce dernier département a fait appel à une association partenaire, « qui possède sa propre société d’intérim  » pour lui confier treize mineurs. Des éducateurs, des veilleurs de nuit et des animateurs intérimaires se sont succédé devant ces enfants « à profils complexes  », qui « avaient mis en échec les autres modes d’accueil », explique Isabelle Leboulanger, directrice de la solidarité du département. Une solution « provisoire », précise Mme Leboulanger. « Un appel d’offres est en cours, c’est une structure qui n’a pas vocation à être pérenne  », assure-t-elle, consciente des critiques qu’une telle prise en charge peut susciter.

« On fait quoi ?  »

De la même manière, sa collègue du Calvados, Christine Resch-Domenech, directrice générale adjointe de la solidarité, justifie ce recours à l’intérim par « l’urgence  ». « On avait des enfants avec des troubles psychiques, en danger dans leur famille, avec des parents qui craquent, sans solution d’accueil dans le handicap ou le médico-social, et nos partenaires en protection de l’enfance n’avaient pas la possibilité de réagir rapidement, justifie la responsable. A ce moment-là, pour les élus, la question qui s’est posée était la suivante : on fait quoi ? On les laisse chez les parents ou on prend cette décision ?  » Quarante mineurs sont pris en charge depuis avril 2021 par une structure composée d’intérimaires. C’était « le seul opérateur qui pouvait, en l’espace de quatre mois, monter à quarante places en accueillant des fratries », assume Mme Resch-Domenech. Selon la convention signée par le département, qui a été renouvelée, le dispositif est financé jusqu’en mars 2023.

Pour bon nombre de responsables de structures d’accueil, qui reçoivent les quelque 170 400 enfants confiés en dehors de leur famille, l’intérim reste cependant un repoussoir. Guillaume Albert, directeur du foyer de l’enfance des Ardennes, un établissement public dont la mission est l’accueil d’urgence des enfants en situation de danger chez eux, s’y oppose avec force. « En faisant cela, on démultiplie encore le nombre de personnes en face des enfants, il n’y a aucune cohérence  », oppose-t-il. Or, c’est « tout l’inverse dont ces derniers ont besoin  », s’insurge ce professionnel en poste de direction depuis dix-sept ans, avec 160 salariés sous sa responsabilité.

Confronté, comme tous les services, à des difficultés de recrutement, M. Albert porte un regard critique sur ceux qui font le choix d’exercer en intérim : « Notre métier, c’est d’accompagner les jeunes, d’être là même quand c’est difficile. Si on change chaque fois que ça devient dur, on ne remplit pas notre mission. »

Voir l’article en ligne : www.lemonde.fr