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Interview de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance, à France 2 le 16 décembre 2022, sur la situation des enfants en France, l’avenir des enfants de djihadistes et les mineurs isolés.

Publié le 16-12-2022

Date de la publication : 16/12/2022
Source : Vie publique

« Intervenant(s) :
- Charlotte Caubel - Secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre, chargée de l’Enfance*
- Patrick Roger - Journaliste

PATRICK ROGER
Bonjour Charlotte CAUBEL.

CHARLOTTE CAUBEL
Bonjour.

PATRICK ROGER
Quelle situation des enfants en France, un sur cinq serait sous le seuil de pauvreté, violences et agressions sexuelles aussi, des chiffres toujours accablants, autre question que nous allons aborder, que faire des mineurs isolés, et puis les enfants sous le coup d’expulsion, que faire aussi des enfants de djihadistes, et puis nous évoquerons aussi l’enquête sur la transparence du patrimoine et les interrogations soulevées cette semaine à votre encontre par le journal « Libération. » Commençons en quelques mots sur le drame de Vaulx-en-Velin cette nuit, 10 victimes dans un incendie, dont cinq enfants, est-ce que vous avez quelques informations, vous, supplémentaires, complémentaires ?

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, une enquête, évidemment pénale, a été ouverte, Olivier KLEIN et Gérald DARMANIN seront sur place, donc pas d’éléments supplémentaires, on peut imaginer évidemment qu’on est sur un immeuble peut-être avec [des] fragilités, mais l’enquête le dira, je pense en tout cas évidemment aux familles et ces cinq enfants qui ont manifestement péris dans cet incendie, c’est un drame, c’est effroyable bien sûr.

PATRICK ROGER
Oui, absolument, donc on n’en sait pas plus…

CHARLOTTE CAUBEL
Pas pour le moment.

PATRICK ROGER
Pas pour l’instant. Alors ça nous emmène aussi à la situation des enfants, plus d’un sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, plus de 42.000 sont sans-domicile, alors c’est pointé par l’UNICEF, c’est l’UNICEF qui pointe ce chiffre justement, alors vous confirmez ou pas cet état des lieux ?

CHARLOTTE CAUBEL
En réalité c’est difficile d’avoir des chiffres très fiables. Quand on parle de sans-domicile on parle en réalité de situations très variables, avec du mal-logement, avec évidemment un certain nombre d’enfants qui sont dans des campements, quelques-uns qui sont dans la rue, tout ça est évidemment inacceptable. Dans le précédent quinquennat a été mis en place une politique très dynamique de bien logement et de mise à l’abri, on a aujourd’hui un nombre de places d’hébergement d’urgence totalement exceptionnel, 197.000 places, mais il y a encore beaucoup à faire et on est très engagés.

PATRICK ROGER
Quels sont les secteurs les plus concernés, alors je sais qu’il y a Mayotte par exemple aussi avec beaucoup d’enfants là-bas qui sont à la rue, mais est-ce qu’il y a des endroits, des quartiers, plus touchés ?

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, vous avez raison de dire que trois quarts des départements n’ont aucune difficulté en matière de logement, on est bien sûr très concentré dans les grandes zones urbaines, nos grandes villes françaises, et puis quelques exceptions de ultramarines, on a un sujet évidemment à Mayotte, et un sujet en Guyane, qui se voit peut-être moins, mais d’immigration, et donc de difficultés d’hébergement.

PATRICK ROGER
Oui, c’est ça Charlotte CAUBEL, qu’est-ce que vous pouvez mettre en place ?

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, on a mis en place, avant même la trêve hivernale, Olivier KLEIN et moi-même, qui avons été alertés très légitimement par les associations sur le nombre d’enfants, dits à la rue, c’est-à-dire en campements et mal logés, on a mis en place un dispositif national de suivi avec les associations, et on a renforcé les dispositifs territoriaux auprès des préfets pour que les familles soient priorisées. Le 115, les effectifs ont été renforcés, et on a obtenu une augmentation du budget de l’Etat pour que le nombre de places d’hébergement d’urgence soit renforcé, en tout cas ce ne soit pas diminué. Pourquoi il y avait une prévision de diminution, c’était pour…parce que l’idée c’était d’avoir des logements en dur plutôt que des logements provisoires, mais vous le savez, le BTP a fait prendre du retard à un certain nombre d’opérations de logements, donc voilà, mais donc des opérations très concrètes. Par ailleurs, évidemment avec le grand froid, le lancement du plan grand froid, l’ouverture de lieux réquisitionnés par les préfets, des maraudes supplémentaire pour aller chercher les familles, donc on est mobilisé tout le temps, avec Olivier KLEIN, sur ce sujet.

PATRICK ROGER
Et puis il y a une autre mobilisation, ce sont aussi des enfants victimes de violences, violences aussi parfois sexuelles, et vous avez dénoncé, j’ai vu, « une épidémie silencieuse », c’est-à-dire ?

CHARLOTTE CAUBEL
En fait je constate que quand je donne les chiffres, les gens sont surpris, mais passent assez vite à la question suivante, il y a comme un malaise quand on évoque…

PATRICK ROGER
Parce que tous les cinq jours un enfant meurt, c’est ça…

CHARLOTTE CAUBEL
Dans son environnement familial, sous les violences.

PATRICK ROGER
Sous les violences, oui.

CHARLOTTE CAUBEL
Donc…

PATRICK ROGER
Tous les cinq jours.

CHARLOTTE CAUBEL
On a une augmentation de la mortalité infantile, on a un doublement de bébés secoués en sortie de crise sanitaire, donc on a des mécanismes de violences physiques, et des mécanismes de violences sexuelles. On a du mal à faire prendre conscience aux gens de ça, il y a comme une espèce de contradiction dans notre pays où on se dit qu’on aime nos enfants, et où on a des chiffres, aujourd’hui, encore effroyables.

PATRICK ROGER
Et là qu’est-ce que vous pouvez faire ?

CHARLOTTE CAUBEL
Alors d’abord le dire et le redire, d’autre part en faire une priorité du gouvernement, on avait effectivement dans le gouvernement précédent un plan de lutte contre les violences faites aux enfants, la Première ministre a redit que c’était une priorité, Gérald DARMANIN a annoncé la création d’un Office de police dédié à ça, cet office sera accompagné d’ailleurs d’une circulaire de politique pénale par le garde des Sceaux, on a décidé de l’installation d’une unité d’accueil pédiatrique dans tous les départements pour pouvoir entendre la parole de l’enfant encore mieux que ce que nous faisons maintenant, puisque vous savez que c’est compliqué d’entendre un enfant, sur notamment des sujets d’agression sexuelle, on renforce l’accompagnement de l’ensemble des professionnels en créant une plateforme téléphonique pour que les maîtresses d’école, les professeurs de sport, l’encadrement périscolaire, puissent appeler et parler des doutes, parce qu’on a un problème évidemment de signalements, notamment aussi dans la médecine libérale, donc une action auprès des professionnels pour mieux repérer ces enfants, une amélioration de leur accompagnement et puis la lutte contre les auteurs.

PATRICK ROGER
C’est ça. Charlotte CAUBEL, qu’en est-il aussi des mineurs isolés ? Gérald DARMANIN a annoncé cette semaine vouloir mettre fin à l’enfermement des mineurs en centre de rétention dans sa nouvelle loi d’immigration, c’est plus global évidemment.

CHARLOTTE CAUBEL
Quand on parle des mineurs en centre de rétention administrative, c’est des mineurs qui accompagnent leur famille, qui ne sont pas isolés.

PATRICK ROGER
Absolument.

CHARLOTTE CAUBEL
Donc là…

PATRICK ROGER
Il y a ça d’un côté, et puis de l’autre en fait les mineurs isolés.

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, d’abord permettez-moi de saluer cette disposition dans le texte du gouvernement, qui va permettre d’éviter que des enfants se retrouvent dans des lieux de privation de liberté du fait de la situation de leurs parents, donc ça c’est quand même, pour le droit de l’enfant, les droits de l’enfant, une très bonne nouvelle. Sur les mineurs non accompagnés, donc qui sont des mineurs qui se présentent sur notre territoire sans accompagnements parentaux, beaucoup de dispositions ont été prises dans le précédent quinquennat, notamment dans la loi du 7 février 2022 sur la protection de l’enfance, puisqu’on est dans champ de la protection de l’enfance, donc il n’y aura pas de disposition, à ce stade, dans le projet de loi du gouvernement, parce que nous avons déjà beaucoup de choses à mettre en oeuvre pour les prendre en charge le mieux possible.

PATRICK ROGER
Alors il y a les structures aussi, par l’Aide sociale à l’enfance, et certaines sont décriées, parfois c’est le privé qui s’en occupe, qu’est-ce que vous pouvez faire là ?

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, on a énormément d’acteurs qui s’occupent des enfants…

PATRICK ROGER
Qui interviennent.

CHARLOTTE CAUBEL
En danger, ou en situation évidemment complexe dans leur famille, la difficulté qu’on a aujourd’hui c’est que, il faut mieux encadrer et mieux contrôler ces acteurs. On a eu évidemment, j’imagine que vous évoquez ça, une situation en Eure-et-Loir la semaine dernière…

PATRICK ROGER
Qui a été pointée dans « Le Canard Enchaîné. »

CHARLOTTE CAUBEL
Qui a été pointée dans « Le Canard Enchaîné », donc un lieu de vie, un lieu de vie c’est une petite unité où on essaye d’accueillir au mieux, au plus près des besoins de l’enfant, des enfants qui sont parfois en situation complexe, on pourra y revenir, la difficulté c’est qu’il y a une multiplication des initiatives, puisque c’est essentiellement porté par des associations, et qu’il appartient aux départements, qui sont chefs de file de cette politique, et à l’Etat, d’assurer un meilleur contrôle. J’ai demandé une enquête flash pour vérifier la situation des établissements, vérifier qu’ils sont bien autorisés, parce qu’ils doivent être autorisés par l’administration, et puis on va renforcer les contrôles, on va renforcer l’encadrement de ces structures, mais ne jetons pas l’opprobre sur toutes les structures…

PATRICK ROGER
Toutes les structures, c’est ça.

CHARLOTTE CAUBEL
Il y a des gens formidables sur le terrain.

PATRICK ROGER
Non, mais on a l’impression aussi qu’il y a un emballement, comme si c’était un marché en fait, autour de ça.

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, il y a une forte pression, il y a une forte pression, il faut savoir que dans certains territoires, en sortie de crise sanitaire, on a eu une augmentation de plus de 10 % des placements en protection de l’enfance, et donc il y a une forte pression sur les départements, qui cherchent des solutions les plus adaptées, les violences intrafamiliales conduisent à des placements d’enfants, donc qui cherchent des solutions, et effectivement j’ai été quand même très surprise de voir arriver dans ce dossier une entreprise, on n’avait pas le secteur lucratif sur ce sujet-là, j’y serai très vigilante parce qu’il est hors de question que la protection de nos enfants les plus vulnérables devienne maintenant, pardonnez-moi l’expression, mais un business.

PATRICK ROGER
Il y a eu aussi un débat, pour les enfants délinquants, sur les maisons de redressement de nouveau, qu’en est-il ?

CHARLOTTE CAUBEL
Vous voulez dire sur les centres éducatifs fermés ?

PATRICK ROGER
Oui, les centres éducatifs fermés.

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, effectivement il y a eu un rapport du Sénat qui a été sorti sur les centres éducatifs fermés, c’est un sujet évidemment qui relève du ministère de la Justice plus que de ma compétence, personnellement, vous savez, j’ai été directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, dans ces centres éducatifs fermés, qui sont des alternatives à la prison, nous avons des équipes formidables d’éducateurs, nombreuses, pluridisciplinaires, qui accompagnent ces enfants pour éviter le pire, c’est-à-dire la prison et la récidive.

PATRICK ROGER
Aujourd’hui aura lieu une conférence sur le Conseil national des droits de l’homme au sujet des mineurs concernés par les retours de zone, autrement dit les enfants de djihadistes, quelle est la position du gouvernement ?

CHARLOTTE CAUBEL
En tout cas la position du gouvernement est très claire, ces enfants n’ont pas choisi la radicalité de leurs parents, et ces enfants, pour autant qu’ils soient français évidemment, doivent être protégés et doivent rentrer, d’ailleurs le gouvernement a déjà beaucoup fait, nous avons aujourd’hui 265 enfants qui sont rentrés sur notre territoire et qui sont pris en charge, dans une prise en charge très complète, santé, éducation nationale, justice, pour évidemment les accueillir après les traumatismes qu’ils auront vécus sur le territoire syrien, donc c’est notre politique. Après, nous sommes dans un espace, enfin, dans une terre de combats, avec des mouvements armés, avec des mouvements entre la Syrie, la Turquie, etc., tous les retours sont compliqués, ce sont des opérations militaires complexes…

PATRICK ROGER
C’est du cas par cas.

CHARLOTTE CAUBEL
Non, le cas par cas… enfin, c’est nécessairement du cas par cas parce qu’il faut vérifier que l’enfant est français, et qu’il doit rentrer parce qu’il est français, ça de toute façon c’est du cas par cas, mais les opérations effectivement c’est une opération après l’autre, en fonction des conditions de sécurité, à la fois des enfants là-bas, et des personnes, mais aussi de nos professionnels, de l’armée, de la sécurité extérieure, qui interviennent dans des conditions extrêmement complexes, il ne faut pas l’oublier.

PATRICK ROGER
Charlotte CAUBEL, dans l’actualité aussi il y a un auteur de BD, Bastien VIVES, qui a été déprogrammé du festival d’Angoulême après une levée de boucliers de plusieurs associations qui l’accusent de faire la promotion de la pédocriminalité, de l’inceste, à travers ses BD, vous approuvez, vous, cette annulation de l’exposition ou pas ?

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, je n’ai pas trop à me prononcer sur cette exposition, dont je n’ai pas compris…

PATRICK ROGER
Ah bah oui, mais vous êtes secrétaire d’Etat en charge de l’Enfance !

CHARLOTTE CAUBEL
Oui, tout à fait, je vais me prononcer sur la suite par contre. Sur l’exposition je ne sais pas exactement ce qu’il y avait dedans et je n’ai pas à me prononcer sur le fait qu’Angoulême ait pris cette partie, par contre je suis évidemment, je prends acte du fait que Bastien VIVES a mesuré l’impact de ses dessins et de ses propos sur les très nombreuses victimes d’inceste que nous avons dans notre pays, une personne sur dix. Vous entrez dans une classe aujourd’hui, vous avez probablement deux enfants qui subissent l’inceste, c’est une situation très grave, très traumatisante, et Bastien VIVES a lui, il s’est excusé, compris l’impact, la violence de ses propos et de ses dessins sur ces victimes, devenues majeures, puisqu’évidemment ces bandes dessinées ne sont accessibles qu’aux majeurs. Pour autant, et ça je l’ai dit, un certain nombre de ces dessins continuent à être accessibles et continuent à être en vente, pour moi ils constituent, je le pense, des images mettant en scène des enfants dans des situations pornographiques, qui relèvent du code pénal, la justice aurait été saisie d’une plainte, en tout cas c’est à elle aujourd’hui de se prononcer sur le caractère légal, ou illégal, d’un certain nombre de dessins, qui sont encore accessibles.

PATRICK ROGER
D’accord, donc c’est votre position. Charlotte CAUBEL, le journal « Libération » a publié un article cette semaine s’intéressant à votre patrimoine, parce qu’évidemment il y a tout le débat autour de la transparence de la vie publique sur des affaires justement de patrimoine, patrimoine où vous déclarez environ 30.000 euros. Alors, le journal s’interroge sur votre passé professionnel, et puis votre situation maritale, d’épouse d’un grand patron, on va le citer, c’est Alexandre BOMPARD, le patron de CARREFOUR, qu’est-ce que vous répondez à « Libération » ?

CHARLOTTE CAUBEL
Alors, très logiquement, comme tous les membres du Gouvernement, j’ai procédé à mes deux déclarations de patrimoine et d’intérêts quand j’ai pris mes fonctions à la demande du président et de la Première ministre, la HATVP, la Haute autorité en charge de ça, a validé mes deux déclarations, et a donc considéré que les éléments que vous connaissez constituent les éléments qui doivent être rendus publics. Toutes les autres questions, la façon dont je gère mon patrimoine, mes revenus, relève en réalité de ma vie privée, et de la vie privée de ma famille.

PATRICK ROGER
Vous estimez qu’on va trop loin alors justement dans cette volonté de transparence aujourd’hui dans notre société ?

CHARLOTTE CAUBEL
Moi je trouve que les gens ont le droit de se poser des questions et ont le droit de me poser des questions, après il y a un seuil où on doit rendre des comptes, c’est les règles de transparence de la vie publique, d’autres questions relèvent de ma vie privée et j’estime que je n’ai pas nécessairement à y répondre.

PATRICK ROGER
Merci Charlotte CAUBEL, secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre, en charge de l’Enfance, qui était l’invitée ce matin de Sud Radio. »

Voir l’article en ligne : www.vie-publique.fr