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Turquie - Human Rights Watch alerte sur les déportations de réfugiés syriens en Turquie

Publié le 24-10-2022

Date de la publication : 24/10/2022
Source : Libération
Autrice : Hala KODMANI

« Selon l’ONG de défense des droits de l’homme, la Turquie déporterait des centaines de réfugiés syriens vers le nord du pays depuis quelques mois. Le tout dans un contexte de normalisation avec le régime de Bachar al-Assad et alors que les affrontements redoublent à proximité de la frontière.

Ils sont arrêtés dans la rue, à leur domicile ou sur leur lieu de travail, détenus arbitrairement et souvent violentés avant d’être conduits de force à la frontière. Des réfugiés syriens en Turquie ont été déportés par centaines vers le nord de la Syrie ces derniers mois. Un rapport publié lundi matin par Human Rights Watch (HRW) alerte sur cette « violation du droit international » par les autorités turques.

« Alors que la Turquie a accordé la protection temporaire à 3,6 millions de réfugiés syriens, il semble qu’elle cherche aujourd’hui à transformer le Nord syrien en dépotoir pour réfugiés », note Nadia Hardman. La chercheuse de HRW sur les droits des réfugiés et des migrants a mené l’enquête en Turquie auprès des Syriens déportés. Elle a interviewé entre février et septembre, une quarantaine de personnes visées par les ordres d’expulsion ou des membres de leur famille. « Il s’agit essentiellement d’hommes, souvent très jeunes, voire mineurs », souligne la chercheuse. Deux des 47 réfugiés visés par des mesures de déportation sont des « enfants ».

Instrumentalisation politique

Cueillis par la police à leur domicile ou plus souvent sur leur lieu de travail, souvent au prétexte qu’ils ne se trouvent pas dans la ville où ils sont enregistrés, les Syriens sont arrêtés, placés dans des centres de détention où ils sont maltraités, puis conduits à la frontière. On les force à signer des documents indiquant qu’il s’agit d’un retour volontaire dans leur pays, selon HRW. Ils laissent souvent derrière eux leur famille, désormais privée de ressources en Turquie.

« La montée de la xénophobie en Turquie se traduit par une hostilité déclarée contre les réfugiés syriens », souligne Nadia Hardman. Un sentiment nourri par la crise économique que traverse le pays depuis deux ans et dont souffre une population turque paupérisée par l’inflation galopante – elle a dépassé 83 % sur un an le mois dernier. « La question est aussi instrumentalisée par les différentes forces politiques dans la perspective de la campagne électorale », ajoute la chercheuse. Les élections législatives et présidentielle prévues au printemps 2023 sont l’occasion d’une surenchère entre l’opposition et le gouvernement sur le retour des réfugiés syriens. Recep Tayyip Erdogan a même annoncé en mai son intention de renvoyer jusqu’à 1 million de Syriens dans leur pays.

Situation instable à la frontière

Le problème des réfugiés s’inscrit en outre dans une évolution notable de la position turque vis-à-vis du dossier syrien. Une normalisation avec le régime de Bachar Al-Assad est envisagée après des années de rupture. Dans le même temps, l’armée turque joue un jeu trouble depuis quelques semaines dans le Nord-Ouest syrien encore contrôlé par l’opposition armée au régime. Des combats ont opposé la principale organisation jihadiste du nord de la Syrie à des groupes pro-turcs faisant une soixantaine de morts, sans que les forces d’Ankara n’interviennent.

Ces affrontements, les plus meurtriers depuis des années, ont permis au groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS), ex-branche syrienne d’Al-Qaeda, de gagner du terrain dans les zones d’influence d’Ankara, proches de la frontière avec la Turquie. « Outre la domination de HTS, la situation est tout à fait instable dans la région d’Idlib, du fait de la présence de différentes factions », fait valoir Nadia Hardman en insistant sur l’illégalité du renvoi des réfugiés dans ce contexte.

En conclusion de son rapport, HRW demande au gouvernement turc de cesser ces déportations illégales, présentées comme des « retours volontaires ». L’ONG en appelle aussi à l’Union européenne, principale contributrice de l’aide aux réfugiés syriens à la suite de l’accord de 2016 avec la Turquie pour empêcher les migrants d’atteindre l’Europe, afin de faire pression sur Ankara en demandant des comptes sur l’aide octroyée. [...] »

Voir l’article en ligne : www.liberation.fr