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CheckNews - On démêle le vrai du faux sur l’accueil et le logement des 230 migrants de « l’Ocean Viking » débarqués à Toulon

Publié le 11-11-2022

Date de la publication : 11/11/2022
Source : Libération
Auteur : Jacques PEZET

« Les 230 rescapés du navire humanitaire seront logés dans un village vacances de Giens, transformé temporairement en une zone fermée où leurs demandes d’entrée sur le territoire français seront examinées.

L’arrivée à Toulon des 230 migrants recueillis par SOS Méditerranée à bord du navire Ocean Viking a suscité une double polémique. Sans surprise, l’extrême droite (et une partie de la droite) s’est indignée de conditions d’accueil supposément luxueuses, évoquant un centre de vacances avec piscine. A contrario, des militants humanitaires et des juristes spécialisés en droit des étrangers ont dénoncé le fait que les passagers du bateau soient placés dans une « zone d’attente ».

Contacté par CheckNews, le ministère de l’Intérieur et des Outremers a démenti une information initialement affirmée par BFMTV et reprise par la revue du site d’extrême droite Fdesouche et par le député LR Eric Ciotti, selon laquelle les migrants seront logés dans le club Belambra situé à la presqu’île de Giens, dont les photos montrant des piscines et des restaurants rénovés ont indigné certains internautes.

Conformément à l’arrêté préfectoral, le ministère indique en réalité que les migrants seront logés dans le CCAS Centre du Levant de Giens, un centre de vacances appartenant à la Caisse centrale d’activités sociales du personnel des industries électrique et gazière. Une source locale indique que « le Belambra est juste à côté », ce qui a pu expliquer la confusion. Si le CCAS de Giens est en temps normal un centre de vacances proposant des gîtes, le ministère insiste sur le fait que le lieu a été choisi pour « sa grande capacité d’accueil collective », se sentant obligé d’ajouter que les conditions d’accueil n’y « sont évidemment pas des conditions de vacances ». Pour rappel, le bateau ambulance de SOS Méditerranée, après avoir recueilli entre le 22 et le 26 octobre 230 femmes, enfants et hommes (dont plus de 40 mineurs non accompagnés) sur des embarcations surchargées, était coincé en mer depuis dix-neuf jours, avec des « conditions de vie drastiquement dégradées », selon SOS Méditerranée.

Zone d’attente

A rebours des indignations prévisibles de l’extrême droite, des militants et juristes spécialisés dans le droit des étrangers ont, eux, dénoncé la mise en place d’une zone d’attente temporaire. Ainsi Alexandre Moreau, président de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, a déploré sur Twitter que les migrants soient « placés en zone d’attente, privés de liberté pour des procédures expéditives ». « En créant une zone d’attente temporaire, les autorités laissent débarquer les personnes en France géographiquement mais pas juridiquement. La zone d’attente n’étant pas encore le territoire national », poursuit le juriste. Et de poursuivre : « En ZA, c’est le ministère de l’intérieur qui prend une décision : laisser entrer ou non. » Contacté par CheckNews, Alexandre Moreau estime qu’au regard de l’expérience traumatisante qu’ont vécue ces personnes, « on aurait dû les laisser entrer sur le territoire de manière à ce qu’elles puissent se reposer avant d’entamer des démarches ».

Sur TF1, jeudi soir, Gérald Darmanin avait insisté sur le fait que les 230 migrants « ne pourront pas sortir du centre administratif de Toulon » où ils seront placés et qu’« ils ne sont donc pas légalement sur le territoire national ». Sur ce point, le ministère précise que les passagers de l’Ocean Viking se trouveront « en zone d’attente » temporaire encadrée par la police aux frontières. L’arrêté préfectoral précise qu’elle se situe « sur l’emprise de la base navale de Toulon et sur celle du Village vacances CCAS EDF ».

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile définit une zone d’attente comme le lieu où un étranger arrivé en France, qui « soit n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l’asile », peut être maintenu « pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s’il est demandeur d’asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n’est pas manifestement infondée ». Il peut y être maintenu vingt jours (vingt-six au maximum en cas de demande d’asile déposée) et à sa sortie de la zone d’attente, il doit soit quitter la France, soit il est autorisé à entrer en France provisoirement.

Sur place, les 230 migrants auront accès à « une prise en charge sanitaire » puis « sécuritaire ». Cette dernière correspondant à des entretiens avec des agents de la DGSI pour déterminer s’ils présentent un risque. Enfin, ils pourront rencontrer des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui détermineront s’ils peuvent entrer sur le territoire français. La Place Beauvau indique que « 16 agents de l’Ofpra sont mobilisés, soit une capacité de 90 entretiens par jour » afin de voir si les demandes d’asile que pourraient formuler ces étrangers sont « manifestement infondées ».

Pas de procédure accélérée

Contrairement à ce qu’a pu affirmer le préfet, évoquant « l’examen des demandes d’asile par l’Ofpra en procédure accélérée » lors d’une conférence de presse ce jeudi, le professeur de droit public à l’université de Grenoble-Alpes et spécialiste du droit des étrangers, Serge Slama explique « les demandes d’asile ne seront pas examinées en procédure accélérée mais suivant la procédure d’asile à la frontière spécifique à la zone d’attente ». Le rôle de l’Ofpra est de déterminer si ces migrants peuvent être considérés comme des demandeurs d’asile. Si tel est le cas et s’ils sont autorisés à rentrer sur le territoire français par le ministère de l’Intérieur. Alors, ils devront effectuer une véritable demande d’asile en France.

Serge Slama précise qu’en cas de refus d’entrer sur le territoire, un étranger peut tout de même effectuer un recours, et insiste sur le fait que les journalistes, les parlementaires, des avocats et certaines associations peuvent se rendre sur place pour rencontrer les migrants et veiller au bon déroulement de leur accueil. »

Voir l’article en ligne : www.liberation.fr