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Publié le 6-12-2022
Date de la publication : 06/12/2022
Source : Le Parisien
Autrice : Faustine LEO
« Leticia Bertuzzi, psychologue d’un centre d’accueil de jour géré par Médecins sans frontières en Seine-Saint-Denis, fait le bilan de son travail auprès de jeunes réfugiés qui doivent apprendre à se reconstruire tout en essayant de trouver leur place face à la machine administrative et judiciaire.
Médecins sans frontières (MSF) a ouvert il y a cinq ans à Pantin (Seine-Saint-Denis) un centre de jour qui permet à ces mineurs non accompagnés (MNA) de contester juridiquement l’âge de la majorité que leur attribuent, dans 70 % des cas, des juges après un test osseux dont la marge d’erreur est de deux ans. Mais c’est aussi un lieu où manger, se doucher et confier sa détresse à des psychologues, dont Leticia Bertuzzi.
De quoi souffrent les jeunes que vous recevez ?
LETICIA BERTUZZI. De grande tristesse, de pensées suicidaires. Ils ont peur de devenir fous. Ils ont des angoisses face à l’administration dont ils ne saisissent pas les rouages ou face à leur propre avenir. Être tout seul dans la rue affecte fortement leur psychisme, ils ne voient plus aucune perspective à leur vie. Le plus dur est d’être considérés comme des menteurs par les autorités. On leur dit qu’ils ne peuvent pas être mineurs car ils font preuve de trop de maturité. Mais c’est bien normal d’avoir grandi si vite après avoir vécu l’inimaginable.
Ils ont parcouru des milliers de kilomètres pour fuir des violences, des conflits armés, un mariage forcé, des discriminations, un risque d’excision dans l’espoir d’une vie meilleure. Lors de leur migration, ils ont été victimes ou témoins, surtout en Libye, d’actes de torture, d’abus ou de la mort de leurs proches. Ils ont appris que, dans certains endroits, la vie humaine n’a pas de valeur.
Regrettent-ils d’être partis ?
Ils ne pensaient pas subir tant de violences répétées. Même en France, ils sont considérés comme des menteurs et des voleurs. Certains pensent à mourir, d’autres s’accrochent. Ils sont venus en s’attendant à des habitants « bienveillants » et pensent qu’ils pourraient aller à l’école, apprendre un métier, construire leur vie. Ils ne peuvent pas rentrer chez eux où leur vie peut être menacée ou alors ils ont honte d’avoir échoué et surtout ils n’ont pas d’argent.
Comment expliquez-vous qu’on leur colle une image de délinquants ?
Ce sont eux qui ont peur d’être agressés ou volés s’ils vont dormir sous les ponts avec d’autres migrants. Ils ont un sac à dos avec quelques effets personnels. Il faut arrêter de tout leur reprocher. Je ne vais pas nier qu’une poignée tombe dans la délinquance mais comme n’importe qui dans une telle précarité. Alors stop aux clichés des jeunes envoyés par des mafias pour voler les Français, de réseau d’immigration clandestine pour détourner des allocations, etc. Je rappelle qu’ils ne sont que quelques milliers.
Comment les aider ?
Pour ne pas s’effondrer, ils ont besoin d’être considérés comme des êtres humains. Il faut donc qu’on les croie et que l’État les rende visibles, les prenne en charge pour qu’ils aient enfin où dormir ou tout simplement se laver les dents ! Ce sont, avant tout, des enfants qui ont besoin que l’on prenne soin d’eux. Dans notre centre MSF, on les aide à se reconstruire, à avoir une chance en France. Nous les mettons en relation avec d’autres associations qui leur donnent des cours, leur font faire du sport. Ils se relèvent car on s’occupe d’eux et qu’une solidarité s’installe entre eux. Leur parcours leur donne une force de caractère incroyable et de l’énergie à revendre. Une fois qu’ils auront un travail, ils rendront à la France ce qu’elle aura investi en eux. »
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